vendredi 17 mai 2013 - par Caleb Irri

Ils sont où les indignés ?

En Espagne, les « indignados » se sont réunis il y a peu pour « fêter » (ou commémorer c’est selon) les 2 ans de ce mouvement ; avec paraît-il quelque peine à rassembler : c’est que ce mouvement semble s’être dissout dans la crise, et avec lui l’espoir qu’il portait.

Les indignés comme en Grèce, en France ou ailleurs nous disent avoir fait évoluer le mouvement de manière plus locale, plus concrète ou que sais-je encore, comme pour s’excuser de ne plus rassembler les foules. Mais la réalité est sans doute bien plus dure : les indignés sont tous simplement rentrés chez eux.

 

C’est que la loi capitaliste s’applique même en temps de crise : tant qu’on peut donner on donne, et quand on ne peut plus cela devient chacun pour soi. Pris que nous sommes dans le tourbillon de cette crise qui s’aggrave de jour en jour, les hommes ont tendance à se diviser en petits groupes, puis à s’isoler dans une sorte de repli sur soi et les siens, comme s’ils étaient ainsi mieux protégés des « dangers » extérieurs.

Diviser pour mieux régner, voilà une règle qu’ont appris sur le tard ces indignés incapables de se donner des objectifs communs et une ligne directrice… une règle que connaissent bien nos gouvernants : opposer le public et le privé, les jeunes et les vieux, les étrangers et les nationaux, c’est énerver les liens sociaux et diviser le peuple, lui retirer l’espoir et le contraindre à l’abandon de la lutte. Et en voulant éviter la « politisation » de leur mouvement, en refusant de se choisir des « chefs » ou même de rechercher une méthode de construction d’un discours commun, le caractère hautement démocratique de ce mouvement s’est englué dans ce qui se trouve être le principal défaut de la « vraie » démocratie : l’immobilisme, l’absence de cap, le manque de cohésion, et à terme la division, le foutoir, la débandade ; ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle ne soit pas à rechercher…

 

Deux ans ! Il s’est passé deux ans pour qu’un mouvement qui frôlait l’internationalisme s’effrite et périclite partout dans le monde. Sans doute un peu faute d’expérience face aux experts de la manipulation des esprits qui nous gouvernent et qui ont poussé au « pourrissement » du mouvement, mais aussi et surtout faute d’avoir su donner corps à sa réflexion. Pourtant, c’est un espoir formidable qu’avaient entretenu ces mouvements, du printemps arabe jusqu’au printemps érable, et des millions de citoyens croyaient alors qu’il allait enfin « se passer quelque chose », que les indignés allaient « changer les monde »… Et puis le temps a passé, le travail de sape des forces de l’ordre, la lassitude des indignés comme celle des téléspectateurs avides de nouveauté, tant et si bien que chacun est rentré chez soi pour tenter de continuer à vivre plus ou moins correctement.

 

Depuis le mouvement continue ici ou là, avec quelques réflexions intéressantes, quelques alliances plus ou moins politisées, et surtout beaucoup d’initiatives locales plus pragmatiques mais bien éloignées de la révolution des esprits tant attendue… et puis la crise continue : il faut bien vivre ! Le capitalisme est le plus fort, il détruit jusqu’à la solidarité.

Et on le sent partout, jusque sur internet. Les sites « alternatifs » ferment les uns après les autres, « l’aquoibonnite » (à quoi bon continuer) étant sans doute la première cause de ces « décès ». Face à la vanité des actions et réflexions menées pour « éclairer » ou rassembler sans même l’espoir d’aboutir à un début de commencement de solution (nous savons tous pourquoi ça va mal mais personne ne sait comment faire pour que ça aille mieux), nombreux sont ceux qui jettent l’éponge…

 

la solidarité, et même l’espoir, s’effacent devant la réalité… on en vient à croire aux vertus de la décroissance en prévoyant de saboter nous-mêmes les conditions de confort dont nos fameux gouvernants veulent déjà nous priver…comment faire pour les réanimer ? Comment non pas faire comprendre mais faire « sentir » à tous les indignés qui s’ignorent qu’au lieu de nous renfermer pour se protéger nous devrions nous ouvrir pour résister ensemble ? Et surtout ne rien lâcher sur nos conditions de vie : le véritable socialiste n’est pas le misérabiliste qui souhaite la fin des « ferrari » mais bien celui qui veut le meilleur pour tous. Ce ne sont pas les conditions de vie des « riches » qui doivent s’abaisser au niveau de celles des « pauvres » mais celles des pauvres qui doivent s’élever au niveau de celles des riches. Il ne doit pas y avoir que le capitalisme qui désire le progrès (car ce n’est que lorsque nous pourrons « tout » avoir que nous n’en aurons plus besoin).

