jeudi 27 décembre 2012 - par Dancharr

Je hais les vœux

Je hais les vœux solennels, déclamés à la criée, les pontificaux urbi et orbi, les présidentiels à la télé avec emphase sans émotion, volonté sans sincérité, conviction sans bonne foi. Comment croire au souci qu’ils se font de notre avenir dans l’au-delà, dans le près d’ici.

Pétrifiés dans le dogme, la théologie, l’idéologie, le sectarisme, aveugles au spectacle du monde, sourds à la rumeur du monde, incapables d’évoluer, d’inventer, d’oser, prophètes d’évangiles trahis, d’idées reçues, d’utopies mortifères, ils prospèrent, l’ambition repue, dans leurs palais, entourés de courtisans, de courtisanes, de gardes pontificaux, républicains, pondant des bulles, des encycliques, des communiqués, des arrêtés, des sermons, des discours et, une fois par an, nous y voici, des vœux pieux.

Les vœux marketing suscitent le même dégoût. Je ne connais pas Monsieur U, Monsieur Leclerc, Monsieur Leroy-Merlin, Monsieur Darty… Si je les connaissais j’aurais beaucoup à leur dire et ils n’aimeraient pas. Ils veulent que je me sente chez moi chez eux. Pourquoi alors envahissent-ils mon frigidaire, mon atelier, ma boîte à lettres ?

Que dire de ceux des amis, des relations, des connaissances : « Bonne année, bonne santé » ?

Générale, la formule se veut généreuse, compatible à tous, elle n’oublie rien ni personne et surtout le principal, ne pas creuser le trou de la Sécu. C’est un peu court, expéditif comme toutes les corvées.

Vous pouvez faire mieux si vous tenez vraiment à vous rappeler au bon souvenir de quelqu’un dont vous vous souciez un peu, beaucoup. Votre imagination, votre bon goût ne doivent pas s’exprimer seulement dans le choix d’une cravate ou d’une paire de chaussettes. Brisez l’habitude, le conformisme, la paresse, le perroquet qui est en vous et pensez à ce que vous voulez pour l’autre, pour qu’il se sente mieux, soit plus heureux, moins malheureux.

Finis les vœux prêts à poster, a cliquer. Préfabriqués, ils disent rien ou le contraire. Ils font du tort à l’envoyeur.

Le vœu n’est acceptable que s’il traduit un élan du cœur, un engagement de l’âme, une bouffée d’empathie au mieux, de sympathie au moins. C’est le seul moment de l’année où l’on peut s’abandonner à la sincérité, à l’émotion, fendre la cuirasse sans être ridicule, sans craindre d’être indiscret. C’est un moment de réflexion qui permet d’approfondir la relation, de l’évaluer. Le temps n’est jamais perdu et peut en faire gagner. Pour être pertinent et efficace, le contraire du pieux, le vœu doit être le conseil qui montre la bonne direction, corrige une erreur, console d’un malheur, dissipe un doute…  

Pour vous aider, quelques exemples :

  • à un paresseux, conseillez-lui de travailler davantage : fatigué on dort mieux, on perd de la graisse, on s’endurcit, on gagne plus d’argent, on rembourse ses dettes ; l’esprit plus tranquille, on a meilleur moral, on fait des projets, on voyage, on fait des rencontres, on est plus gai, plus joyeux, la vie est belle ;
  • à un frileux, donnez l’adresse d’un pays chaud ;
  • à un colonel, faites miroiter 1, 2, 3 étoiles ;
  • à un lombalgique, indiquez-lui un bon chiropracteur, le vôtre ;
  • à un timide, dites-lui ce qu’il ne voit pas : qu’il est beau, qu’il est fort, qu’il est intelligent ;
  • à un pauvre, vantez-lui ses richesses intérieures, la profondeur de sa pensée, la justesse de son jugement, la beauté de sa prose, de sa glose ;
  • à un laid complexé, offrez un DVD de la Belle et la Bête, l’intégrale de Woody Allen, Shreck 1, 2, 3,4 …. ;
  • à un velléitaire, pressez-le de ne pas remettre au lendemain ce qu’il aurait dû faire hier ;
  • à un cœur à prendre, présentez son âme-sœur ;
  • à un jeune offrez « la Brièveté de la vie » de Sénèque ;
  • à un chat une chatte ;
  • à un gourmand une bonne recette ;
  • à un croyant une belle prière

 



13 réactions


  • Gamma 27 décembre 2012 15:15

    comme chaque année les même voeux et la même chappe de plomb qui croit sur nos tête/ Philip catherine cchantait « bonne année pauv’con » ça m’a toujours fait rire et chaque année j’y pense au moment de souhater les voeux


  • lulupipistrelle 27 décembre 2012 15:54

    Vous êtes un admirateur de Boulat Okoudjava ? ou un poète qui s’ignore ? Ecoutez et lisez sa chanson « Tant que la terre tourne encore »... Пока земля ещё вертится...



