samedi 7 février 2015 - par voxpopuli

L’apartheid des victimes et des boucs émissaires

En ce vendredi 6 février comme j''aime à le faire de temps en temps j'ai allumé France 2 pour regarder "Ce soir ou jamais", l'émission de débat d'actualité de Frédéric Taddeï, reconnue pour la diversité de ses intervenants et sa relative liberté de ton.

Le thème de l'émission : Y a-t-il un "apartheid" en France ?

Je prends l'émission en cours, je regarde les invités, ils me sont tous inconnus, tant mieux, ça changera de ceux qui vampirisent habituellement les plateaux télés. La question du moment porte sur la raison de l'emploi du mot "apartheid". Sur ce point pas trop de mystère, comparer la France de 2015 à l'Afrique du Sud des années 1980 ça choque, ça interpelle, ça fait parler, bref ça fait le buzz. De la politique de bas étage pour faire parler de soi et on peut dire que Valls a réussi son coup. Mais il n'empêche que derrière ce coup médiatique se cache une réalité sur laquelle les invités portent rapidement le débat, à savoir les inégalités.

Voilà un vrai sujet, celui des inégalités dans notre pays, le politologue Laurent Bouvet se lance et nous explique qu'aujourd'hui "les jeunes" de banlieue et les "petits blancs" du périurbain auraient beaucoup de choses en commun et que leurs difficultés seraient instrumentalisées par les élites pour les diviser à des fins électoralistes. Une analyse intéressante qui augurait une agréable soirée télé. Si on en était resté sur cette voie, jamais je ne serai venu écrire cet article sur Agoravox. Oui mais voilà, les choses ont dérapé.

Le point de départ a été l'arrivée de 2 nouveaux invités, Hervé le Bras historien et démographe et Esther Benbassa historienne et sénatrice EELV. Cette dernière, à peine installée prend la parole, ses premiers mots visent Laurent Bouvet à qui elle explique que ce qu'il dit est faux, "les jeunes" de banlieue souffrent plus que les "petits blancs" du périurbain. A ce moment je suis d'abord consterné par le propos puis très inquiet pour la suite, l'émission va-t-elle dériver vers ce qui m'insupporte le plus, le blabla victimaire et la recherche du bouc émissaire ?

Malheureusement mes craintes étaient fondées, voici que Son Thierry Ly, économiste, entre dans l'arène, il nous explique qu'il y a en France une ségrégation ethnique, sauf que lui ne fait pas de la politique comme Valls, il nous parle sérieusement de l'existence d'une ségrégation en France. Cela a pour effet d'énerver Lydia Guirous, depuis que j'avais allumé ma télé je me demandais qui était cette jolie brune silencieuse ( on ne se refait pas ), celle-ci est une responsable UMP qui lorsqu'elle entend "ségrégation" répond "communautarisme". Réaction en chaîne, voilà que Nacira Guénif-Souilamas, sociologue et anthropologue en rajoute une couche, c'est la faute de l'Etat qui par ses politiques : logement, éducation, aménagement du territoire etc, organiserait la ségrégation. La réplique ne se fait pas attendre et Lydia Guirous enfonce un peu plus le débat en mettant le niqab sur le tapis...

Tout à coup miracle, un brin de bon sens, Lydia Guirous rappelle qu'en France il y a ( en théorie ) une égalité de droits, pas une égalité de fait qui n'est qu'une utopie, n'en déplaise à ses contradicteurs qui la conspuent copieusement, c'est la réalité, article 1 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune."

Oui mais voilà le miracle est éphémère, Son Thierry Ly nous explique que le communautarisme c'est la faute de l'Etat, ce qui relance Lydia Guirous dans le débat avec une tirade de "moi je", je suis descendante d'immigré, j'ai grandi dans une ville pas facile, j'ai grandi en banlieue, j'ai réussi, blabla. Nacira Guénif-Souilamas réplique et on arrive finalement à ce que je redoutais, la situation des banlieues et des musulmans c'est la faute de la droite, du tac au tac non c'est la faute de la gauche !

Pour moi c'est trop, j'éteins ma télé, le sujet de base, celui des inégalités est intéressant, essentiel même dans un pays où le terme égalité figure dans la devise. Oui mais voilà au lieu de s'occuper du sujet, à savoir pourquoi il y a des inégalités et comment favoriser leur réduction, le débat a rapidement sombré. Le débat s'est focalisé sur la recherche du responsable l'Etat, la République, la droite, la gauche, le front national, les musulmans, la crise...

Une telle façon de voir les choses est inutile, fausse et dangereuse.

Inutile, en effet à quoi bon savoir qui est responsable des inégalités, hormis agiter un bouc émissaire sur lequel se défouler, ce qui compte c'est identifier les inégalités et trouver un moyen de combattre celles qui ne sont pas justifiées.

Fausse, car il faut bien le dire, ce débat a donné lieu à un paquet d'inepties, non la France de 2015 ce n'est pas l'apartheid comme en Afrique du Sud il y a encore 25 ans, non la France de 2015 ce n'est pas la ségrégation comme aux Etats-Unis jusqu'aux années 1960, non la France n'organise pas de discrimination ethnique. 

Dangereuse, oui en France il existe des inégalités, oui en France il existe comme partout ailleurs un problème de racisme, mais rechercher en permanence à désigner un responsable de cette situation conduit à la dérive victimaire, à déresponsabiliser les individus. Avec l'émergence des raisonnements du type, si je ne réussis pas à l'école, c'est la faute de l'Etat qui fait tout pour que j'échoue, si je n'ai pas de travail c'est la faute de l'Etat qui cautionne le racisme, si j'enfreins la loi c'est la faute de l'Etat qui ne m'a pas donné d'autres perspectives...