 

Que nous manque-t-il pour alors pour reprendre courage ?

 

Je vous soumets ici une proposition de méthode qui vaut ce qu’elle vaut :

-Tout d’abord il faut un site commun, et internationaliste
-ensuite et par l’intermédiaire de ce site (avec twitter et page facebook), organiser une grande manifestation internationale dans les capitales concernées, à l’issue de laquelle seront tirées au sort -et parmi les volontaires – deux portes-parole pour chaque ville (un délégué et un suppléant), censés servir de lien entre tous les pays.
-sera alors organisée une « rencontre » entre tous ces « portes-parole » (internet le permet aisément) afin d’y discuter des statuts (comment il fonctionne, avec une sorte de « charte » à la clé), statuts qui seront portés aux votes de ceux qui le désirent (toujours via le site internet)
-il faudra aussi déterminer des objectifs communs après un travail de réflexion et de débats, puis les faire voter au plus grand nombre, qui pourront alors être considérés comme « militants »
-et enfin créer des antennes locales susceptibles de devenir des relais d’action et de réflexion en même temps que d’émettre des propositions ou des projets.

 

A vos agendas donc, il ne reste qu’à poser les dates (ou presque !)…

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr



13 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 17 mai 2013 10:18

    Un excellent constat et une bonne question :

    L’engagement personnel dans un mouvement de contestation du Système est-il compatible avec la pseudo démocratie ?

    Pseudo démocratie car faussement représentative. Il ne fait plus de doute pour personne que ceux qui sont censés nous représenter ne représentent qu’eux même, leur classe et le parti quasi mafieux et subventionné qui distribue les postes aux parasites donneurs de leçons.

    Un engagement dans un mouvement signifie consacrer beaucoup de temps, investir une part de soi-même aux dépens de sa vie personnelle. Si cela aboutit à un résultat, c’est merveilleux mais dans le cas contraire, le découragement survient surtout quand la grande majorité de la population, celle dont la fin de mois sonne claire, ne vous considère que comme une curiosité.

    Est-ce une bonne nouvelle pour l’oligarchie ? Certainement, car en cas de radicalisation, d’actes désespérés, voire d’attentats ciblés, elle en profitera pour réduire encore les libertés individuelles et augmenter son pouvoir.

    Pour conclure, rappelons une évidence. Il est impossible que tout le monde consomme au même niveau que l’américain moyen. Deux planètes n’y suffiraient pas. Ce modèle consumériste n’a pas d’avenir et, admettons le, humainement, peu d’intérêt. Il nous faut absolument modifier nos valeurs sur l’art de vivre. Là est peut-être l’avenir de la contestation du Système.


  • subliminette subliminette 17 mai 2013 10:42

    Caleb, je pense qu’il faut tenir compte du poids des journamenteurs qui tentent de nous faire croire qu’il n’ y a plus de manifestations, que tous les autres peuples européens sont heureux de leur sort et qu’il n’y a vraiment que les Français, ces râleurs professionnels, pour être mécontents.

    L’Europe, la Finance, les lobbies ont trop intérêt à ce que le calme règne. Un mouvement social massif qui soulèverait plusieurs pays irait trop à l’encontre de leurs privilèges.

    C’est pourquoi les journamenteurs nous manipulent : pauvres petites souris solitaires, vous ne pouvez rien contre le tout-puissant éléphant qui, d’ailleurs, n’oeuvre que pour votre bien. S’il met sa patte sur vous, ce n’est pas pour vous écraser, voyons, c’est pour vous protéger, pour votre bien, espèces d’ingrates ! Vous êtes vraiment trop crétines pour comprendre !


    • Fergus Fergus 17 mai 2013 13:28

      Bonjour, Subliminette.

      Il faut ouvrir les yeux : il n’existe actuellement quasiment pas d’opposition populaire aux régressions sociales généralisées qu’orchestre l’Union européenne avec la complicité des gouvernements libéraux en place dans la plupart des pays, le nôtre y compris.

