vendredi 21 février 2020 - par Mohamed Takadoum

Jean Daniel, témoin privilégié de la genèse du conflit maroco-algérien sur le Sahara

Le 16 octobre 1975 Jean Daniel du Nouvel Obs devait interviewer l’ancien président Boumediene. Ce jour a coïncidé avec l’annonce par le défunt Roi Hassan 2 de la Marche Verte pour la récupération du Sahara. Jean Daniel a détaillé pour Média 24 l’attitude et la réaction de président Boumediene à cette annonce

« D’emblée, nous avons parlé de la Marche Verte annoncée quelques heures plus tôt. Il ne cachait pas sa colère sans l’extérioriser brutalement. Il restait très maître de lui jusqu’à ce qu’à l’écran apparaissent les images du roi Hassan II prononçant un discours.

Là, le visage de Boumediene s’est métamorphosé. Un mélange de sourire nerveux et de fureur crispait son visage. Un moment, le roi parle de l’Algérie sur un ton conciliant et amical. Le Président lui lance, en arabe, une injure et, à ma stupeur, il avance son bras droit et délivre un magistral bras d’honneur. Tel un voyou de Bab el Oued. Le Président austère qui se donnait à voir quelques instants plus tôt avait disparu. J’avais devant moi un autre homme. Un jeune garnement des rues prêt à tout.

Il s’est levé de son fauteuil et s’est mis à sautiller de façon étrange. Un peu hystérique. Je ne saurais dire s’il sautait de joie ou de colère, mais, je le revois très bien, il a bondi à plusieurs reprises. Il trépignait, comme s’il avait perdu le contrôle de son personnage. Les insultes contre Hassan II pleuvaient. J’étais stupéfait. Jamais je n’avais vu un chef d’Etat dans cet état. Ce n’était qu’un torrent d’invectives à un niveau insoutenable de grossièreté, d’obscénité, de vulgarité. Sans transition, ont suivi les menaces. Hassan II ne l’emportera pas au paradis. Il ne sait pas ce qui l’attend. L’Algérie ne se fera pas rouler dans la farine. »

C’est l’Espagne qui dans sa quête historique d’affaiblissement du Maroc depuis l’expulsion des arabes d’Andalousie et l’occupation des villes marocaines de Ceuta et Melilla, cherchait d’abord la création d’un état indépendant au Sahara en arguant que ce territoire était sans maitre « terra nillius » avant son occupation par l’Espagne. Pour prendre celle-ci de court, le 17 septembre 1974, dans une conférence de presse Hassan II annonça sa volonté de porter le différend devant la Cour International de Justice de La Hay pour un avis consultatif à l’effet de faire préciser le statut juridique du territoire du Sahara. Dans cette conférence de presse, le défunt Roi précisa « qu'au cas où la CIJ statuerait que le Sahara était une terre sans maître, avant sa colonisation par l'Espagne, le Maroc s'engageait a accepter l'organisation d'un référendum et à en respecter l'issue quelle qu'elle puisse être. » La Résolution 3292 de l’ONU adoptée le 13 décembre 1974, précisa la question à poser : Le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet El Hamra) était-il, au moment de la colonisation par l'Espagne, un territoire sans maître (terra nullius) ? Si la réponse à la première question est négative, Quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l'ensemble mauritanien ?

La CIJ a répondu de façon claire que le territoire n’était pas un terrain sans maitre d’une part et que des liens d’allégeance « unissaient les habitants du Sahara aux sultans du Maroc ». Les mêmes liens qui unissaient ces mêmes sultans aux autres régions du Maroc. La Cour a reconnu aussi des liens entre le Sahara et l’ensemble mauritanien qui ne constituait pas un état. C’est pourquoi, ce territoire a été d’abord divisé entre le Maroc et la Mauritanie qui s’est désistée volontairement par la suite au profit du Maroc.

Les liens d’allégeance avec les Rois du Maroc étaient les seuls liens de souveraineté qui unissaient aussi les autres régions du Maroc notamment des villes comme Marrakech, Agadir, Fès, Oujda, Meknès ou Tanger. Les juges de la CIJ qui ne voulaient apparemment rien comprendre aux liens d’allégeance qui en droit musulman constituaient les seuls liens de souveraineté à l’époque ont été aussi dans l’amalgame puisqu’ils ont demandé la consultation des populations sahraouis.

Faisant fi de tout cela le Président Boumediene et ceux qui l’ont suivi ont engagé depuis une sorte de guerre non déclarée contre le Maroc.