La recherche d'un responsable, d'un bouc émissaire ne fait donc qu'aggraver la situation, en favorisant les divisions au sein de la population, en confortant la position victimaire de celui qui n'est responsable de rien mais "victime du système" et en fabricant des assistés, les responsables ont mal fait leur travail, j'en suis victime et j'attends qu'il me donne réparation.

Il serait temps que nos responsables politiques cessent de se quereller sur les responsables des problèmes de notre société pour s'atteler à leur résolution. Il serait temps aussi que les victimes d'inégalités ( qui ne l'ont pas encore fait ) cessent d'attendre que l'Etat apporte une solution à leurs problèmes et cherchent à les régler eux mêmes.  



5 réactions


  • Rincevent Rincevent 7 février 2015 16:24

    Ce soir ou jamais reste, pour moi, la seule émission de débat regardable parce que invitant d’autres personnes que les spécialistes de la spécialité habituels et leurs discours ronronnants et stériles. Taddei, même si on lui a récemment rogné les ailes, a bien du mérite ne serait-ce que pour ça.

    j’ai grandi dans une ville pas facile, j’ai grandi en banlieue, j’ai réussi, blabla. J’en connais une comme ça, j’ai bien connu son quartier, la 2 ème plus grande barre HLM d’Europe, la 1ère de France, rejetée à l’extérieur de la ville, sur une colline. A l’époque, quand on intervenait on trouvait, de temps à autre, un pendu dans les séchoirs à linge du dernier étage… Ca s’appelle le Haut du Lièvre, c’est à Nancy et ça a donné… Nadine Morano, cherchez l’erreur !

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Haut-du-Li%C3%A8vre


  • popov 8 février 2015 02:08

    Oui il y a une sorte d’apartheid qui s’installe en France. La oumma est hantée par cette idée loufoque qu’elle représente le meilleurs peuple de la terre et que sa mission est d’éliminer le mal en soumettant tout le monde à l’abominable idole du désert.

    On en arrive à des « carrés musulmans » dans les cimetières où peuvent être admises sans problème les pires racailles islamiques, mais où il serait impensable d’enterrer un Français non moustouf parce que selon l’idéologie suprémaciste de l’islam, un mécréant rendrait la terre du cimetière impure.

    Un Français non moustouf rendrait par son unique présence le sol de France impur.


  • velosolex velosolex 8 février 2015 12:42

    Vous avez raison autant que faire se peu, une expression qui ne veut pas dire grand chose et qui est à l’échelle de ce genre de débat faussé.


    Je rejette comme vous la conscience victimaire, qui donne toujours des raisons de ne rien faire, dés qu’on se reconnait comme stigmatisé. Et même d’attendre des compensations.

     La pire des attitudes étant de passer à l’acte, en rapport avec la paranoïa concomitante, se développant alors : Puisque je suis victime, j’ai le droit, et même le devoir de me faire justice, donc je serais le héros de ma communauté, qui se sacrifie : Et voilà comment on devient Coulibaly, au nom de la lutte de l’apartheid...

    Les gens qui lancent se genre de mot incendiaire devraient un peu plus réfléchir à ces effets d’entrainement...Il suffit de pousser un peu la cale d’un navire en chantier, sur son rail, pour que celui ci glisse vers l’eau, comme dans les temps modernes de charlie chaplin....

    A l’époque de Chaplin, on serrait les dents, et on riait quand les autres prenaient des coups de pieds au cul. Le sentiment d’être victime n’était pas tout à fait le même que maintenant. 

    On parle maintenant de « sentiment des choses ».
    Non de l’insécurité par exemple, mais du sentiment d’insécurité....

    Cette notion est assez dangereuse, car elle fait passer de l’objectivité à la subjectivité la plus complète....Elle est très fâcheuse, car elle rend aussi impossible tout discours et toute critique.
     Sous des brouettes de bons sentiments, impossible de dégager un axe sur lequel on puisse intelligemment travailler, puisque tout se vaut...

    Les bourgeois peuvent ainsi rigoler dans leur coin, car tant qu’on se battra pour des histoires de sémantique, ils seront épargnés par le vrai scandale : L’accroissement prodigieux des inégalités. Le 1% équivalent aux 99 autres.....
    Ces 1% avec leurs alliés objectifs, maîtres de la pensée et des médias, ont intérêt à inventer de faux débats, pourvoyeurs de tumultes, et de clivages.
     Le clivage étant le but non dit à ces débats. 
    C’est lui qu’on développe un peu partout, surtout au travail, entre jeunes et vieux, inventant mille statuts différents. 

    Ce n’est pas « un apatheid », mais « milles barrages invisibles », qui nous bouchent la vue, et nous font perdre la notion des points cardinaux, tournant autour des notions de droits les plus élémentaires, et de partage.

  • Tzecoatl Gandalf 8 février 2015 17:07

    La France est un apartheid de 200 000 lois, appliqués, et 100 000 inapliqués sans applicateur ?


  •  C BARRATIER C BARRATIER 8 février 2015 18:03

    Inégalités...reproches de la droite à Hollande.

    Que veut l’extrême droite qui a le vent en poupe ? 
    Plus, beaucoup plus d’inégalité.
    paradoxal non ?
    En table des news :

    République : ses ennemis réactionnaires contre l’égalité

     

    http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=271



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