Hommage aux gueules noires... mais honte aux journalistes !
En parcourant la presse, j’apprends la mort de soixante-treize mineurs qui ont été tués dimanche dans un coup de grisou dans une mine de la province chinoise du Shanxi (nord), a annoncé l’agence Chine Nouvelle. Naturellement, ancien mineur de fond, je m’informe un peu plus.
Sans beaucoup d’espoir que cet article soit publié sur Agoravox, ce n’est qu’un coup de gueule (noire). Bienvenue chez les Ch’tis, c’est aussi ce coté, moins médiatique.
Je n’ai pas envie de vous résumer Germinal. Emile Zola nous a écrit ce roman prémonitoire, vingt ans avant la catastrophe de Courrière. 1099 morts. Mais le film de Claude Berri est remarquable. Magnifique également, l’interprétation de ce loubard de Renaud, dans le rôle d’Etienne Lantier.
Le 8 août 1956, 275 mineurs ont perdu la vie à Marcinelle en Belgique.
Le 9 novembre 1963, 458 morts à Mikawa au Japon. J’ai appris ce drame en remontant des 856 mètres sous terre, à la fin de mon poste. « Travail en jargon minier ». J’avais 16 ans !!
Aujourd’hui, encore, les journalistes font des « Une », sur des sujets qu’ils ne maitrisent pas.
C’est vrai, le grisou est un gaz qui explose au contact d’une étincelle. Mais le grand nombre de morts vient du coup de poussière.
Je m’explique :
Au moment de l’explosion de la poche de grisou, la déflagration soulève la poussière de charbon. Celle-ci, en suspend dans l’air, s’enflamme et provoque une explosion. Qui soulève à nouveau… Cette chaîne d’explosion peut parcourir des kilomètres. Et c’est la chaîne des coups de poussière qui feront tant de morts. Elle s’arrêtera souvent grâce aux sas qui régulent la circulation d’air, dans les labyrinthes de galeries.
Les victimes sont soit ensevelies par les éboulements, soit brulées par les flammes, soit noyées par les poches d’eau qui éclatent ou encore, par asphyxie.
En France, pour éviter les coups de poussière, les « murs » (Mézières en patois du nord) étaient chaulès. Des projections de chaux et d’eau, mais cela avait un coup ! Les « Bowettes »(Galeries) ainsi traitées ne risquaient plus le coup de poussière. De plus, le blanc ainsi projeté, amélioré la luminosité de la lampes de casque.
Pour détecter le grisou, la lampe de mineur restera toujours, l’outil le plus efficace. Petit problème, son entretien devait être minutieux. Pour l’ouvrir, il fallait la passer devant des électro-aimants. Les tamis devaient être impeccables. Ce travail était confié à des femmes, puis aux anciens et handicapés des mines. Gage de confiance, car eux, savaient l’importance de cette lampe. Comme les marins pour leurs phares.
Les mineurs n’ayant qu’une faible confiance au « Grisoumètres ». Appareil complexe, mis au point par le Centre d’études et de recherches des Charbonnages de France (CERCHAR).
A la lecture de la presse, on recherche vainement un journaliste qui possède son sujet. Nous aurons des images des familles sur le « carreau », (l’accès au puits de descente). Des veuves et des orphelins, mais pas un mot sur la véritable cause. Passer les murs, la voûte et le sol (que l’on appelle le « Daine » car le sol, c’est là haut, au jour !) à la chaux représente un coût.
En décembre 1907, en Amérique : 936 morts.
En décembre 2007, en Chine 100 morts….
Renseignez-vous, messieurs, par respect pour eux ! Ne cherchez pas toujours le « scoop ». Creusez vos articles, donnez nous une approche de la vérité !
Vous aviez oubliez, mais Marcinelle, ce n’est pas que l’affaire Dutroux. C’est pour moi, la mort de 275 collègues.
Effectivement merci de rappeler cela.
Les poussières carbonées en nuages explosent. C’est aussi ce qui se passe dans les silos de maïs lorsque les poussières ne sont éliminées, du côté de Blaye il y a quelques années. Les silos de luzerne séchée (pour remplacement des tourteaux de soja pour l’alimentation animale)...
Les Chinois officiellement annoncent 5000 morts annuellement dans les mines de charbon. Mais il y a les mines non-officielles. Les estimations les plus crédibles tournent autour de 15000 morts par an en Chine pour l’extraction / manutention du charbon.
J’ai été le premier "étranger" en 1989 à descendre à -850m dans la mine Goïevotse (ex-mine Staline) dans le Donbass. Pour un non habitué c’est assez impressionnant. Mais même si l’on connaît, ce doit être comme le décalage horaire on ne doit pas s’y habituer.
Personnellement je pense que moins on utilise le charbon comme source d’énergie, mieux on se porte en général ; que ce soit les mineurs, les manutentionnaires du charbon, les riverains des centrales au charbon.
