jeudi 8 mars 2012 - par Henri Diacono

Je vais vous dire une chose...

 « Ecoutez… je vais vous dire une chose… » Le regard ferme, presque dur, signe peut-être d’une certaine gêne ou d’une colère maintenue, la main tendue vers l’interlocuteur du moment, doigts serrés comme toujours, dans le salut ou l’interpellation, penché en avant sur la table de verre, œil fixe, prêt à mordre, le candidat-président ou le président-candidat, homme qui manifestement tient à son rôle de chef, se lance dans des explications alambiquées, c'est-à-dire quelques regrets dits du bout des lèvres, puis exhibe sa vie privée, aligne des professions de foi ou d’amour qui semblent sortis tout droit de romans à l’eau de rose, le tout entrecoupé du sempiternel « …je vais vous dire une chose… »

 Alors qu’une majorité de téléspectateurs lui ont préféré, sur un chaine concurrente, une série yankee, l’émission de télé a souvent pris l’allure de duels oratoires à fleurets mouchetés et s’est terminée par un règlement de comptes avec une journaliste de France Inter coupable d’un article « mal digéré », il y à près de… sept ans. Non sans avoir été parsemée de quelques « vacheries » inutiles. Notamment lors de l’affrontement, qui n’en fut pas un, entre Laurent Fabius, vieux briscard socialiste au propos acerbe servi par une voix doucereuse, très SFIO, genre sauce Guy Mollet, et le président-candidat ou candidat-président, toujours aussi pile électrique, qui ayant horreur d’être interrompu, a déversé les mots à la manière du boxeur qui mouline ses gants en jets rapides et répétés.

 « …Je vais vous dire une chose… ». Tout y passe. Les « …vous avez tort, non vous avez tort » à l’économiste qui a osé contredire ses chiffres, ses milliards de recettes ou de dépenses, la crise, les impôts, les chômeurs, les mauvaises gestions des prédécesseurs et celles, annoncées, des candidats à son éventuelle succession. Puis au journaliste politique et aux autres. « …Je vais vous dire une chose…. », en jonglant sans cesse avec le « je »  s’accaparant ainsi la totalité du travail de ceux qui l’accompagnent depuis bientôt cinq ans , pour égratigner, un tout petit peu, les bénéfices du gros capital niché dans le CAC 40, par un impôt indolore, ou bien , ô misère, pour vampiriser, une fois encore, l’étranger, l’immigré.

 Voilà beaucoup plus d’un demi-siècle que bon nombre de politiques français nous bassinent avec l’immigré. Il est le coupable de tous nos maux. Le musulman bien sûr, donc l’arabe, qui au fil de l’histoire a succédé à l’espagnol au rital ou au polak. Il mangeait le pain des gaulois, du temps de Coluche, et voilà qu’à présent du temps de Guéant, le pote inconditionnel du Président, et de la Marine, il se goinfre des assurances sociales ou du chômage tricolores en mangeant de surcroit de la viande halal. Haro sur l’immigré !!! Le serpent de mer de toutes les campagnes électorales ! Sur ma droite bien entendu !

 Et bien, moi à mon tour, je vais vous dire une chose. Depuis les années 60 date à laquelle, moi l’immigré né français en vertu d’un décret du siècle dernier ayant naturalisé d’office mon père, alors d’origine maltaise donc britannique, je me suis intéressé à la politique, j’ai entendu et lu maintes et maintes fois de tels discours, puis vu de tels débats. Les acteurs, les comédiens plutôt, n’ont pas été les mêmes cela se conçoit, mais les scénarii et les dialogues n’ont guère varié. Je dirai même que depuis quelques années ils ont perdu le peu de parfum qu’ils avaient autrefois. Du temps du Général, de Marchais ou de « tonton ». Seuls les journaleux ont changé. Ils sont devenus plus cools. Et, je vous prie d’imaginer volontiers la fin de la représentation de mardi soir lorsque les projecteurs et les caméras, essoufflés, ont rendu l’âme. Et bien là, je vous l’assure, lors du pot offert par le directeur de la chaîne, congratulations, félicitations, compliments ont fleuri en gonflant l’ego des débatteurs qui n'ont pas été les derniers à être satisfaits et …fiers.

 Alors, de mon fauteuil au cuir râpé, devant mon petit écran où j’ai souvent zappé, je vais vous dire encore une chose : il me tarde de connaitre enfin ce jour merveilleux où je pourrais aller mettre mon bulletin dans l’urne en chantant ma joie et ma disponibilité patriotiques. C’est-à-dire le jour où les politicards de tous bords, des jeunes de préférence, mettant pour une fois leurs ambitions personnelles dans la poche, décideront de s’UNIR pour rendre à la France, qui en a grand besoin aujourd’hui, son statut de grande nation. Plus de droite plus de gauche, ni de centre. Tous décidés à se retrousser les manches. Ensemble. Du haut en bas de l’échelle et avec équité.

