mercredi 28 décembre 2005 - par Bernard Lallement

Klarsfeld : quelle histoire !

Jacques Chirac avait annoncé, le 9 décembre, la création d’une « mission pluraliste » sur le rôle du Parlement face à l’histoire, présidée par un fidèle du chef de l’Etat, Jean-Louis Debré. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire du ministre de l’Intérieur qui, ne voulant pas laisser à l’Elysée le monopole des initiatives sur des sujets sensibles, a souhaité nommer sa propre commission, dans le but « d’accompagner la réflexion » du président de l’Assemblée nationale.

Au moins aurions-nous pu espérer la désignation, à sa tête, d’un historien de renom à la réputation incontestable. Mais les intrigues ont pris le pas sur la raison, et Nicolas Sarkozy a préféré persévérer sur les layons de la polémique, qui semble être devenue son environnement quotidien, en faisant choix de l’avocat Arno Klarsfeld.

Effectivement, à peine installé dans ses fonctions, ce dernier a dû subir une attaque des plus inattendues, celle du MRAP. Son secrétaire général, Mouloud Aounit, a contesté « sa compétence et sa légitimité » en précisant : « Peut-on faire confiance dans ce domaine à un défenseur de la colonisation israélienne qui, après avoir pris la nationalité israélienne, a servi volontairement dans une unité de gardes-frontières de l’armée israélienne et a participé délibérément à l’humiliation et à la répression de la population palestinienne ? »

Mouloud Aounit fait référence à l’engagement d’Arno Klarsfeld au sein de Tsahal, pendant son service militaire en 2003.

La réponse ne s’est pas fait attendre. Mardi, au 13/14 de France Inter, l’avocat lui a répliqué : « M. Aounit est peut-être sur la même ligne que le président iranien, qui estime que les Juifs n’ont rien à faire au Moyen-Orient. »

Comme on peut le constater, la sérénité et la mesure qui sied à toute étude sur un sujet brûlant est loin d’être à l’ordre du jour, et cela augure mal de conclusions qui emporteraient tous les suffrages.

Ne pas confondre la morale et les moeurs

Mais au-delà de ces agitations politiciennes, faut-il instaurer des commissions pour rappeler aux historiens comment décrypter l’histoire ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Lorsque Arno Klarsfeld souhaite voir la loi reconnaître, à la fois, « les bienfaits et les méfaits de la colonisation », il montre non seulement qu’il n’est nullement historien mais, plus grave, qu’il n’entend rien à l’histoire.

Ecrire l’histoire n’est, certes pas, chose aisée. Mais vouloir transformer l’historien en comptable du temps, alignant des bilans pour en extraire d’improbables soldes est, tout bonnement, un non-sens. Tel évènement peut-être tragique (mais pour qui ?) à un moment donné, et se révéler profitable (peut-être pour les mêmes) par la suite. Qui donc, et en vertu de quelle grille de lecture, devrait en définir les bénéficiaires et, par conséquent, les victimes ? L’histoire ne résume rien en pertes et profits.

Par ailleurs, contrairement à ce que semble croire Arno Klarsfeld, le droit n’est pas la morale, ni le législateur le clerc d’une église, fût-elle laïque. La loi n’est que le reflet, la photographie, du fonctionnement d’un corps social à un moment donné.

Ne nous y trompons pas, les « bornes morales » dont parle l’avocat ne sont que des règles conventionnelles que nous nous fixons. Il ne s’agit pas de faire établir, par le Parlement, une théorie du Bien et du Mal. Souvenons-nous de la mise en garde du philosophe chrétien Jean Guitton  : il convient de ne pas confondre la morale et les moeurs.

Les lois sont affaires de politiques, c’est-à-dire de moeurs. Elles ne sont pas paroles d’Evangiles, il suffit de voir à quelle fréquence elles s’abrogent l’une l’autre, se surajoutent ou se contredisent, pour s’en convaincre.

Que les parlementaires veuillent s’inspirer des leçons de l’histoire pour leurs travaux, rien n’est plus louable, mais, comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, laissons les historiens travailler en toute liberté, loin des débats passionnés et sectaires.

En s’enferrant dans son impossible mission, j’ai bien peur qu’Arno Klarsfeld n’en vienne à endosser les habits de Winston Smith, le héros de Georges Orwell, qui, au ministère de la Vérité, retouche les journaux déjà parus afin de les mettre en accord avec la réalité révélée depuis, et réécrit l’histoire en en gommant les inexactitudes.