Mais nos écolos se foutent complètement des "petits détails" rappelés par l’auteur, que ce soit des Chinois ou des Sud-Africains on a l’impression que selon eux ce ne sont pas hommes, mais des numéros..Nos écolos ont la phobie de l’électronucléaire, et coup de poussier ou pas ils n’en ont cure.
Mais d’avoir un article qui donne le vécu, ça nous change des théories idéologiques.
Merci.
@+
Merci Papybom de ce très interessant article , je suis un bled à vous ( Bayon) pouvez vous svp faire une série d’articles sur le vie des mineurs de fond ? ce métier a disparu en France et cela servirait de témoignage, merci de votre attention
Merci pour votre article . Je suis un chti et fier de l’être ! Pour plus d’informations au sujet de ce grisou et autres catastrophes je vous suggère vivement la visite du site de " Lewarde " à côté de Douai . On y trouve une belle collection de lampes par exemple qui explique la fameuse catastrophe de Courrières en 1906 avec 1200 victimes .
Je vous remercie d’avoir parlé la visite du site de " Lewarde " à côté de Douai. J’ai emmenais mes enfants pour leurs faire comprendre ce travail. Si je suis encore valide, je souhaite le faire connaître à mes petits enfants, lorsqu’ils seront en âge de comprendre.
C’était le métier de mon père, que je n‘ai pas assez connu et aimé assez longtemps. Il y est mort alors que je n’avais que 11 ans. Mais, aujourd’hui, je suis fier de l’avoir fait.
Un bon nombre de salariés et de syndicalistes rechigne de plus en plus à s’exprimer devant des caméras lors de conflits pour une des raisons que vous évoquez à propos des journalistes et en particulier à la vue de certaines chaines. Les interwiens après montage étaient tellement tronqué que les aspects essentiels des mécontentements accumulés etaient nettoyés de leurs légitimités premières. Le résultat obtenu conduisait à la réflexion que c’était une fois de plus le fait d’une bande de neuneu privilégiés et protégés.
La raison, ils s’en fichent, ce qui importe c’est ce qu’ils vont pouvoir en faire pour plaire.
C’est la reflexion que l’article m’inspire.
Je dois dire que FR3 Région m’a toujours paru correct. Il reste bien des professionnels tout de même.
Jeune galibot (Apprenti-mineur) à l’âge de 14 ans, ma première cage (Ascenseur pour le personnel et le matériel) fut à la Fosse 4 de Lens. La ville des Sang et Or .
Un article sur la vie des mineurs, j’ai bien peur que cela ne m’intéresse pas grand monde. Fin janvier, j’ai mis un commentaire sur la valeur du travail :
« Lorsque que travaillais dans les mines de charbon (dans le Nord), en début de poste et en fonction de la veine (hauteur du charbon), chacun décidé de son objectif. Soit un, deux, trois tuyaux (de 5metres).
En fin de poste, si l’un de nous n’avait pas terminé, nous allions l’aider pour laisser un travail propre pour le poste suivant. Personne n’aurait pensé réclamer un pourcentage pour ce travail supplémentaire. Le porion (chef d’équipe) n’aurait jamais prononcé le mot licenciement.
Notre avenir et notre sécurité étaient la confiance des uns envers les autres. Chez les « gueules noires » c’était Solidarité ! »
Ce fut un bide. Ce travail, cette fraternité et cette fierté du métier ; c’est dépassé. Seul le Dieu Mamon règne sur le monde.
Puisque l’occasion m’est donnée sur ce premier article publié, je voudrais expliquer un autre aspect de ce travail.
Dans les mines, je n’ai jamais connu le racisme. Et pourtant, dans les ouvriers on trouvé :
Des Polonais, des Italiens, des Marocains, des Algériens, des Turcs…..Mais confier sa propre sécurité à un « étranger » avait autant de valeur que de la confier à son propre frère. Croyez-moi, c’était une bonne école d’humilité. Certes, les plaisanteries fusaient sur les coutumes de chacun, mais toujours dans le respect Le « Chit » a toujours été grande gueule et chahuteur.
A l’heure du Briquet « casse-croute pris au fond », c’est ensemble que nous étions. Et pour celui qui avait perdu sa Musette « son sac »sous un éboulis, nous partagions.
Déjà pour cette raison, je déplore que les mines soient fermées.
Pour ne pas finir sur une touche grave, je vous donne une autre explication.
A la fin du poste, nous étions identiques. La poussière de charbon collant à notre peau. Nous étions tous Noir. (De la l’expression des gueules noirs).
Parlez-nous aussi des douches en groupes quand on remontait, par 30 ou 40 à la fois ! Tout le monde formant une ronde et chacun lavant le dos de son copain !
Et les yeux, bordés de poussière de charbon qu’il fallait nettoyer avec de la margarine ! Sinon, on avait l’air dêtre maquillé.
