samedi 11 mai 2013 - par Jean-Paul Foscarvel

Jusqu’où ?

Cette question : Jusqu'où ?

La crise, l'oppression du salariat, la négation des faits, la servitude des politiques devant les financiers, la complicité des médias.

Jusqu'où ?

Une spirale sans fin dont on ne peut se dégager semble nous mener vers un abîme sans fond.

Les mauvaises nouvelles se succèdent à elles-mêmes.

Et nous sommes sidérés devant ce qui arrive. Nous nous sentons comme emportés dans une tourmente dont on ne voit pas la fin.

Pour retrouver une voie, il faut trouver un sens, et essayer de comprendre ce qui arrive.

L'énonciation des apparences.

Les éléments nécessaires à la compréhension ne se trouvent pas dans les poches de nos dirigeants, ni dans les distributeurs automatiques d'idées préétablies que sont nos médias.

Ceux-ci nous assènent que la priorité est d'éponger les dettes, de remettre le pays au travail, et d'accroître la compétitivité. Pour ceux-là, la recette est simple : diminuer le budget de l'État, réduire toutes les dépenses sociales, abaisser au maximum le coût du travail, en augmenter la durée, hebdomadaire et sur la vie d'un individu. Par ailleurs, le marché ayant toutes les réponses grâce à sa main invisible, il faut se fier à lui dans tous les domaines afin que la libre concurrence sans entrave puisse efficacement jouer son rôle. Il faut donc tout privatiser.

C'est le credo de l'Europe, ce qui conditionne l'ouverture à ses crédits.

Nous en voyons le résultat tous le jours, mais leur réponse sera que nous ne sommes pas allés assez loin, qu'il faut encore plus de réformes, de coupes budgétaires, de privatisations. Quand on a un dogme et que celui-ci ne fonctionne pas, au lieu de remettre en cause le dogme, on remet en cause la réalité elle-même. Et on finit par un discours comme quoi nous sommes sur la bonne voie.

Un homme libre (puisqu'il est fait allusion à la liberté) de ses pensées est en droit de se poser des questions.

Les causes cachées.

L'argent ne vient pas du ciel, son accumulation non plus.

L'accumulation classique d'argent

Depuis le dix-neuvième siècle, le système dominant est le système capitaliste, qui permet au possesseur de masses financières, via le travail d'autrui, d'augmenter cette masse par l'intermédiaire du profit. Le salaire permet la vie du travailleur, le résultat de son travail est incorporé dans le produit qui va être mis sur le marché. La différence entre le salaire et le résultat du travail (en terme de temps de travail) est la plus-value du travail, qui appartient au détenteur de capitaux. Le rapport entre le capital investit et la somme des plus-values récoltées constitue le taux de profit.

Le capital investit est représenté à la fois par l'achat des machines, des matières premières, et des salariés. Pour augmenter le taux de profit, il faut augmenter la plus-value, donc réduire le prix d'achat du salarié en augmentant son temps de travail. Le prix d'achat comprenant le salaire et les cotisations liées au salaire.

Les luttes du dix-neuvième siècle et des trois premier quarts du vingtième ont consisté pour les travailleurs à écarter l'étau entre un temps de travail sans borne et un salaire de misère. Les différentes crises ont établi un équilibre entre restriction de sali ares et nécessité d'une consommation permettant d'écouler les produits.

Une nouvelle forme d'accumulation.

Ce modèle de création de profit à partir du temps de travail s'est transformé à partir des années quatre-vingt, concomitamment au libéralisme. Ce n'est pas par hasard que la technologie a permis, par sa transformation des conditions de création de profit, l'arrivée d'une théorie idoine.

Les hautes technologies ont permis de découpler la création de la plus-value et le temps de travail du salariat.

Par la conception, le produit intègre une plus value immatérielle, non liée directement au temps de travail fourni pour sa fabrication, liée à la conception. La disponibilité du produit ne dépend plus de sa fabrication, ou la plus-value réalisée par celle-ci est négligeable par rapport à la plus-value due à la conception pure.