Chez Staline, on se plaisait à dire « qu’il faut lire les évènements d’hier à la lumière des vérités que le parti édicte aujourd’hui. »

Somme toute, comme à l’UMP.

Photo : AFP



19 réactions


  • Courouve (---.---.102.36) 28 décembre 2005 12:44

    J’ajoute que la double nationalité de Klarsfeld, française et israëlienne, le place dans une situation particulière qui va encore compliquer sa tâche.


  • (---.---.68.56) 28 décembre 2005 14:32

    KLARSFELD a raison de participer au débat, n’en deplaise à ce journaliste polémiste qui se donne des vertus de moralisateur ! qu’il reste dans sa prose superfaitatoire et indigeste ! MM les journalistes arretez d’etre de simples polémistes verbeux au verbiage décadent et d’un autre temps ! Vous etes de fumeux fumiste au stylo acéré sans aucun recul !Vous ne soulevez pas les montagnes mais gravitez autour du degré zéro de la politicaillerie poujadiste , vous donnant de grands airs d’écrivain public !!Assez de vos écrits verbeux sans aucune matière !PARTEZ A LA RETRAITE, c’est votre seule issue !!


    • (---.---.68.56) 28 décembre 2005 16:18

      BRAVO Me KLARSFELD pour votre ouverture d’esprit et votre mobilisation en faveur d’une apprehension objective de l’Histoire, n’en deplaise aux barbus revolutionnaires de la critique objective !


    • (---.---.179.13) 28 décembre 2005 19:47

      Parcque vous vous débate du fond ? Je ne vois que des attaquer personnel et sa m’attriste de voir comment vous débater...j’ai vous plait....

      Et arrétons une fois pour tout avec vos manie de dénigres les autres sous le prétexte qu’il « moralise » vous positionnent entant que « victime » alors qu’il en est rien...

      Voila maintenant que le débat commence vraiment dans des conditions saines.


  • (---.---.102.65) 28 décembre 2005 16:40

    C’est pas un avocat, ce Klarsfeld ?

    Qu’est ce qu’un avocat y connait a la colonnisation française outre-mer ?

    C’est comme si on me demandait d’assister un employé au tribunal des prud’hommes.

    C’est crétin non ? C’est Sarkozy. Ah oui.


    • (---.---.68.56) 28 décembre 2005 16:57

      La Politique doit s’ouvrir aux forces vives qui souhaitent réagir !Ce Klarsfeld a raison de vouloir mettre son grain de sel ! c’est louable et courageux , surtout sur ce sujet délicat ! Ne nous laisons pas intoxiquer par les esprits chagrins ; mettons la main à la pate ! Klarsfeld - Sarkozy, allons enfants de la patrie ! La pente est rude mais le chemin est dégagé !!!


    • Courouve (---.---.102.40) 28 décembre 2005 17:40

      Sans doute Sarkozy a-t-il voulu faire de la discrimination positive à l’égard d’une minorité qui manquait de visibilité ...


  • quanta62 (---.---.179.13) 28 décembre 2005 19:51

    C’est vrai que l’on peut se poser la question de savoir pourquoi Mr. Sarkozy n’a pas fait appellent a une commision pluriel pour traité ce probleme au combien compliquer.

    Quelq’un a la réponse a cette question ? J’ai mon idée mais j’aimerai entendre d’autre !


    • (---.---.68.56) 4 janvier 2006 17:26

      SARKOZY, le Tsar Nicolas , a raison, mille fois raison, dormez tranquilles, il veille sur nous ! Il va changer les comportements et les méthodes, il va bousculer les pauvres d’esprit de la rue de Solférino ! Klarsfeld a compris qu’il fallai évoluer et proposer ! Bravo Me Klarsfeld , vous etes intelligent et courageux !


  • pascal le vannier (---.---.60.60) 28 décembre 2005 23:47

    La colonisation un bien ou un mal ? mais à quel moment ? pour qui ? pour quoi ? les conséquences de la colonisation ne sont elles pas toujours en cours ? la vérité d’aujourd’hui sera-t-elle celle de demain ?

    On ne refait pas l’histoire et on ne l’arrête pas.