J’ai parcouru votre gueule noire dans ma nuit blanche, et je vous remercie de ce témoignage qui aura su, j’en suis sur, avec émotion nous faire partager un peu de cette vie au travail dans la mine.
J’habite Nice, un carte postale pour bien des gueules noires. Permettez-moi de vous assurer que la profondeur de vos propos, héritière probable de celle de vos puits, me fait vous envier une humanité que ni le soleil ni la mer -et surtout pas la mentalité locale- ne savent nous offrir, croyez-moi.
Merci d’un peu de Vrai dans un monde trop faux.
De plus vous êtes un conteur-né. Et un explicateur efficace. On ne vous l’a jamais dit ?
Respect.
Bonjour LeManu,
J’ai rarement été intimidé depuis que je suis sur AV. Là je l’étais.
Et du coup, je ne savais même plus comment m’adresser à l’auteur. Vous l’avez superbement fait, alors respect pour lui et pour vous.
Ah au fait LeManu. Je regrette pour votre nuit blanche … Même pas vrai ce mensonge là.
Bonne journée à vous deux.
Il existe aussi des "tablettes" réparties (au plafond et en travers des galeries) tout le long des galeries des mines de charbon. Sur ces tablettes de la chaux en poudre aussi je crois, ou une poussière non combustible.
Par les ondes ( souffle) des explosions, ces tablettes en équilibre instable, basculent et tombent dans la galerie. La poussière incombustible "bouche" instantanément alors la galerie et fait alors un "rideau" inerte qui stoppe la propagation des explosions" et du feu.
C’est vrai que le travail avait énormément évolué dans les mines.
Pour prendre l’exemple du transport, j’ai eu la chance de connaître le Meneur de Bidet avant sa disparition. Cette fonction était dévolu à un ancien, souvent incapable par ses blessures, de travailler à l’Abattage (travail en taille au contact direct du charbon). C’est lui qui conduisait les chevaux tirant les wagons .La symbiose entre l’homme et l’animal était touchante, pour le gamin que j’étais encore. Détail amusant, au moment de partir, le cheval compter les clics de tensions. Un clic de trop, c’était un wagon de trop. Alors il refusait de continuer.
Ces pauvres bêtes ne revoyaient jamais le soleil. Les écuries étaient au fond.
La sécurité progressé petit à petit, mais chacun était conscient des limites réalisables. Le Fond comme la mer, réclamé souvent son tribut. Par chance, les Houillères avaient un des meilleurs systèmes sociaux que je fus à même de connaître.
Et, n’oublions les fameux corons. Lieu de vie social du mineur, avec ses propres règles. A cette époque, il n’y avait pas de concours du plus beau jardin fleuri. C’était le concours du plus beau jardin potager. Autre vie !
Au crépuscule d’une vie bien remplie, j’aurais aimé détenir plus d’instruction pour décrire plus aisément cette vie. Mais d’autres l’ont fait mieux que moi, et je n’aurais pas connu cette richesse de cœur. Donc, je ne regrette rien.
Merci à ceux qui ont pris le temps et la peine de parcourir cet article.
Je ne connais pas bien les rouages d’Agoravox. J’ai peur que ma réponse arrive après disparition de l’article.
Bon, je tente le coup. Je suis de nature bavarde sur ce sujet.
Effectivement, en remontant, le mineur passé en premier à la Lampisterie. En remettant sa lampe, on lui rendait son jeton d’identification. Par ce moyen simple, l’encadrement connaissait toujours les présents au fond.
Ensuite, direction la salle des pendues. C’est la que le mineur se déshabillé entièrement. Les vêtements étaient suspendus à un ensemble de crochets. Au moyen d’une corde, l’ensemble rejoignez le plafond en libérant la place au sol. Les corps blancs côtoyaient les corps noirs.
Assis sur le banc, c’était l’instant privilégié du mineur. Celui de sa première cigarette depuis sa descente.
Les fameuses douches collectives étaient soit un moment de détente muette, pour les plus fatigués : soit un grand moment de plaisanteries. J’ai perdu ma pudeur à cet âge !
Pour les yeux, j’avais comme beaucoup, un petit flacon contenant de l’huile ménagère. Quelques goutes sur un mouchoir, permettaient de nettoyer le contour des yeux. L’opération était assez laborieuse et ensuite, on voyait trouble pendant une dizaine de minutes.
C’est pourquoi, certain n’effectués cette opération que le dimanche. Mais, dans les corons, il était amusant de rencontrer des grands gaillards maquillé comme des dames de petite vertu.
Je sais que l’article date un peut, mais ce genre de sujets sont intemporel ))
J’aimerai vous contacter en message privé, mais je ne sais pas si c’est possible sur le site. J’ai trouvé votre article très intéressant, et je voudrai en savoir un peut plus de votre part. Je vous laisse mon adresse mail (cardonf@gmail.com), si vous voulez bien m’envoyer un mail je vous expliquerai plus en détail le but de mon intervention.