Hommage national à Charles Aznavour ! Certes mais de quelle nature ?
Maintenant que sont éteints les flonflons des hommages tout à fait mérités des gens de culture et du bon peuple à Charles Aznavour, on peut s’interroger sur le cheminement mental qui lui vaut une onction nationale avec passage obligé aux Invalides.
Comme pour Johnny Hallyday d’ailleurs mais dans une moindre mesure car l’hommage rendu à Johnny fut essentiellement populaire avec la seule présence du chef de l’état sur les marches de l’église de la Madeleine.
Aznavour était ce que, par euphémisme, on appelle un exilé fiscal : ce n’est pas un acte de délinquance car chacun est libre d’installer son domicile sous les cieux qui lui chantent mais ce n’est pas un acte de civisme non plus.
C’est donc quelqu’un qui a choisi de ne pas payer ses impôts en France, donc de ne pas contribuer à la mesures de ses plantureux moyens à la solidarité nationale ?
C’est donc aux funérailles de ce type de personnage que la patrie reconnaissante donne un caractère officiel.
Je ne vais pas faire le procès des choix de vie de Monsieur Aznavour qui mérite bien qu’on lui donne du Monsieur pour son apport à la culture française et surtout pour la symbolique qu’il représente : un enfant d’immigré qui s’est hissé au rang de gloire nationale.
Peut-être le système fiscal français est-il trop gourmand ?
Mais, en l’occurrence à ce que je sache, le civisme est tout de même une valeur sur laquelle se fonde la république, qui la fait vivre et on demande à chacun d’être exemplaire surtout ceux qui ont largement les moyens de l’être.
Les prélèvements fiscaux sont de tel ordre que ne pouvait, semble-t-il, le supporter Aznavour ou ceux qui étaient en charge de ses intérêts à l’instar d’autres grands patriotes qui préfèrent les cieux plus cléments des paradis fiscaux mais bénéficient nonobstant de la considération la plus distinguée de ceux qui se bornent à prêcher la morale et le civisme devant des auditoires populaires.
Il est vrai que la France a connu un Ministre des Finances – donc en principe quelqu’un chargé de la traque des « inciviques » ( notion fort relative comme on voit) qui, après avoir démenti, les yeux dans les yeux, les malversations dont il était accusé, avait été confondu par la triste réalité des faits que rapportaient les informations du Canard en l’occurrence déchaîné mais de grande utilité publique.
Alors oui ! Avec la disparition du grand chanteur poète la perte est immense qui voit un immigré honoré par ses nouveaux concitoyens dans leurs éloges unanimes.
D’ailleurs même ceux qui sont le plus opposés à la place des immigrés dans la société se sont crus obligés de se joindre, toute honte bue, à l’hommage national.
Ce n’est donc pas le tribut mérité, celui de la profession et du public, qui me heurte mais la mise en scène où les Institutions de la république sont mises à contribution pour rendre aux Invalides un hommage à un exilé fiscal.
Il y a comme une espèce de dithyrambe qui heurte le bon sens du moins tel que je le conçois.
Mais sans doute suis-je un peu trop de la vieille école ?
L’absence de discrétion aurait été beaucoup plus en phase avec le respect des lois qui est exigé à juste titre de tous les citoyens appelés à contribuer en fonction de leurs moyens à la marche de la nation.
On manque, me semble-t-il, de mesure quand on fustige les assistés chargés de tous les malheurs de la nation et que l’on ne dédaigne pas les honneurs officiels pour ceux qui planquent leur fortune.
Encore une fois je me répète, passées les images poignantes de la cérémonie, on peut tout de même opiner que la république a été une nouvelle fois abaissée - par la macronie cette fois-ci - dans la mise en scène de ce cinéma.
Sans doute pour faire oublier les fâcheuses mésaventures qui ont, ces derniers temps, affecté sa représentation dans ce que j’appellerais volontiers l’imagerie populaire.
Cette dernière initiative de Macron me semble un indicateur – beaucoup plus parlant que les sondages erratiques – de la déliquescence de la France qui ne date pas d’aujourd’hui ni même d’hier mais peut-être bien d’avant-hier. En tout cas de longue date.