Prenons l'exemple d'un logiciel. Une équipe de concepteurs le met au point, Le salaire de ceux-ci fait partie de la part variable du capital investit. Mais ce n'est pas le temps mis pour le concevoir qui en fait sa valeur, c'est la qualité de leur conception, la qualité d'information. Une fois mis sur le marché, sa production est gratuite (dans le cas du téléchargement), néanmoins, il a une valeur, et sa vente produit une plus-value indépendante de la quantité des salaires versés. Pour augmenter les profits, il n'est plus besoin d'augmenter la part variable via le nombre de salariés. Pire (ou mieux ?), les salariés peuvent ne plus être dans l'entreprise, leur produit continue de créer du profit. La plus value-immatérielle crée du profit indépendamment des salariés.

Les taux de profits obtenus sont alors d'un ordre de grandeur supérieur aux profits classiques. De plus, le système n'a plus besoin de la horde des travailleurs conditionnés tels qu'on peut les voir dans "les temps modernes" ou "Metropolis".

Les conséquences systémiques

Le résultat de ces transformations, est à plusieurs niveaux.

L'inutilité des travailleurs

Le nouveau type de production libère une partie importante de ce qu'on appelait autrefois "prolétariat". En Europe, on n'en a plus besoin. Pour deux raisons :

  • En premier lieu, ceci réduit la part du travail matériel, donc de travailleurs en usine. Ceux-ci sont remplacés par les bureaux d'étude.
  • En second lieu, pour les produits matériels, les taux de profit dégagés en Europe sont trop faibles, il faut donc obtenir du travail quasi-gratuit dans des pays tiers.

Un chômage de masse se développe sans frein, d'autant plus que la production des biens immatériels abstraite permet une distribution universelle, rendant caduque l'idée du taylorisme selon laquelle les premiers clients seront les employés eux-mêmes. Une faible part de la population mondiale créera plus de profit qu'une part importante de la population locale. Le "Neo Ford" peut licencier sans crainte de voir ses profits sombrer.

L'inutilité des dépenses sociales

Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le fait de disposer de travailleurs maintenus en bonne santé n'est plus un problème, puisqu'il y a pléthore au niveau des demandeurs d'emploi. Un jeune en bonne santé remplacera le vieux usé et licencié sans que cela ne coûte un centime. Le système de santé peut donc s'écrouler sans impact sur les profits. De même, on n'a plus besoin d'une masse de gens qui consomment localement, donc les retraites peuvent aussi s'effondrer.

Il est donc logique que le néo-patrons demandent l'arrêt de toute prestation sociale à leur charge. Cela désormais ne fait que nuire au taux de profit. Son optimisation demande l'annulation de tous les services sociaux, y compris la famille : on n'a bien sûr moins besoin d'enfants, qui naissent de toute façon.

La maximisation des profits

On l'a vu, les hautes technologies permettent des profits colossaux, via la plus-value immatérielle.

Quelles sont-elles ?

Elles sont tout ce qui peut être reproduit sans travail, ou pour lesquelles la part de travail matériel est négligeable :

  • Les logiciels (Windows, Word, par exemple)
  • Les films et musiques sous forme téléchargeables, CD, ou de DVD
  • Les graines brevetées (la part intégrée brevet a plus de valeur que le prix de la graine)
  • Tous les produits dont le prix est justifié non par le prix du produit, mais par ce qu'il intègre :

 - Les produits de marque

 - Les produits de haute technologie (par exemple les I phones, etc.)

 - Les produits intégrant ces Hautes Technologies

Mais pour le reste des produits, les taux de profits restent théoriquement liés au matériel, et sont donc bas.

