mercredi 20 septembre 2006 - par Kingli

Kabila-Bemba : et que fait-on des victimes ?

 

Les 20, 21 et 22 août 2006 sont désormais des dates que les Kinois (et Congolais en général) n’oublieront pas de sitôt. En effet, la garde présidentielle (GSSP) du président Kabila et la garde du vice-président Bemba se sont affrontées dans la capitale congolaise sous le nez de la communauté internationale (Monuc et Eufor). Une enquête indépendante devrait être diligentée pour évaluer les dégâts et établir les responsabilités...

 

Au lendemain du 31 juillet 2006, les commentaires fusent de partout, la population de la République démocratique du Congo (RDC) s’est rendue aux urnes pour élire son président et ses députés. Chacun y va du sien, le peuple congolais s’est montré "discipliné", "mature", "responsable"...

C’est vrai qu’on craignait le pire ! Mais il y eut plus de peur que de mal. Le peuple congolais a démontré, en ce jour mémorable du 31 juillet 2006, qu’il tenait à ce qu’un nouvel ordre politique issu des urnes voie le jour en RDC.

Après trois décennies de dictature du feu président Mobutu, une longue transition de plus de quinze ans (la transition a commencé en 1990, après le fameux discours du 24 avril 1990 de Mobutu ouvrant la porte au multipartisme), le régime de 1+4 (entendez un président et quatre vice-présidents), il était effectivement temps qu’on passe à autre chose.

Et tout le monde croyait qu’on y était arrivé ! Mais au soir du jour prévu pour la proclamation des résultats de la présidentielle, des armes crépitent en ville. La tension est perceptible à Kinshasa. On est dimanche 20 août 2006. Il y a deux favoris, le président sortant Joseph Kabila, qui a râflé la majorité des voix à l’Est du pays, et le vice-président Jean-Pierre Bemba qui est, au vu des chiffres publiés jusque-là par la Commission électorale indépendante (CEI), le candidat de l’Ouest, en outre particulièrement adulé dans la capitale où il a drainé une foule immense lors de son dernier meeting de campagne (le 28 juillet 2006).

A Kinshasa comme ailleurs dans le pays, l’on s’attend à ce que le président Kabila soit déclaré le vainqueur de la course. Mais les attentes des uns et des autres reposent sur des socles différents. Effectivement, si à l’Est du pays la population est confiante et sûre que Kabila gagnera de bonne guerre (malgré les accusations de tricherie que ne cesse de lancer le vice-président Azarias Ruberwa à son endroit), la majeure partie des habitants de l’Ouest est sûre que si Kabila est proclamé vainqueur, ce sera à la suite d’une fraude qui a émaillé les scrutins.

Lorsque les balles commencent à crépiter avant la proclamation des résultats, chacun retient son souffle et croise les doigts pour que le pays ne retombe pas dans la guerre. La Force européenne (Eufor), venue épauler la mission onusienne (Monuc) pour la sécurisation des élections en RDC, lance des appels au calme à la population par le biais de la radio onusienne (radio Okapi) et demande à tout le monde de quitter le centre ville et de rentrer chez soi.

Les minutes s’égrennent et tout le monde reste scotché, qui à son poste de radio, qui à son écran de télévision, dans l’attente impatiente du moment où l’abbé Appolinaire Malu Malu, président de la CEI, viendra fixer l’opinion sur les résultats de la présidentielle. Ce moment arrive ! Et soulagement pour tous (sauf peut-être pour le camp de Joseph Kabila !), il y aura un second tour qui opposera Joseph Kabila (44,81% des voix) et Jean-Pierre Bemba (20,03% des voix). Ce second tour est prévu pour le 29 octobre 2006.

Soulagement, ai-je dit ? En cette matinée du lundi 21 août, il y a comme de l’électricité dans l’air. De sources proches de la Monuc, on apprend que le représentant de cette mission, M. Swing, aurait essuyé des tirs au sortir d’une rencontre qu’il avait eue la veille au soir avec le vice-président Bemba. Il ne devrait la vie sauve qu’à sa voiture blindée.

