jeudi 19 octobre 2017 - par Clark Kent

L’Amazonie : un modèle de destruction de l’environnement

Jamanxim, située à environ mille kilomètres de Belem, dans l'État du Para, au sud-est du Brésil, est une réserve naturelle protégée et abrite de nombreuses espèces indigènes de plantes amazoniennes. En mai 2017, la chambre des députés du Brésil a approuvé un amendement qui modifie le statut légal de cette forêt d’état. Puis, dans la foulée, un vote du sénat a modifié les limites des zones de protection de l'environnement dans les États de Para et de Santa Catarina.

En 2006, la zone avait été délimitée par un décret présidentiel (le président était alors Luiz Inacio Lula da Silva). Malgré cela, l’ »exploitation » destructrice a continué ses méfaits. Les activités illégales d'exploitation forestière et minière menées par des bandes organisées et violentes et à la non-application de la réglementation environnementale se traduisent par des affrontements fréquents et violents. Selon des données fournies par l'agence fédérale de surveillance environnementale en 2016, 37,7% de la superficie de cette forêt étaient déjà déboisés.

La proposition votée par la Chambre des députés se traduira par la réalisation d’un tronçon de 3 067 km à travers la forêt d’état, et le quart de sa surface totale sera converti en « zone de protection de l'environnement », catégorie dans laquelle le niveau de « protection » est inférieur à celui d'une forêt d’état : par exemple, les terres forestières peuvent être utilisées pour l'agriculture ou l'élevage par des familles qui ont vivaient déjà dans la région avant sa création ou peuvent être utilisées de façon durable à des fins « scientifiques ».

Le but affiché de ce changement de catégorie est d'ouvrir cette zone à une nouvelle ligne de chemin de fer pour faciliter l’exportation du grain de l'état du Mato Grosso qui est enclavé vers le port de Miritituba, dans l'État de Para. Mais en fait, cette voie ferrée n'exige en tout et pour tout que 860 hectares de terres, et le puissant lobby agro-alimentaire brésilien utilise cette réalisation favorable au développement économique comme une opportunité pour régulariser l'occupation illégale des terres par les mafias locales pour cultiver du soja et élever du bétail.

Il faut s’attendre à ce que la modification de classification ait pour effet d’encourager par l’exemplarité de nouvelles opérations d'accaparement des terres et de déforestation dans toutes les réserves naturelles du pays. Déjà, en 2016, le taux de déforestation en Amazonie avait augmenté de 29% par rapport à l'année précédente.

Le président Michel Temer avait promis d'opposer son veto au projet s'il était adopté par le parlement, mais il a revu sa position sous la pression des grands propriétaires de l'Etat du Para. Pour faire bonne mesure, il a même adressé une proposition au Parlement en Juillet pour voter une nouvelle loi visant à déclassifier à nouveau 27 % des terres protégées de la réserve de Jamanxim.

On sait déjà que le principal problème environnemental du Brésil qui rejaillit sur la planète entière est la déforestation illégale. Des sociétés d'exploitation forestière établies dans la région coupent et vendent des milliers de troncs d'arbres protégés et les grands propriétaires terriens continuent à incendier de vastes zones forestières pour en faire de nouvelles terres agricoles. Les sociétés transnationales de l’industrie agro-alimentaire agissent en toute impunité, et le gouvernement brésilien qui encourage et soutient ce processus est complice de la dévastation.

La nouvelle proposition de loi représente un recul des efforts des gouvernements successifs du Brésil jusqu'à la présidence de Dilma Rousseff pour freiner la destruction des ressources naturelles. Selon un rapport publié en 2014 par WWF, le rythme d’utilisation des ressources de la terre est deux fois plus rapide que ses capacités de renouvellement ... Nous n'aurions devant nous que quelques années et non des décennies pour rétablir l'équilibre avant de transformer les systèmes naturels de la planète en cycles irréversibles qui provoqueront des catastrophes.

La cause fondamentale de cette catastrophe environnementale est le choix d’options « faciles » et immédiates de profits sans préoccupation des conséquences qu’elles provoquent. Les effets sont systémiques et concerne non seulement l’ensemble des activités humaines, mais aussi le devenir de la faune et de la flore.

Le Brésil, pays privilégié en termes de ressources naturelles, aurait pu servir d’exemple pour la protection de l’environnement, mais hélas, il constitue aujourd’hui un modèle de catastrophe écologique.

 



13 réactions


  • gruni gruni 19 octobre 2017 15:29

    Bonjour Jeussey


    Ce qu’on appelle « le poumon de la planète » est de plus en plus rongé par le cancer du profit. Vous parlez fort justement des conséquences sur l’humain et le devenir de la faune et de la flore. Je m’inquiète également sur l’espérance de vie des tribus amazoniennes isolés. J’avais écrit sur le sujet dans le passé, un article intitulé « On arrête pas le progrès avec des arcs et des flèches ». Vous parlez d’un progrès !

    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 19 octobre 2017 15:44

      @gruni

      Bonjour Gruni,

      Comme tous les peuples premiers, les habitants de l’Amazonie sont menacés en tant que groupes, et peut-être en tant qu’individus. 

      Le suicide collectif entrepris par nos sociétés industrielles ne nous laissera que peu de temps de survie après leur disparition si les choses continuent au même rythme. 

      Le fait d’évacuer cette réalité de nos préoccupations la plupart du temps ne change rien à l’issue prévisible.