    Il est totalement stupide de chercher à « juger » l’histoire. Je ne retiens de tout ceci qu’une chose les politiciens hier comme aujourd’hui en voulant la « juger » se servent de l’histoire.

    pascal LV


    • (---.---.244.88) 29 décembre 2005 10:28

      « Qui controle le passé controle l’avenir, qui controle le présent controle le passé »

      Georges Orwel, 1984


  • (---.---.68.56) 29 décembre 2005 14:35

    N.SARKOZY a raison, dans cette affaire il est opportun de mobiliser les forces vives, de s’entourer de tous les avis, n’en deplaise à une gauche retrograde et passéiste qui ne comprend rien à l’évolution sociale et sociologique des temps modernes ! il est permis de douter de la capacité de changement et d’évolution d’un PS lézardé et compromis dans de funestes affaires et dont le dessein ultime n’est que la démagogie et la sclérose !!


    • (---.---.102.65) 14 janvier 2006 23:10

      Quelle différence entre Klarsfeld et ma boulangère ?

      Et bien, ma boulangère s’y connait un peu mieux en histoire coloniale que Klarsfeld, vu qu’elle vient d’une vieille famille de Martinique. Alos je propose à Sarkozy de prendre des vrais spécialistes, plutot que des jeunes avocats qui n’y connaissent rien.


  • (---.---.86.142) 30 décembre 2005 19:02

    comment peut on confier une mission sur « l’Histoire des hommes »à un français ?israélien ?lui même ne le sait pas- engagé volontairement dans l’armée israélienne(des massacres en toute impunité) qui pavanne sur des plateaux télé en disant « j’ai soulevé les robes des femmes palestiniennes dans les ambulances pour voir si elles transportaient des armes » - des femmes malades ou sur le point d’accoucher !

    grave non !


    • Courouve (---.---.102.6) 30 décembre 2005 20:39

      C’est aussi l’avis de Dieudonné, dans son communiqué de ce jour (30/12) :

      « Le ministre de l’Intérieur vient une nouvelle fois de s’illustrer en procédant à la nomination du dénommé Arno Klarsfeld en tant que »chargé de mission« concernant »la loi, l’histoire et le devoir de mémoire". Mr Klarsfeld, militant ultra sioniste, est devenu citoyen Israélien en choisissant de faire son service militaire en Israël, sous l’uniforme des « gardes frontières », dont l’activité principale est l’humiliation et la persécution des populations palestiniennes occupées. Cette nomination constitue une véritable provocation pour tous les républicains soucieux de l’égalité entre tous les citoyens et attachés à un débat historique libre, pluraliste et apaisé. Elle démontre s’il en était besoin, l’inconséquence et la duplicité de Nicolas Sarkozy, qui entraîne la République dans la haine communautaire et assure la promotion d’une idéologie néo-conservatrice dangereuse et rejetée par le peuple français. L’histoire et la mémoire de la République Française n’ont pas à être mises sous tutelle de l’Axe du bien. N’en déplaise à son laquais Sarkozy, elles sont la propriété de tous les citoyens. Monsieur Sarkozy démontre par ses agissements qu’il est indigne des fonctions qui sont les siennes et inapte à celles auxquelles il aspire. Je demande donc à messieurs Villepin et Chirac de démissionner monsieur Sarkozy et de révoquer monsieur Klarsfeld."


  • Daniel Bainville-Latour (---.---.92.238) 31 décembre 2005 11:47

    J’ai été très étonné, dans cette affaire, d’entendre le Premier Ministre déclarer que l’histoire était de la compétence des inspecteurs de l’Educ Nat , via les programmes (et non des parlementaires).

    En clair, cela veut dire que la représentation nationale, choisie par les Français, n’a pas à se prononcer sur l’histoire du pays mais que la bureaucratie, elle, est fondée à le faire.

    Surprenant, non ? Non, pas surprenant ; stupéfiant.


    • Senatus populusque (Courouve) Courouve 31 décembre 2005 14:49

      L’administration, pas la bureaucratie. Et l’administration est sous le contrôle du Gouvernement, comme dans tous les Etats démocratiques ; mais s’agissant de l’Education nationale, aussi sous celui des syndicats, ce qui est un vrai problème.


    • (---.---.68.56) 4 janvier 2006 17:33

      COUROUVE a raison , mefiez vous des fonctionnaires de l’Education NATIONALE ET DES syndicats :ils sont tres reactionnaires et marxisants ! d’un autre age !sarkozy est le plus apte,il a une aura indéniable et irreprochable ! IL VA REUSSIR !


    • (---.---.102.65) 14 janvier 2006 23:12

      Vous ne pensez pas qu’un prof d’histoire s’y connait un peu mieux que Klarsfeld, sur ce sujet ?

      Qu’est ce que c’est que cette logique anti-prof ? Vous n’etes pas allé à l’école vous ?


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