    Tant que la terre tourne encore, tant que la lumière est vive,
    Seigneur, donne à chacun ce qu’il n’a pas :
    au sage une tête, au poltron un cheval,
    à l’heureux de l’argent... Et ne m’oublie pas !

    Tant que la terre tourne encore, Seigneur, c’est en ton pouvoir !
    Donne à ceux qui veulent le pouvoir de régner à loisir,
    Donne à souffler au généreux, au moins jusqu’au soir,
    A Caïn donne le remords... Et ne m’oublie pas !

    Je le sais : tu peux tout, je crois en ta Sagesse,
    Comme un soldat tué croit vivre en Paradis,
    Comme chaque oreille croit à tes doux propos,
    Comme nous croyons nous-mêmes, ne sachant ce que nous faisons !

    Seigneur, mon Dieu, mon doux Seigneur aux yeux verts !
    Tant que tourne encore la terre, et cela paraît bien étrange,
    Tant qu’il lui reste encore du temps et du feu,
    Donne à chacun un peu... Et ne m’oublie pas.



    Pour 2013, je vous souhaite l’épanouissement de cette vocation poétique. 



    • Dancharr 27 décembre 2012 17:12

      Non, il m’était inconnu. Je vous remercie de me l’avoir fait connaître, quel beau cadeau ! Merci


  • Vipère Vipère 27 décembre 2012 18:03

    Dachar bonjour

    Bienvenu au Club des non conventionnels des voeux de fin d’année  !!!

    un panurgisme des plus détestable, où seul compte les conventions hypocrites  !


  • Vipère Vipère 27 décembre 2012 18:12

    Cependant, le Président y sacrifiera cette année, lui aussi, à la tradition, en souhaitant une bonne année à tous les français !

    . Et aux non logés et mal logés, prenez la truelle et bâtissez votre maison, l’on est jamais aussi bien servi que par soi-même ! smiley

     


  • Abou Antoun Abou Antoun 28 décembre 2012 00:07

    Je haïs les vœux solennels, déclamés à la criée, les pontificaux urbi et orbi,
    Et bien moi aussi, je vous soutiens dans cette répulsion. D’ailleurs je les oublie de plus en plus souvent et feins d’accomplir ce devoir avec un enthousiasme incomparable quand on me le rappelle. Avec le temps tout ce qui est conventionnel, convenu, me gonfle de plus en plus, vive la spontanéïté !


  • soi même 28 décembre 2012 01:38

    Au moins tu avoues un don, je te souhaites tous mes vœux de réussite !


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 28 décembre 2012 07:20

    Bonjour Dancharr,

    Vous l’avez bien indique en début de votre article, le vœux c’est une question de sincérité !

    Ce qui m’énerve (un peu .... j’arrive à vivre avec) c’est le fameux « Bonjour, comment ça va ? » puis la personne attend en général une réponse du genre « Merci ça va, et vous ?  »

    On se rend compte que le gens ont rien à foutre quand vous répondrait « sincèrement » « Pas bien  » (le jour ou ça va pas). Généralement ils continuent leur chemin sans poursuivre ou engager la « discussion » !

    Autant de rester au simple « Bonjour » tout court.


  • ricoxy ricoxy 28 décembre 2012 10:17

    Je haïs ? Ou je hais  ? Aïe !


    • Dancharr 28 décembre 2012 11:13

      à ricoxy,

      Nos haines n’ont pas le même complément d’objet direct. Vous haïssez les fautes d’orthographe, je hais les vœux. Le dialogue est impossible et le temps perdu.


    • ricoxy ricoxy 30 décembre 2012 09:37

      Je me réveille en cette avant-veille de Premier de l’An et j’apprends avec stupéfaction que le fait de signaler une erreur (un tréma sur un i au lieu d’un simple point) constitue une infraction à la « charte » des convenances d’Agora. D’autres ne se sont pas gênés pour signaler des erreurs plus graves (Suzy se repend au lieu de se repent).


      Nous n’avons décidément pas les mêmes valeurs ... grammaticales.

  • cevennevive cevennevive 28 décembre 2012 11:25

    Bonjour,

    Je hais les voeux moi aussi.

    Toute ma vie de femme active, professionnelle et maternelle, j’ai sacrifié à la tradition.

    Maintenant que je suis à l’automne de ma vie, j’ai décidé de ne pratiquer que des gestes et des pensées bénéfiques aux autres et à moi-même.

    Je fais des cadeaux au moment où je le veux, où je le sens, j’aide ceux qui en ont besoin, je les soutiens, je les console parfois, mais cela n’a rien à voir avec des voeux froids, conventionnels et obligés.

    Voilà ! Et je vous salue tous bien cordialement.


  • gonzales gonzales 30 décembre 2012 11:58

    je ne souhaite mes voeux qu’aux membres de ma famille pour les autres je ne leur repond que par politesse

    journee la plus hypocrite de l’annee


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