    • mikawasa mikawasa 19 octobre 2017 17:22

      @Jeussey de Sourcesûre
      Il y a surement une explication plus générale, la recherche de profit immédiat dans une vision de ’court termise’, la réalité du capitalisme actuel


    • mikawasa mikawasa 19 octobre 2017 17:28

      @mikawasa
      je trouve par ailleurs vos articles très intéressants


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 19 octobre 2017 17:33

      « @mikawasa

      Il me semble que vous et moi disons à peu près la même chose, puisque la fin de l’article est : 


       »La cause fondamentale de cette catastrophe environnementale est le choix d’options « faciles » et immédiates de profits sans préoccupation des conséquences qu’elles provoquent."

      En tous cas merci pour les fleurs, ça fait toujours plaisir.

    • mmbbb 21 octobre 2017 13:28

      @Jeussey de Sourcesûre votre article est intéressant mais helas ne concerne pas uniquement le Bresil La foret en Papouasie nouvelle guinée est massacrée sans aucun plan de coupe Quant a la Roumanie, ce pays a ceder devant l appétit des exploitants et ces forets primaires sont menacées Idem pour la Pologne qui a une des plus grandes foret primaires Białowieża dont le gouvernement a ceder devant les bucherons


  • Fergus Fergus 19 octobre 2017 16:05

    Bonjour, Jeussey

    Excellent article sur un sujet qui devrait être au 1er rang de nos préoccupations. Comme le souligne Gruni, cette forêt tropicale est l’un des meilleurs atout écologiques de la planète, et à ce titre, devrait être protégé au maximum, y compris en bénéficiant d’aides internationales. Et comme Gruni, je suis très inquiet pour l’avenir de ces « peuples de la forêt » qui survivent encore ici et là ; mais pour combien de temps ?


  • Pauline pas Bismutée 19 octobre 2017 16:28

    @ l’auteur

    Décidemment, vous êtes en forme ! Sujets un peu tristes tout ça... Cette pauvre planète qu’on bousille avec ses peuples autochtones ...

    De très beaux textes (prémonitoires) de « First nation » people (« Indiens d’Amérique ») que je relis quelquefois quand j’ai l’impression de m’être trompée d’époque.

    Et en ce moment, « Standing Rock », dans le Dakota.

    Ceux qui s’en sont peut-être les moins mal tirés sont les Maori de Nouvelle Zélande (traité de Waitangi, 1840, entre les chefs Maori et la couronne d’ Angleterre), encore que ...

    Quand on comprendra que TOUT est lié ..


  • caza 20 octobre 2017 09:57

    Bonjour à tous

    L’Amazonie c’est aussi notre pays avec la Guyane.
    Là aussi la situation écologique et par conséquence celle des Amérindiens est catastrophique.

    LA FAUNE :
    La chasse est ouverte toute l’année de jour comme de nuit et aucun permis n’est obligatoire.
    La « viande de brousse » coute 5 € le kilo et tout y passe :Perroquets Singes caimans etc même dans les zones dites protégées et même les espèces animales idem.De toute façon comme pour la criminalité urbaine les pouvoirs publics sont largement dépassés par l’ampleur de la criminalité.Des associations Guyanaises se battent malgré les menaces et les intimidations.On trouve tout les éléments sur le Net(attention photos choquantes)et vous pouvez les aider.

    L’ORPAILLAGE LEGAL
    Il produit 1,3 tonnes d’Or officiellement beaucoup plus en raison des sorties clandestines vers le Brésil et le Surinam.En général les règlementation minières ne sont pas respectées et les eaux de laverie du minerai ne sont pas décantées et partent directement polluer les fleuves.Un grand projet minier dit « La montagne d’Or » est dans les tuyaux et va encore aggraver la situation.

    L’ORPAILLAGE ILLEGAL
    On pense que 8 à 10 tonnes d’Or sortent chaque année de Guyane .20 000 personnes contribuent à ce trafics dont 8000 en permanence en forêt.Les destructions sur la faune et la flore sont phénoménales.
    les berges sont attaquées à la motopompe,des centaines d’hectares sont déforestées,les eaux sont saturées de mercure.Tous ces clandestins se nourrissent de viande de brousse détruisant toute la faune sur des km autour des exploitations

    LA DEMOGRAPHIE
    Plus que galopante.Certainement le plus grave problème pour l’écologie Amazonienne.On ne voit pas comment cette population vivra sur ce territoire de forêts et de fleuves sans le détruire.Il existe des projets de centrales à biomasse pour produire de l’électricité à partir de la forêt

    Voilà L’AMAZONIE c’est aussi la France et les associations Guyanaises ont besoin de nous .L’actualité c’est « La Montagne D’Or ». On fait croire aux Guyanais que l’Eldorado va leur profiter (en réalité seulement 2% de retombées)pour faire passer le projet.

    Il y a quelques années la France donneuse de vertus avait organisé à Paris un raout sur les peuples premiers.Les délégués Amérindiens Surinamiens et Brésiliens avaient perdus leurs illusions lorsque leurs homologues Français leurs avaient expliqué qu’en Guyane la situation était aussi déplorable que chez eux.


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 octobre 2017 10:12

      @caza

      ’La France«  ?

      Vous vouliez sans doute écrire : »les dirigeants politiques et les industriels français" ?

      Ca n’est pas tout-à-fait la même chose : la plupart des Français ont apprise à l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire que la Guyane n’est pas une île.

      Le résident de la république qui a fait ses études chez les jésuites n’en a pas été informé : pour cette catégorie de personnes, le monde se divise en deux : les colonisateurs et les colonisés (intérieurs et extérieurs). Pour eux, seuls les premiers sont dignes d’intérêt. Les autres sont des sauvages, des fainéants, des riens. 


  • monde indien monde indien 20 octobre 2017 13:20

    @ Jeussey : correction - l ’ Etat du Para n ’ est pas situé au sud-est du Brésil , mais au nord du Nordeste , à l ’ embouchure de l ’ Amazone -


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