mardi 14 octobre 2014 - par Nicole Cheverney

L’âme russe, une « arme » pour Poutine ? (Troisième volet)

Paganisme, chrétienté, Wladimir Soleil Rouge, la Rus' de Kiew.

Le grand historien russe du XVIIIe siècle, Michaël Vassilievitch Lomonossov, né en 1711 à Denissovka et mort en 1765 à St-Pétersbourg , nous livra en détail dans son ouvrage « État de la Russie », l'histoire et l'origine du peuple russe.

Lomonossov utilise le terme de « Nation russe » pour définir les innombrables peuplades parlant différentes langues, plus tard unifiées sous l'emprise de Rois et d'Empereurs éclairés. Au terme de ce plantureux travail d'historien, nous comprenons mieux les moteurs unificateurs qui ont marqué la naissance de la Russie.

Le mot Russie vient du mot Rosseia , qui veut dire « peuple ramassé, » allusion à l’agrégat des peuplades venues des diverses latitudes de cet immense territoire et qui l'ont habité.

Mais, prévient l'historien à ses futurs lecteurs, tout autant Russes qu'étrangers, la Nation Russe, éprouvée depuis les temps les plus reculés de son histoire, a connu tant de révolutions, de guerres intestines et d'agressions étrangères qu'elle eut à soutenir, qu'il n'est pas étonnant que devant tant de « malheurs et de troubles, elle n'ait point été anéantie, mais qu'elle soit parvenue à la grandeur, à la puissance et à l'élévation où on la voit ».

Lomonossov évoque la Russie que tente d'affaiblir ses ennemis du dehors, (Hongrois, Polonais, Tartares et Turcs, et ceux de l'intérieur, troubles et séditions où la Russie s'agite, mais se relève toujours «  d'un nouvel éclat...chaque malheur a été pour elle une nouvelle force de bonheur ; ses revers ont servi à augmenter sa puissance et sa réputation ».

Lomonossov n'oublie pas de louer la Providence qui donna à la Russie des souverains soucieux de relever le courage d'un peuple. « Lorsque je considère les révolutions qui sont arrivées dans ce vaste Empire, la réunion de tant de peuples différents sous la domination des Princes Warangiens., (varègues) ;.. il me semble voir un fleuve qui au sortir de sa source se répand dans une vaste contrée, et qui après s'être partagé en un grand nombre de petites rivières, rentre dans son lit plus grand et plus fort qu'il ne l'était auparavant ».

Il n'était donc pas facile pour l'historien russe de rapporter les événements d'un Empire aussi vaste que la Russie. Lomonossov, au XVIIIe siècle, égratigne au passage les historiens étrangers du peu de cas qu'ils font de l'histoire des Russes, et leur méconnaissance. Les étrangers imaginent les Russes ignorants. « Ils changeront, je m'assure, de sentiment, s'ils prennent la peine de comparer nos ancêtres les uns avec les autres, et la conduite, les mœurs et les usages des anciens Russes avec les leurs ».

S'étonne-t'il encore, un peu jaloux, que l'on célèbre en Europe la Grèce ancienne avec autant de magnificence, à commencer par les Arts et avec autant de pompes, les exploits Romains. Mais suggère-t-il, le temps qu'un peuple s'éteint, un autre naît, l'un doit son existence à la ruine d'un autre. Ainsi en va l'humanité. Et il en est de même pour l'histoire russe que Lomonossov voit plutôt comme un étonnant parallèle entre la naissance de Rome et celle de la Russie. Voilà, pour cet homme du siècle des Lumières, érudit, géographe, scientifique, écrivain, rénovateur de la langue russe, et historien.

LES PREMIERS PEUPLES :

Les Russes descendent des (Scyth) Scythes ou Sarmates (nomades des steppes, d'origine iranienne), la Sarmatie européenne et la Sarmatie asiatique.

Le mot Scyth n'est pas comme l'on le prétend d'origine grecque, mais un mot d'origine Esclavons (Slavon – Slave).qui vivaient au bord du Danube. Les Scythes et les Ezudes ne faisant qu'un seul et même peuple.

Les Budiniens : ils sont d'origine grecque. C'est un peuple riche et puissant. Décrits portant la braie, les cheveux roux et les yeux bleus. C'est un peuple païen. Ils se mêleront aux scythes, dans la région du Don.

Toutes ces peuplades s'allieront dès le 1er siècle après JC, contre les Huns, un peuple asiatique installé le long de la Caspienne et des Mers du Nord et de la Sibérie.

Les Sabiriens ou Sibériens : premiers habitants de Sibérie, descendant des Ezudes.

Les Tartares s'établiront sous le règne du Czar (Tsar), César, Jean Wassiljewicz.