      Je crains à cet égard que la réforme des retraites annoncée par Hollande ne donne lieu qu’à des manifestations guère plus convaincantes que celles qui ont eu lieu sous Sarkozy et que j’ai toutes faites par solidarité avec les actifs.


  • hunter hunter 17 mai 2013 10:50

    Salut à tous !

    Ce mouvment avait peu de chance de « prendre », surtout dans les pays dits « développés », drogués depuis plus de 50 piges, à la croaassance, l’énergie, la bagnole, etc.....

    Daniel Roux a bien expliqué pourquoi, mais je rajouterai un truc : la problématique était faussée au départ, puisque ce mouvement ne remettait pas vraiment en cause le système, mais revendiquait plutôt une plus grosse part du gâteau pour ceux (99%) qui n’en avaient pas beaucoup !

    Donc demander plus de gâteau, implique que le gâeau existe toujours, alors que la vraie problématique, c’est qu’il disparaisse !

    Je rejoins ainsi la dernière phrase du commentaire de Daniel.

    be seeing you

    H /


  • Frabri 17 mai 2013 11:27

    Où sont les indignés des pays riches ? ? ?

    La majorité des indigné-e-s sont là où ils et elles se sont résigné-e-s, comme il fallait s’y attendre ;

    Des indigné-e-s d’Espagne et d’ailleurs ont été trouver du travail en Allemagne et dans les pays dit émergents.


  • Scual 17 mai 2013 12:46

    Les indignés étaient un mouvement de grogne sans but concret, il n’a donc rien obtenu de concret.

    Cela dit ce mouvement ne s’est pas vraiment éteint, il a au contraire grandi et a dépassé le stade débile de l’inutilité stérile pour voir ses participants se politiser, malgré tout ce qui a été fait par le système pour le transformer en mouvement apolitique ou anti-politique... avec succès. Maintenant les partis politiques réellement anti-système sont en pleine explosion dans les pays où les indignés étaient forts. Les gens qui se sont bougé à cette occasion sont désormais murs politiquement et sont bien formés et informés. Ils réfléchissent, proposent, agissent etc. Il fallait de toute façon en passer par là tellement la dépolitisation était presque totale.

    La France de son coté continue avec le FdG et ses 4 ans d’avance au niveau idéologique et programmatique.Il est de plus en plus populaire, avec déjà un score très intéressant, et son niveau de politisation des militants comme des électeurs est de plus en plus élevé. Le niveau élevé de politisation de la France est une chance incroyable, on s’est épargné une bonne partie du chemin vers le retour au pouvoir du peuple an ayant déjà l’outil pour y arriver plutôt que d’avoir à l’inventer.


  • Richard Schneider Richard Schneider 17 mai 2013 16:30

    Réponse à Fergus,


    C’est tout-à-fait vrai qu’il n’existe actuellement quasiment aucune opposition populaire aux regressions sociales, orchestrées par l’Allemagne et l’UE, car les peuples sont sont totalement abattus, chloroformés - ils sont en état de choc, pour reprendre le titre du livre de N.Klein.

    En France, comme ailleurs en Europe (du Sud), aucun leader véritablement opposé à cette vaste escroquerie qu’est l’Euroland n’émerge du lot des contestataires, aucun mouvement collectif n’arrive à se constituer. Il est vrai que notre douce France est, depuis des années, de droite et libérale - et ce ne sont pas les débuts calamiteux de Hollande à la tête de l’état qui inversera la donne.

    Où sont ces fameux « indignés » qui devaient résister à la barbarie néo-libérale ? Les Espagnols ont quitté leur pays pour se vendre à la riche industrie allemande. Idem les Grecs. Et les Français ? Ceux qui - largement en minorité - sont opposés à la doxa ultra-libérale espèrent qu’une idole - ou un petit Père des Peuples - arrive enfin, tel le Messie, pour sauver ce qui peut encore l’être de notre système élaboré par nos anciens au lendemain de la Guerre. 

    PS. Juste une remarque en passant. Comment cela se fait-il qu’il n’y ait aucune contestation en G.B. - pourtant bien mal en point, elle aussi ?

    Amicalement,

    RS.


    • Fergus Fergus 17 mai 2013 19:09

      Bonsoir, Richard.

      Nous faisons le même constat, et ce n’est évidemment pas réjouissant. Oui, les Français sont « chloroformés » (il y a quelques jours j’écrivais « anesthésiés ») et, faute d’espoir européen induit par un grand leader, il est à craindre que les prochains reculs sociaux ne rencontrent pas l’opposition qui permettrait de les mettre en échec. Espérons quand même...