La maximisation générale des profits s'effectue par plusieurs mécanismes, et bénéficie aux grandes entreprises. Les petites entreprises sont alors "prolétarisées", et il se passe dans l'industrie ce qui se passe dans l'agriculture, la ruine, ou au moins la paupérisation des petits, qui sont les sous-traitants. Pour garder un profit minimum, ceux-ci tendant alors vers du travail gratuit, ce qui ne peur permet même pas d'atteindre des taux corrects.

La système capitaliste consiste alors dans une chaîne de dépendances, au sommet de laquelle s'accumulent les profits, et au bout de laquelle les fournisseurs ultimes galèrent en faisant fabriquer les objets dans des pays poubelle par des travailleurs esclaves.

La financiarisation de l'économie

Les sommes de profits accumulées par ces mécanismes demandent non seulement à s'accumuler, mais aussi à prospérer.

C'est là qu'intervient le système financier qui permet le contournement complet de création de valeur par le travail, sous quelque forme que ce soit.

Les sommes dégagées doivent créer encore plus d'argent à partir de lui-même. il a donc fallu inventer des produits nouveaux, dans l'opacité des banques, permettant de suraccumuler.

C'est dans ce contexte que les prêts bancaires se sont diversifiés, garantis sur la montée nécessaire de la valeur, par exemple en supposant une croissance sans frein de l'immobilier. C'est ce qui a déclenché la crise de 2008, lorsque la valeur des biens nécessairement croissante s'est trouvée en phase d'inversion. Car dans le réel, cette création de valeur n'était en fait qu'une augmentation fictive, puisque justement sans création via le travail.

Sauvées par les États, la course a pu continuer par la spéculation directe des banques sur les États qui les ont sauvées, en exigeant que ceux-ci favorisent la création de profit par l'abolition du système de protection sociale, et la suppression des cotisations solidaires que payent les entreprises (assurrance chômage, retraites, sécurité sociale).

La boucle est bouclée. Les responsables de la crise demandent des gages pour continuer la croissance de leur profits, et cela quelles que soient les conséquences.

La situation actuelle

Nous sommes devant une impasse.

La recherche du profit s'est aggravée, dans la mesure où l'exigence des financiers s'accroît, du fait de la poursuite de la spirale accumulatrice.

Les États sont sommés d'obéir aux financiers, en détruisant les systèmes sociaux, augmentant le champ de profitabilité aux réseaux d'énergie par la privatisation, abolissant les droits des travailleurs.

Ces mesures finissent par réduire la demande dans des conditions telles que même les profits issus de la sphère technologiques, risquent d'être touchés.

Quant aux autres domaines, plus classiques, ils sont victimes de l'implosion de la demande liée aux exigences exorbitantes des marchés en terme de plus-value.

Si nous continuons sur cette voie, même le travail gratuit ne sera pas assez compétitif, et la fabrication de produits cessera tout simplement, tandis que les banques continueront à demander aux États hyper-endettés des mesures qui ne feront qu'augmenter les dettes.

Car d'un point de vue général, la baisse des charges sur les entreprises, l'augmentation de la compétitivité par les licenciements et la baisse des salaires, provoque la récession et diminue mécaniquement les recettes.

Ce qui au niveau des entreprises fait augmenter les taux de profits, enfonce les États dans une spirale dont ils ne peuvent sortir :

  • Diminution des recettes
  • Augmentation des dépenses sociales, même si elles diminuent drastiquement au niveau des individus, par l'augmentation du nombre de chômeurs
  • Impossibilité croissante d'intervention, par la privatisation et la main mise de la finance sur les choix budgétaires
  • Effondrement de la balance commerciale par la délocalisation massive
  • Augmentation des déficits
  • Accroissement des taux d'emprunt

La quête de la compétitivité sans fin nous mènera-t-elle vers le gouffre, jusqu'à ce qu'en Europe même le travail devienne gratuit, c'est-à-dire que le salariat soit réduit à l'esclavage, avec pour corollaire l'instauration de régimes d'oppression massive d'une population à laquelle on ne demande plus de choix politique d'aucune sorte ?

