samedi 13 décembre 2014 - par Armelle Barguillet Hauteloire

L’âne et le petit cheval - fable

Une fable pour colorer de façon plus tendre une actualité trop rude.

 

                     L’âne et le petit cheval

 

 

  

Un matin d’été,

Réunis dans le même pré,

Il y avait un âne bien sage

Et un fringant petit cheval.

Ils avaient le même âge

Mais, à les surprendre ainsi,

On devinait que leurs destins

Ne seraient jamais semblables.

 

L’un était gris et docile,

L’autre vif et étincelant.

L’un d’humeur égale,

L’autre plus inconstant.

Le premier pensait :

Je voudrais un maître à servir

Et mon petit pré carré,

Un travail humble et facile

Et une bonne mesure de blé.

 

Le second rêvait de pompe et de gloire,

Et de ces vastes champs emplis

Du cri vibrant des victoires.

L’un trouva dans une ferme

Sa besogne quotidienne,

Tandis que l’autre eut tôt fait

De se faire remarquer.

Alors que l’âne portait la farine et le bois,

L’alezan mettait en émoi,

De bas en haut des tribunes,

Quelques rondelettes fortunes.

On misait sur sa foulée

Dollars, florins et guinées ;

On osait d’invraisemblables paris,

Tant grande était sa renommée.

C’est ainsi, parmi les clameurs,

Que le petit cheval traversa la vie,

Qu’il connut les honneurs

et les prix prestigieux.

Rien ne lui sera refusé :

Ni le luxe, ni les trophées,

Ni les flirts délicieux

Sous les ombrages du grand pré.

 

Puis, l’âge venant,

On relégua l’alezan

Au bout du champ.

Plus de faste, plus d’argent,

Vieux cheval, il est temps

Que tu rentres dans le rang !

Finies les pompes de jadis

Et la vanité de paraître.

Voilà qu’hélas se profile

L’heure de la retraite !

 

Le lendemain, sous bonne escorte,

On le mena à l’abattoir.

Il y connut le même sort

Que ses frères du terroir.

Heureusement un palefrenier,

Se souvenant de son passé,

Avec égard l’enterra

Au fond du pré.

L’âne, qui se trouvait là,

A petits pas s’avança.

Devant la terre retournée,

Il laissa couler une larme.

Grâce à cette larme, sachez

Qu’une tendre fleur poussa.

Elle illumine, de son éclat,

La tombe du petit cheval.

 

Quant à l’âne, il mourut de vieillesse,

Très, très âgé, dit-on au village.

Lui, tout en broutant confiait

Que, quelques chardons suffisaient…

A le combler.

 

 

Armelle BARGUILLET ( extraits de « La ronde des fabliaux )



13 réactions


  • colere48 colere48 13 décembre 2014 12:11

    Délicieusement suranné .... Merci  smiley


  • Vipère Vipère 13 décembre 2014 13:31


    Finir sous le couteau d’un boucher est une fin indigne et injuste, il eut mérité lui aussi une retraite au pré ! l’ingratitude des propriétaires n’est que trop courante ...




    • bakerstreet bakerstreet 13 décembre 2014 14:55

      On a fait bouffé des vaches aux vaches, 

      fait rentrer les chevaux dans les plats de lasagne. 

      Les pauvres cochons agonisent dans des camps d’extermination !

      Quant aux poulets, elle ne savent même pas tenir sur leurs pattes dans des stalles où elles ne peuvent même plus reconnaître le jour de la nuit.

      Orwell était trop optimiste dans la ferme des animaux

      Notre époque est furieusement troisième Reich, pour les animaux !

    • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 13 décembre 2014 20:02

      @ bakerstreet

      Pleinement d’accord. Nous avons bien peu d’égards envers ceux qui nous nourrissent.

  • juluch juluch 13 décembre 2014 14:47

    Une histoire bien écrite mais extrêmement triste !!  smiley


    Une bonne morale, merci pour ce partage Mme Armelle.

  • SamAgora95 SamAgora95 13 décembre 2014 14:59

    Très difficile de choisir entre ces deux styles de vie, cheval ou âne, vivre longtemps sans fantaisie, ou profiter à fond d’une vie courte faite de plaisir et de bien-être ?


    Etant donné que personne n’échappe à la mort et que le temps est relatif, j’aurais tendance à choisir la vie de cheval.


    • alinea alinea 13 décembre 2014 15:10

      Eh bien SamAgora, il faut vraiment que ce soit un conte pour nous faire croire qu’un cheval de course vit heureux, plein d’honneurs et de bien-être !!!


  • alinea alinea 13 décembre 2014 15:08

    Excellentissime Constant.
    À ceci près qu’un âne est certes moins docile qu’un cheval !!
    Du reste, une star remplie de prix n’ira jamais à l’abattoir !! de nombreux fans se battront pour l’avoir en retraite ; sachant que cette retraite se prend très jeune vu que le pauvre vieux, on lui a tiré sur la couenne à le faire vieillir plus vite que la musique.
    Ourasi est mort à plus de trente ans et fut visité de son vivant de retraité par des milliers, des milliers de pèlerins fidèles !!


  • bakerstreet bakerstreet 13 décembre 2014 16:15
    L’âne gagne t’il en expérience, et fait il le profit des année innombrables qu’il lui reste à vivre quand le cheval meurt ?
    Les ânes qui vivent vieux ont c’est vrai un sacré foutu caractère. 
    Est ce le bénéfice de l’age ?
    Regardez le perroquet, l’éléphant, le giscard d’estaing !
    Teigneux, disputant leur cacahuète et leur chardon et leur mandat, aux plus jeunes qui n’osent approcher !
    L’âne a une mémoire d’éléphant, et aussi ses défenses !

    Je ne me souviens plus ce que sont devenus Rossinante et l’âne de Sancho Panza ?
    J’aimerais bien qu’ils aient fini leur vie dans une petite maison, comme les musiciens de Brème ?
    Mais faut pas rêver !. 

    C’est dommage que Cervantès ne leur ait pas donné un peu la parole, rien que pour savoir ce qu’ils en pensaient, de cette histoire de moulin à vent. 
    C’aurait été une histoire à quatre, comme dans Jules et Jim. 
    Quant à celui de Stevenson, l’histoire bien sûr n’aurait pas été la même s’il avait loué un cheval. 
    Faire l’âne n’est pas donné à tout le monde !

  • Richard Schneider Richard Schneider 13 décembre 2014 19:59

    Belle fable, un peu désespérante, non ?


  • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2014 08:04

    Armelle Barguillet Hauteloire

    Je suis ravi de découvrir ici une autre auteur de fables
    Merci, je me sens moins seul
    Bravo pour celle-ci 

  • Le Poilu Le Poilu 14 décembre 2014 13:30

    Merci beaucoup pour ce partage Madame. Mes 2 piafs ont adoré tout comme leur papounet.
    Au plaisir de vous lire encore. smiley
    Bien amicalement.

    Le Poilu.


  • Passante Passante 15 décembre 2014 13:24

    dieu que ce cheval est obéissant.


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