      Pour ce qui est des Britanniques, je crois qu’il faut voir dans leur acceptation des décisions douloureuses la conséquence de leur culture, de même type que celle des Etasuniens, tous persuadés que, grâce au système libéral, ils auront un jour être une chance d’être du côté du manche.


  •  C BARRATIER C BARRATIER 17 mai 2013 20:05

    En France, les résistants d’hier et aujourd’hui se sont mis en réseau. Le rassemblement de GLIERES est de plus en plus important. La flame n’est pas éteinte ! Espoir.


  • PrNIC PrNIC 18 mai 2013 09:35

    Poser la question « ils sont où ? » prouve déjà que Caleb ne doit pas en rencontrer beaucoup !

    Voit-on le levain dans la pâte ? Peut on leur demander de fonctionner comme des « partis » politiques verticaux , alors qu’ils sont toujours en réseau ?

    Faut pas attendre qu’ils nous fassent signe ...faut aller avec eux ou les soutenir moralement et financièrement !


  • Le421... Refuznik !! Le421 18 mai 2013 13:43

    Je vais peut-être vous paraître rêveur, mais quelque part...

    Je me suis rendu compte que seules les manifs ou on cassait tout avaient une chance d’être médiatisées et prises en compte. Même un type qui se jette dessus un bidon d’essence et y mets le feu, ça devient d’un courant !!
    Bref !! Comme « foutre le bordel », c’est pas ma tasse de thé, j’organise ma petite « résistance » à moi. Comment ?? Exemples :
    - Spanghero et complices nous refilent de la brebis galeuse et du cheval anémié (A.I.E.) de Roumanie dans les lasagnes ??
    Pas de problème, je ne mange absolument pas de plats cuisinés tout prêts. Un peu d’organisation et de bonne volonté me font gagner beaucoup d’argent et mieux manger.
    -Les énergies coûtent cher !! Véolia fait la gueule. Je consomme environ 35 mêtres cubes d’eau à l’année. Ma citerne bien équipée se révèle précieuse. EDF ne m’éclaire plus, c’est un réseau basse tension 12V à Leds avec batterie et panneau solaire. Montage maison pas cher et efficace.
    -Mon puits canadien stabilise fortement la température de la maison. J’ai passé les tuyaux quand j’ai fait l’assainissement. Très bon investissement.
    -Je regarde la provenance et la qualité de tout ce que j’achète. L’huile de palme, gentiment appelée « huile végétale » (ces salopards, je pèse mes mots, de Bruxelles ont autorisé cette appellation) est proscrite de tous mes aliments. Outre la santé, les dégâts sur la nature sont immenses...
    -J’entretiens ma voiture. J’ai la chance d’avoir les connaissances et le matériel pour le faire. Le garage de la marque (Citroën, pour pas citer) ne voulait même pas vidanger la boîte de vitesses automatique dans l’espoir qu’elle pète bientôt pour que je change de voiture. Vous avez dit « bizness » ??
    Bref, je lutte contre tout gaspillage inutile, contre toute surconsommation, contre tous les éléments à obsolescence programmée que l’on nous impose.
    Bien sûr, je me fais avoir de temps en temps, c’est normal !! Mais je fais partie de ces gens qui recyclent les vieux ordinateurs pour leur donner une nouvelle vie, je suis partisan de la décroissance et je vois que de gré, ça n’a jamais été possible, alors que de force, ça vient tout doucement.
    Quand il n’y a plus d’eau à pomper, il fait comment l’agriculteur avec ses champs plein de maïs !!
    Fallait peut-être y penser avant...
    Perso, j’ai une fontaine près de chez moi, zéro nitrates et peu de calcaire. En Dordogne, c’est génial. Je comprends pourquoi les hommes préhistoriques y avaient construis l’un des berceaux de la civilisation.

    La véritable force est en chacun de nous. Si vous faites tous comme moi, il y en a qui vont faire la gueule. Ces « j’ai tout compris », têtes d’ampoules squattant les plateaux de télévision.
    Et nous, les petits, on a appris à vivre avec peu...


  • citoyen citoyen 19 mai 2013 00:42

    Salut Caleb !
    content de voir que tu ne lâches rien..amitiés sitouayennes ;)


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