Illusions perdues : le film à ne pas rater au cinéma !
Je vous l'avoue, le cinéma français me laissait de marbre ces dernières années. Après le convaincant "Eiffel" avec Romain Duris, j'attendais la confirmation du renouveau des productions hexagonales conformistes et convenues.
Votre narrateur s'est donc aventuré dans une salle du quartier Havre-Caumartin à Paris pour assister à l'adaptation du roman de Balzac, "Illusions perdues", une partie de sa série sur la comédie humaine. Samedi après-midi, ce fut un électrochoc, je n'avais pas vu un tel chef d'oeuvre depuis des années : réalisation sans failles, acteurs excellents, décors et costumes du Paris de la monarchie de juillet impeccables, ambiance de l'époque bien reconstituée. Malgré quelques anachronismes (on a connu bien pire), Xavier Giannoli a réalisé le film de sa vie.
Lucien de Rubempré, fils d'aristocrate défroqué et employé d'imprimerie quitte Angoulème pour Paris avec ses talents de poète en poche, et une maitresse-comtesse qu'il espère utiliser pour récupérer son titre de noblesse perdu. Dans la capitale, il sympathise avec le petit monde de la presse libérale, du spectacle de cabarets, des intrigues, de l'hypocrisie sans fin où les amitiés se font et se défont au gré des intérêts de chacun.
Un monde libre en apparence où tout est truqué, tout a un prix. L'information, la critique de spectacle, les sentiments. Lucien aura sa part de gloire, journaliste redouté puis déchu suite à un traquenard tendu par les amis royalistes de son ex-maitresse. Sa jeune compagne actrice à la santé fragile n'y survivra pas, et la notoriété éphèmère de Lucien va s'effondrer, le ramenant à la case-départ chez lui à Angoulème.
Une satire grinçante du capitalisme naissant où l'argent maltraite les rapports humains. Une dénonciation du monde de la presse, en connaissance de cause puisque Balzac fut lui-même journaliste, où l'amateurisme et l'appât du gain l'emportent sur les opinions. Lousteau, le rédacteur en chef du Corsaire-satan, annonce la couleur à Lucien : "mon métier n'est pas d'informer mais d'enrichir les actionnaires du journal"...
Une trame de fond très subversive si on considère que cette période des années 1830-1848 n'est que les prémices de ce qui s'annonce un siècle plus tard. Balzac avait-il des pulsions anarchistes avant l'heure ? Ce Paris qu'il nous peint entre royalistes et libéraux n'est que celui des parvenus, au détriment d'un petit peuple réduits aux petits métiers, et une prostitution omniprésente dans chaque quartier.
Pour en revenir au film, notons d'excellents seconds rôles et des figurants très convaincants. Le tout pour un opus de 2h30 à tambour battant. N'hésitez-pas à voir ce film d'anthologie en salle. On ne peut qu'espérer de Giannoli une suite, possible vue l'ampleur de l'oeuvre de Balzac.
Bande-annonce du film :