Journal d’un BAC+5 SDF #33
Vendredi 31 mai 2024
Tant que faire se peut, on va dire que je me suis bien reposé. En émergeant de ma tente un petit crachin vint me rappeler ma situation. Le ciel gronde, mais atteindre la salle Wifi fut aisé. Elle était vide comme d’habitude. D’après la météo il ne va pleuvoir qu’en fin d’après-midi, pendant quelques heures.
Merci aux quelques commentateurs positifs et à la majorité silencieuse qui continue à lire mes journaux. Lorsque je me risque à lire les commentaires, c’est parfois difficile de supporter certaines allégations sorties du chapeau et reprises en cœur par d’autres qui ont l’air d’y croire. J’ai même vu qu’on parlait de moi dans les commentaires d’autres articles ! Décidément je déchaîne les passions et les délires en tous genres. Heureusement que j’ai un peu de bouteille et une certaine résistance psychique et psychologique. C’est là que j’imagine l’impact nauséeux que peut avoir des réseaux sociaux sur des jeunes gens en construction…
Quand aux autres, ABVFF ! Ceci est un acronyme par Patchwork Mental ©, à vous d’essayer de le déterminer, puisque vous avez beaucoup trop de temps à perdre.
Je ne regrette pas d’avoir acheté une tarte au citron hier. C’est vrai que je ne vous en ai même pas parlé. Avant le dîner, après un mois j’ai finalement cédé à la tentation de manger une tarte au citron qui me fait de l’œil à chaque fois que je fais les courses. En plus je me suis fait saucer sur le chemin du retour.
Ca me fait aussi penser à pourquoi je raconte que peu en dehors du camping : j’ai quelques problèmes de mémoire (très sélective, qui s’efface vite ou qui stocke dans des archives), si bien que si je n’ai pas de quoi écrire immédiatement (carnet ou ordinateur), il est tout à fait possible qu’il me faille un déclencheur (et un « WinRar » interne ?) pour m’en souvenir.
Ce handicape s’étend aussi lors de discussions, où mon cerveau part parfois vers les phrases suivantes alors que je n’ai pas encore terminé de prononcer le première, impliquant alors des trous et la recherche de mots quand je cause. Ca, ça ne se voit pas à l’écrit où je le temps de retrouver ce que je voulais dire.
Ah ! Une employée du camping fait faire une visite à 3 jeunes femmes dont une qui rempli un genre de formulaire. Ca parle de Comcom et de cadeaux de bienvenue, des bonbons des Vosges, « chasse au trésors », d’un jeu de piste « nature et écologie ». Apparemment il va y avoir une invasion de p’tits mouflets de 3-14 ans dans un avenir proche.
Une crise de rires à l’accueil, ça se fend la poire là bas.
Je suis comme dans Asterix et Obelix dans l’administration… Mais qu’est-ce que ça me gave…
Avant de pouvoir demander une aide pour trouver un logement on me dit de m’inscrire sur un site qui demande mon numéro de locataire… M**** !
Et j’adore les formulaires qui dysfonctionnent sur mon navigateur. Du genre il faut cliquer au pixel près dans une grande case pour que ça marche, sinon rien ne se passe.
Oulala il faut fournir des références valides ! Devinez quoi, lorsqu’on copie-colle des chiffres officiels de documents officiels, ça n’est pas valide à cause des espaces. Donc il faut supprimer tous les espaces pour que le site soit content.
Il me faut maintenant décrire mon motif pour demander un logement… Il y a toute une liste. Dois-je choisir « logement indigne » ou bien « logement non décent », voir encore « logement trop petit » ? Dans les deux premier cas je dois fournir un document justificatif… Donc je vais juste considérer que ma tente est en fait un logement comme les autres, mais un petit peu petit…
19h L’autre jour je me disais que j’avais l’impression de privatiser une table de la salle Wifi, mais aujourd’hui une méga-fiesta se prépare sur la terrasse ! Une camionnette de location remplie de victuailles s’est arrêtée près des barbecues. Les tables ont été déplacées sous le parasols géant. Il y a de quoi abriter largement plus de trente personnes. Des alcools en tout genres sont sortis, avec plein de biscuits d’apéro et de chips.
J’en vois qui tentent d’allumer le feu avec du bois ramassé parterre, des branches souples et complètement imbibées d’eau de pluie. On a droit à une magnifique fumée blanche.
Encore un qui pense que je travail là. Il souhaitait savoir s’il y avait une lampe pour éclairer la terrasse la nuit.
20h20 Soit 20 minutes après l’appel à table, les jeunes jouent encore un ping pong sans raquette et avec une balle de la taille d’une de handball. Alors voilà, ce qui devait arriver arriva, les adultes autoritaires, oppresseurs et fascistes les menacent carrément de n’avoir qu’une brochette s’ils ne viennent pas immédiatement !
Tout ça m’avait donné faim. Ce soir ce fut demi-sandwich, salade de carottes et tarte au citron. J’ai envie de cuisiner de bons plats chauds.
Terminé et dents brossées avant qu’ils ne commencent. Ils risquent juste de se retrouver dans le noir avant d’avoir fini.
C’est l’anniversaire de Valentin. Un quart de siècle. Ils font passer une chanson de je ne sais plus qui, celui qui faisait un truc de cirque à la télé et le « petit bonhomme en mousse ». Ah si, Patrick Sébastien je crois.
Oh voilà qu’on entend Indochine, j’avais une sœur qui en était fan.
Finalement il y avait bien des lumières sous le parasol géant, et elles marchent bien.
22h20 La place commence à se vider lentement alors que le grand débarrassement débute.
22h40 Ca commence enfin à s’échauffer, les premières danseuses se risquent au jeu entre les chaises et les tables couvertes de bouteilles vides.
Maintenant c’est le tour de la Macarena. Ca danse jusque SUR les tables.
On notera qu’il n’y a que des vieilles chansons mais ça n’a pas du tout l’air d’embêter les jeunes. L’un d’entre eux (enfin il doit tout de même avoir la trentaine, et peut-être qu’il ne fait pas parti du groupe) est tout de même entrer regarder la télé.
« La Chenille que redémarre » entre dans la salle Wifi et y fait plusieurs allers-retours. On s’échange quelques checks amicaux.
Une « Sophie » est ensuite acclamée.
23h J’aperçois maintenant une caméra qui filme leurs derniers moments de petite-folie collective. Les danses sont finies. Petit à petit la musique diminue et finie par s’éteindre. Ils remettent toutes les tables et chaises à leur place d’origine.
Humm quelqu’un peut-il m’expliquer comment ont-ils pu échapper à la pluie, alors même que la météo actuelle indique 95 % de pluie encore plusieurs heures ? Le ciel attend que je sorte pour rejoindre ma tente ?
23h20 Tout le monde est parti, sauf celui devant la télé, qui n’est pas très attentif : son regard est fixé sur son tél.
Alors que tout s’était plutôt bien passé, il y a l’autre qui vient d’ouvrir la fenêtre pour y passer son câble.
De toute façon il est l’heure d’aller au dodo, alors faites de beaux rêves.