 En attendant, le bonsoir à vous tous.



7 réactions


  • geo63 8 mars 2012 15:23

    Bonjour,

    J’apprécie votre article et son analyse des mots et gestes du petit président. Ne s’est-il pas comparé dans l’une de ses « envolées lyriques » au « lapin Duracel » ? Quelle somptueuse référence culturelle.

    Comme vous le numéro du candidat président m’a fortement déprimé par sa totale médiocrité avec une forte propension à aller fouiller dans les poubelles comme les rats.

    Juste une petite marrade à propos de Fabius, vous évoquez sa voie doucereuse : OK, genre sauce Guy Mollet et bien j’ai conservé dans l’oreille une voie nettement plus incisive de cet ancien prof d’anglais ( je crois), mais par ailleurs quel politicard de m...(j’ai qqs années de moins que vous).

    Cordialement.


  • à geo63,
    Avez-vous remarqué que depuis cette fameuse émission au cours de laquelle on a pu déceler certaines craintes ou plutôt des craintes certaines du Président, que celui-ci accumule les bourdes signe de détresse en puisant des réformes énoncées par ses adversaires voilà belle lurette.
    Je vais imposer les grosses entreprises pour contrebalancer les 75% de Hollande qui lui même l’avait pompé à Mélanchon.
    Je vais réduire le nombre de députés et sénateurs de 10 à 15%, pompé sur une idée de Bayrou (30% de députés en moins).
    Le immigrés pompé sur la Marine Le Pen...
    Il va même jusqu’à une sorte de chantage (pour les imbéciles) si je suis battu j’abandonne la politique.
    En guise de nouveautés, c’est pasmal...
    PS - Plus que la voix (vous avez raison pour son timbre) Guy Mollet reste pour moi le symbole d’un parti socialiste des années 50/60 hésitant et nul à l’image de son sigle de l’époque, trois fléches brisées en parallèle.
    Vous savez, aujourdh’ui celui qui me manque le plus s’appelait Mendès France.


  • Richard Schneider Richard Schneider 8 mars 2012 16:26

    Article intéressant. Pour moi : je n’ai pas regardé l’émission. Et d’après certains compte-rendus - dont celui de l’auteur - , j’ai bien fait de continuer ma lecture de La Chute des Géants de Ken Follett. 

    De toute façon, je trouve qu’écouter et voir des heures Sarkozy dire et répéter que sans lui la France serait à la dérive, que s’il a paru à certains qu’il avait fait de petites erreurs (surtout tout au début de son mandat), ce n’est pas de sa faute mais à celle de Cécilia (!) - franchement quel intérêt ? 
    De plus, le PS n’a pas trouvé mieux que Fabius à lui opposer - Fabius qui a traité Hollande de « fraise des bois » ...
    Comme déjà écrit dans un commentaire, la France manque d’hommes (femmes) politiques ayant une stature et une vision, tel un de Gaulle à droite ou un PMF à gauche. Depuis une quarantaine d’années, nous sommes gouvernés - ou plutôt de moins en moins gouvernés - par des professionnels besogneux et sans panache, prenant leurs ordres à Bruxelles. Et ce n’est pas avec la ratification du MES que cela va s’arranger ! 

    • Vous avez raison, nous sommes gouvernés par des professionnels besogneux. Je retiens le mot professionnel et c’est là que le bat blesse. L’homme politique et à fortiori l’homme à qui échoit le poste de conduire une nation ne doit pas être « un professionnel ». Si oui, il ne pense qu’à sa carrière et à ses propres ambitions. En aucun cas - selon moi - un homme politique ne DOIT être un professionnel. Un visionnaire oui. Une carrure de meneur, bien sûr,mais pas un homme qui s’installe dans la politique pour y gagner SA vie.
      En outre les élus sont beaucoup trop nombreux dans notre France d’autant plus que - comme vous le suggérez- ils ne servent pas à grand chose dans la conduite du pays sur un chemin qui lui soit propre. Ils sont trop tenus par les directives européennes. Et puis en France l’élu s’installe dans son statut comme un quidam s’installe dans la fonction publique. En espérant y demeurer jusqu’à la fin de ses jours..
      Merci de sciter vous aussi PMF. 


    • L'enfoiré L’enfoiré 8 mars 2012 19:31

      Richard,
       Je me réserve la lecture de La Chute des Géants pour une période de vacances.
       Est-ce que cette nouvelle saga vaut les deux autres briques « Pilier de la Terre » et « Monde sans fin »... de Ken Follet ?
       Désolé de troublé l’espace serein, mais puisque vous en parler... smiley


  • Richard Schneider Richard Schneider 8 mars 2012 20:14

    Réponse à l’enfoiré :

    Si vous avez aimé « Les Piliers de la Terre », vous aimerez La Chute ... C’est mieux que le « Monde sans fin ».
    Bonne soirée


Réagir