Notre seule issue serait une prise de conscience de ce qui arrive, et passe notamment par une compréhension des mécanismes économiques.

Se sortir des idées toutes faites délivrées par nos médias reste un point de passage nécessaire pour retrouver le chemin de l'évolution, et quitter l'involution actuelle, ou un retour vers un passé que finalement nul n'a jamais vraiment connu.

Car l'histoire a montré que la question n'était pas jusqu'où l'humain est capable d'accepter une situation insoutenable, mais quelles idées lui permettront de se dégager de cette situation.

 



2 réactions


  • daniel paul 11 mai 2013 09:09

     Quel travail précis et juste...merci.
    je rebondi juste sur un point pour faire court.
    tu dis : l’inutilité des travailleurs

    pour ces dominants,ces névrosés du +( peur de demain et de la mort dans l’inconscient ??) il n’a jamais été question une seule seconde d’employer des gens pour les payer ,et participer a une société collective de partage..mais comme pour « réussir » seul je ne peux pas, alors il n’y a aucun autre moyen que de créer une richesse sur un groupe collectif,que l’on va ensuite spolier au maximum de son travail...Il faut dire que la masse n’en ayant rien a foutre du voisin est elle aussi responsable de ce bordel...là est toute la clé de voute du système,allons nous enfin comprendre que tout ce qui est fait est du a un collectif soudé.....et donc travailler et partager...et que un ne ferajamais le groupe quelque soit son talent...seul il ne survit pas....le collectif est totalement incontournable..et notre société est le vol organisé du travail collectif..pour ce faire avoir du mepris pour l’autre est une des qualités pré requise entre autre bien sur, tout en jouant le rôle paternaliste de celui qui s’inquiète du sort des vrais travailleur...tout ceci est bla bla...

    pour ces gens un individu n’existe pas plus qu’une tonne de minerai en Afrique..il est utile ou pas ,mais utile à quoi.. ? à ce que monsieur se prenne pour un roi...le magasin qui vend de la nourriture, de participer au collectif de bien vivre ensemble n’est pas du tout son but, son but c’est d’ amasser et pour ce faire il utilise un besoin vital en prenant bien soin d’empêcher les gens de s’organiser eux même localement, pour arriver en situation de contrôle total...le vrai but c’est ça...élimination totale de toute concurrence ,c’est comme dans le jeu du monopoly le seul vrai but.
    .
    la compétition s’élimine elle même dans sa finalité, et tout ceci entraine directement violences,guerres,massacres,paupérisation extrême, main mise totale sur tout ce qui touche à la survie...le rêve étant le contrôle parfait qui est en fait d’éliminer toute autre option de choix de vie comme de produire et partager ,en emprisonnant les gens dans un carcan mental et physique qui détruit les gens.Le travail rend libre..la seconde guerre mondiale n’était donc pas finie ?

    on sent en plus le désir de faire mal , un mépris énorme ..sont ils totalement et pathologiquement « névrosés ». ?? aimant faire mal ? humilier ? le tout par nécessité de contrôle ?je pense que oui sans hésitation..
    Bien sur ceci sera nié bec et ongle...une telle révélation de la vérité mettrait fin à cette société..

    par un de mes métier ( VRP en centrales d’achats) j’en ai rencontré quelques uns , une bonne centaine ,de haut placés lors de réunions de lancement de produits pour des chaines de magasins).....en privé ils se lâchent bien...voila comment je sais cela...

    Merci de ces propos...et de ce « travail »..


  • Montagnais .. FRIDA Montagnais 11 mai 2013 14:31

    Bonjour, 


    Vous vous poserez la question tant que Proprole aura pas déserté massivement les armées de bidasses bien fana consentants du capitalisme, de l’industrie de la réclame et du show-biz ..

    Longtemps ..

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