Dans le Daghestan, près de Derbent, vivent les Avares (issus également des Ezudes), qui avec les Huns originaires de cette région asiatique, envahissent les pays des Esclavons dans le Nord puis déferlent sur le Danube et la Grèce. Mais non sans mal, puisque les combats avec les Esclavons dans la Pannonie -actuelle Hongrie – font rage.

Poussés par les Tartares d'Orient, les Ugriens blancs (actuels Hongrois) (peuples d'origine sibérienne) saccagent la grande Novgorod (anciennement appelée Slawenko), bien qu'ils commerçaient entre eux depuis longtemps.

Après avoir chassé les Ezudes, les Esclavons reprirent leur ancienne puissance. De l'orient à l'occident, les Esclavons (Slaves) se mélangèrent aux Warangiens (Varègues), peuplades qui parlaient plusieurs langues et pratiquaient la piraterie en Mer Baltique. Les Suédois, les Finlandais sont les descendants de ces peuples originaires du Nord. Étymologiquement en latin Waranger veut dire (soldat du Nord).

Les Warangiens se mélangèrent aux Goths, Suédois, Normands et Russes qui s'engageaient nombreux dans les armées esclavonnes. Ils se répandirent jusque dans le sud de l'Europe, poussent jusqu'à Rome et jusque de l'autre côté de la Méditerranée, (Kabylie).

Les Warangiens russes : Ils donneront toute une filiation de souverains esclavons (Slaves) établis dans ce vaste territoire.

Il est à noter d'ailleurs que les anciens prussiens ont des racines communes aux Warangiens russes (les premiers habitants de la Prusse, soit entendu) dont les descendants seront les Lithuaniens, (Samogitiens), et Curlandais, (habitants de la Courlande), qui en 1300 prirent possession de cette partie du pays, sous mandat Papal

Les Warangiens se rendent en Prusse, très affaiblie par les guerres avec les Polonais, ils s'en emparent, et y pénètrent jusqu'en Livonie et s'y installent durablement.

La branche orientale du Niemen qui se jette dans la baie de Rurik s'appelle Rusza, nom donné par les Warangiens. Les mœurs et les usages des anciens prussiens sont les mêmes que ceux des Princes Warangiens (Varègues) qui plus tard monteront sur le trône de Russie. Avant leur conversion à la chrétienté, leurs idoles païennes sont identiques et portent les mêmes noms, les mêmes attributions, et les mêmes cérémonies sont organisées pour leur culte. Les dieux de la foudre et du tonnerre, du feu, etc...

Les Warangiens russes donnent à ce territoire le nom de Porussien (de l'esclavon Rusz et du préfixe Po) qui deviendra Prussien.

Les historiens occidentaux prétendent que les Russes et les Roxolains ou Roxanes ou Alain ne font qu'un seul et même peuple . Ces tribus se rajoutant aux autres, ils s'établirent sur la Volga.

Ils finirent par élire un roi, d'origine Alain, le Widewut ou WeideWuit.

Pendant plusieurs siècles ces peuplades migrent vers la Baltique par périodes et des traces architecturales et archéologiques restent de leur passage. Mais ils ne se contentent pas d'ériger des places fortes, ils donnent aux villes et aux rivières et aux fleuves qu'ils parcourent, les noms typiques : tels que le Rosz qui deviendra le Niemen qui se jette dans le Dniepr et baptisent des villes comme Staraja Russa. Ils imitent en cela les peuples du Danube les Vulgar (Bulgares) qui donnent à la Volga son nom.

Beaucoup de Romains également pendant les guerres de César et de Pompée viennent s'établir sur la côte méridionale de la mer Baltique et se répandirent en Samogitie, actuelle Lituanie.. C'est la raison pour laquelle on retrouve des mots latins dans la langue russe et Prusse.

PAGANISME ET CHRETIENTE : La religion chrétienne fut apportée par les Warangiens russes après leur passage à Constantinople où ils embrassèrent le christianisme orthodoxe.

On voit dès le IXe siècle, une forme de gouvernement apparaître avec le Prince RURIK, établi à Ladoga puis à Novgorod pour y bâtir une ville nouvelle. C'est le début également du règne des Bojars ou Boyards (sortes de gouverneurs) à qui Rurik confie le gouvernement des villes. Peu à peu la domination de Novgorod s'étend également sur les Esclavons du Sud (les Polonais) où elle exercera son autorité pendant les sept ans du règne de Rurik.

L'Empire s'étend. Le prince IGOR succède à son père RURIK. Il réorganise ses armées composées de peuplades diverses, il fait construire la ville de SMOLENSK et y établit un gouverneur, le dénommé OLEG, son tuteur. Il s'empare de LUBECZ (Lioubetch) puis de KIOW (actuelle KIEV). Il en fait la CAPITALE DE LA RUSSIE, appelée la RUS de KIEV.