Vers 15 h, alors qu’il est en compagnie des ambassadeurs des membres du CIAT (Comité international d’accompagnement de la transition), dont ceux des États-Unis d’Amérique, de Grande-Bretagne, de France et de Belgique ainsi que du chef de la Monuc, Jean-Pierre Bemba échappe à un bombardement de sa résidence par la Garde présidentielle de Kabila. Les participants à la réunion se réfugient dans les caves de la résidence, jusqu’à ce qu’un détachement de l’Eufor évacue les personnalités assiégées.

D’autres affrontements se déroulent en divers autres endroits de la ville. Plus tard dans la journée, une dizaine de blindés et 150 soldats de l’Eufor se déploient en des endroits stratégiques de la ville. Une autre résidence de Jean-Pierre Bemba sera également l’objet d’une attaque, aux alentours du boulevard du 30 juin.

Le matin du 22 août, les troupes présidentielles prennent position à l’aéroport de N’djili et la résidence de Jean-Pierre Bemba fait l’objet de nouveaux tirs à l’arme lourde dans le courant de la matinée. Des véhicules de la Monuc ont pris position autour de celle-ci.

Le calme est revenu dans la ville aux environs de midi, et un accord est intervenu entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba visant au rétablissement de la situation prévalant le 20 août. La Monuc accupe désormais les principales artères de Gombe, dont le boulevard du 30 juin. Des patrouilles mixtes Monuc / Eufor / Police nationale congolaise / forces de Kabila et de Bemba sont prévues pour faire respecter l’accord.

Les affrontements de ces trois jours auraient fait au total 23 morts et 43 blessés, selon le ministre de l’Intérieur, Théophile Mbemba Fundu, essentiellement à Gombe, et notamment dans les environs du boulevard du 30 juin.

Des sources proches des principaux hôpitaux de la capitale (Clinique Ngaliema, Clinique Kinoise, Hôpital général...), on parle de plus d’une centaine de morts et beaucoup plus dans les rangs de la garde de Kabila. Ces morts auraient été ramassés sur la chaussée et enterrés dans le plus grand secret.

Une mini-enquête avait été mise sur pied comprenant les représentants des deux protagonistes et la communauté internationale. Les résultats de cette enquête n’ont pas encore été rendus publics. Une autre enquête plus large devrait aussi voir le jour mais l’on attend encore. Depuis la poignée de main des deux adversaires le 13 septembre dernier, les enquêtes sur les affrontements de leurs gardes respectifs ne sont plus à l’ordre du jour. Raison avancée ? Décrisper la tension.

En attendant, ces enquêtes rejoignent la longue liste des enquêtes congolaises ouvertes et non élucidées... des crimes impunis. Pour les familles des morts, victimes d’un affrontement dont on ne comprend pas les causes (vu que les deux adversaires sont retenus pour le deuxième tour), il faudrait établir les responsabilités !

Kingli



5 réactions


  • Cri_Media de LP (---.---.184.3) 20 septembre 2006 11:11

    Le 20, 21 et 22 août 2006 sont désormais des dates que les kinois (et congolais en général) n ?oublieront pas de sitôt. En effet, la garde présidentielle (gssp) du président Kabila et la garde du Vice-président Bemba se sont affrontés dan


  • (---.---.241.227) 20 septembre 2006 21:21

    Bon article et bonne chance pour votre future démocratie ! Installez la au plus vite chez vous parce que nous aurons besoin très bientôt de vous pour que veniez la remettre en place chez nous en France ! smiley


  • parisien18 (---.---.251.146) 21 septembre 2006 00:15

    Merci pour votre article et continuez de nous informer, en particulier lors du 2è tour des élections.

    Ps : c’est ça que je cherche sur Agoravox : des vrais articles comme le vôtre sur des sujets dont les médias ne parlent pas, et non des opinions (tribunes libres) sur les sujets dont tout le monde parle déjà trop (mal).


  • Kingli Kingli 21 septembre 2006 12:51

     smiley C’est reconfortant de voir que son article est non seulement publié mais suscite aussi des réactions. Il est vrai que dans bcp de forum on sent que l’Afrique est non seulement sous représentée mais que les info du continent n’intéressent pas beaucoup de gens. Faisons que cela change ! Merci pour vos réactions !


  • kesed 21 septembre 2006 14:39

    demat,

    Bon article qui relativise des conflits autrement moins meurtriers du proche-orient, alors que les médias nous rabachent les oreilles avec la Palestine et Israël .

    kenavo


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