 -Guerre économique en s’engageant dans une course folle aux armements pour mettre à genou le Maroc qui dispose de moins de ressources et en maintenant fermée les frontières est du pays pour le couper du reste du Maghreb et de son prolongement arabe. Officiellement pour l’Algérie cette fermeture des frontières terrestres visait à protéger ce pays « du trafic de drogue et de la contrebande ». Or tout le monde sait que c’est la fermeture des frontières qui encourage ces trafics.

 -Guerre diplomatique en mobilisant ses diplomates dans toutes les organisations et forums internationaux contre le Maroc ; en finançant toutes sortes de lobbies et les représentations diplomatiques et autres bureaux du Polisario.

 -Guerre tout court, en armant et en abritant des combattants contre le pays voisin. Pendant les hostilités, les combattants du Polisario armés par l’Algérie faisaient des incursions à partir du territoire algérien de Tindouf et attaquaient les troupes marocaines et repartaient tranquillement se réfugier en Algérie. Hassan II qui était en droit d’exercer un droit de suite en territoire algérien s’est toujours interdit d’insulter l’avenir en engageant une guerre ouverte avec l’Algérie. 

 



4 réactions


  • Vangelis Vangelis 22 février 2020 22:15

    « Marche verte ... pour récupérer le Sahara » !

    Mais de quel Sahara vous parlez ? Le Sahara est algérien et le restera à jamais. Et si vous parlez du Rio de Oro, de la Sakiet El Hamra

    ou encore du Sahara occidental, inutile d’enrober votre laïus et nommer clairement ce qui l’est.

    Jamais la CIJ n’a reconnu un quelconque lien des sahraouis avec le colon.Et s’il en avait été autrement, l’ONU aurait délivré quitus au colon. Soit dit en passant, aucun pays ne reconnaît la souveraineté du colon sur le Sahara Occidental. CQFD

    Quant à votre conclusion selon laquelle hassan dos " était en droit d’exercer un droit de suite en territoire algérien s’est toujours interdit d’insulter l’avenir en engageant une guerre ouverte avec l’Algérie

    ", on voit bien là le formaté qui débite tel un ara ce que le makhzen lui inculque depuis des décennies.

    Au contraire, hassan dos abritait les terroristes qui tuaient des algériens et affirmait que l’Algérie devait servir de laboratoire à l’islamisme. Mal lui en a pris car tous les terroristes actuels sont des sujets du colon qui commettent des actes non pas chez eux mais dans le monde. L’actualité récente est là pour le prouver. Terrorisme born in morrocco comme le titrait Jeune Afrique.

    Vous vous abritez derrière un mort pour lui faire dire des sottises. Cela n’apportera rien à votre prétendue cause.   

     


  • titi titi 24 février 2020 02:15

    @L’auteur

    Pour ce qui est du caractère « marocain » du sahara occidental, même si historiquement on peut se poser la question, on se rend bien compte que « l’affaire est faite ».

    Economiquement ça ne fait plus débat, à part en Algérie. L’essentiel de l’économie est à Layoune, es-smara et dakhla, sous l’impulsion du Maroc qui en a fait des « paradis fiscaux » (exonération d’IS et de TVA)

    Démographiquement ça ne fait plus débat, à part en Algérie. L’essentiel de la population est marocaine à Layoune, es-smara et dakhla.

    Et conséquence des deux premiers, diplomatiquement ça ne fait plus débat, à part en Algérie. 

    Ceci dit, il s’agit d’un bout de terre largement désertique.

    Le Maroc déverse des milliards que ce soit en infrastructure, ou en incitations (les salaires des fonctionnaires y sont élevés que dans le reste du pays), pour du sable… y’a un moment les marocains se rendront compte qu’ils ont mieux à faire de leur argent.


    • chantecler chantecler 24 février 2020 07:00

      @titi
      Oui, l’investir dans la production de cannabis d’où le paradis fiscal .


    • titi titi 24 février 2020 15:43

      @chantecler

      Le cannabis il n’est pas au Sahara. Il est au Nord.

      Il y a de vrais investissements au Sahara… bon avec la captation d’une bonne partie par les fonctionnaires sur place, mais il y a des projets, de vrais projets.

      Le paradis fiscal il est pour que les entreprises s’installer dans la région.
      Les fonctionnaires sont aussi mieux payés que dans le reste du pays.

      Il y a un vrai incitation et de vrais investissements.


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