Après la mort d'IGOR, c'est l'impératrice OLGA qui se chargera de gouverner la Principauté de Kiow.

Lomonossov la décrit comme une veuve inconsolable après la mort de son mari. Petit à petit délaissant les Affaires au profit de son fils, elle ne s'occupera plus que de religion chrétienne avec laquelle elle se familiarisera en se rendant à Constantinople, y rencontrera l'Empereur et le Patriarche et se fera baptiser sous le nom d'Hélène, adoptant la chrétienté orthodoxe /rite grec.

WLADIMIR SOLEIL ROUGE dit également GRAND PRINCE WLADIMIR.

Petit-fils d'OLGA, fils naturel du prince SWATOSLAV et d'une servante d'Olga (Maloucha), il commence son règne alors qu'il est encore païen et idolâtre. Il vénère des divinités telles que le Dieu de la Foudre, du Tonnerre, le Dieu Wolosz des Troupeaux, Pogwifd ou Wichr, Dieu du vent, de la pluie, Lada (l'équivalent de Vénus), et Lel (équivalent de Cupidon).Ces divinités sont très importantes pour lui, et en général chez les Warangiens russes qui restent adorateurs de ces divinités multiples et fort ancrées dans le paysage russe. On les retrouve partout, dans les chansons, les rituels festifs. Ils célébraient le 24 décembre, la fête de la Rolâda, le Dieu des Festins (correspondant au Solstice d'hiver chez les Celtes ou les Germains).

On retrouve le nom de ces divinités dans le nom des rivières, des fleuves, et Wladimir Soleil Rouge, jamais en manque d'imagination impose de multiplier ses idoles, partout et en remplir le paysage jusque dans toute la Russie.

Il cède le gouvernement de la « Grande Novgorod » à son oncle DOBRYNA. Ce dernier respectera la vœu de Wladimir de multiplier les idoles à son tour, et de faire placer sur la Wolchowa, le Dieu Perun.

Il conquérit la Pologne dans laquelle il rentre à la tête d'une armée après s'être allié aux Vulgar (Bulgares musulmans, les Byzantins, les Khazars). Il étend considérablement ses domaines jusqu'aux frontières de l'Asie et jusqu'à la Baltique.

Cependant, la vie de WLADIMIR LE ROUGE change du tout au tout, lorsqu'il rencontre la chrétienté et se convertit au christianisme et comme sa grand-mère, il embrasse l'orthodoxie. A Constantinople il admire les splendeurs liturgiques du rite orthodoxe et épouse une princesse byzantine, Anna Porphyrogénète. Car Wladimir tout comme il était un idolâtre fervent devient un fervent chrétien et adoptera vers la fin de son règne, une conduite pieuse et exemplaire. A telle enseigne qu'on le surnommera Saint-Wladimir-Egal-des-Apôtres. Son comportement devient moins violent, ses mœurs moins relâchées, (il collectionnait les femmes et les maîtresses et concubines), et petit à petit son règne s'adoucit particulièrement à l'égal de l'Empereur romain Auguste.

On peut considérer WLADIMIR SOLEIL ROUGE, comme le fondateur de la RUSSIE chrétienne orthodoxe.

CONCLUSION :

Après ma présentation des origines de la Russie et de son unification, et pour revenir à « L'AME RUSSE », je dirais, pour conclure, que notre positivisme étroit qui a pris le pas dans la pensée européenne tente d'imposer à la pensée humaine une forme légitime, l'abandon du sacré, l'absurdité et la rigidité dogmatique, et nous empêche de voir ce que nous ne pouvons concevoir.

C'est comme si l'on vous expliquait la beauté d'un lac endormi sous les brumes nocturnes, par les « lois de l'optique » uniquement, en faisant fi des émotions intimes et de la méditation provoquées. Imposer les lois du beau, les lois du goût, et les règles du jeu. C'est ce que j'appellerai le « pragmatisme » tout imprégnés que sont les hommes du troisième millénaire par des doctrines desséchantes et définies comme acceptables une bonne foi pour toutes.

Mais il reste des « âmes sensibles », des réactions intimistes et au XIXe siècle, TOLSTOI dans ses peintures des mœurs à travers son œuvre considérable, nous donne une leçon d'exhortation vers laquelle nous, Occidentaux, devrions aiguiser nos pensées confuses vers une plus vaste éthique, les aiguiller vers l'exigence de l'objectivité à travers une esthétique, oratoire, pathétique et lyrique et l'exaltation du sentiment.



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