mardi 16 juillet 2013 - par Jean Keim

L’argent et le monde

Le glyphe maya XOC signifierait à la fois compter et requin, c'est une coïncidence.

 

Paroles d’un professionnel de la finance :
 « Avant 2007 le marché était stable, entre 2007 et 2010 le système menaçait à chaque instant de s’écrouler et depuis c’est devenu son état habituel, on est heureux que jour après jour il tienne le coup permettant de continuer à faire des affaires et d’assurer la pérennité des contrats ».
On pourrait légèrement modifier la citation ainsi :
« Nous savons pertinemment que nous nous sommes consciemment engagés dans un terrain miné et pourtant parfaitement signalé et qu’à chaque pas nous risquons de sauter, nous espérons pouvoir faire encore un pas de plus et ramasser un pactole jusqu’à l’inéluctable ». 
LE MONDE EST EN PLEINE DÉMENCE mais cela n’est pas nouveau et durera tant qu’il y aura du profit à engranger.

Est-il possible et souhaitable de supprimer complètement l’argent ? 

Cette question a-t-elle un sens ? Se la poser est la première difficulté tant l'argent est omniprésent, comment imaginer notre vie sans lui, comment serait le monde sans une organisation pécuniaire ?
Le monde est sourd aux messages d'alerte mais il est facile de constater l'omnipotence de l'argent, cette invention humaine et son pouvoir omnicrétisant comme l'écrit Pierre Rabhi dans son livre '' Vers la sobriété radieuse'' à propos du lucre ; si nous lisons simplement dans un journal les problèmes évoqués dans les articles, l’argent est régulièrement impliqué plus ou moins directement ainsi, le déficit de la SS, les retraites, le chômage, les bas revenus, le coût de la vie, l’énergie, la guerre, le sport, l'esclavage etc.. Avoir de l’argent permet presque tout, en manquer est généralement ressenti comme une galère.
Il y a bien le troc ! Mais s’il est envisageable entre individus – je donne un coup de main pour une récolte de pommes de terre et j’en reçois une partie en dédommagement - au niveau d’une société il serait un obstacle – échanger une maison contre des pommes de terre est irréaliste -. Il est à noter qu’une idée forte sous entendue revient comme un leitmotiv, celle de posséder quelque chose et plus encore le désir de posséder, on peut s’interroger sur le bien fondé de cette habitude viscérale mais peut-on réellement posséder, ne serait-ce pas les choses qui nous possèdent et nous asservissent ?
Dans une famille ‘’harmonieuse’’, les rapports entre ses membres ne sont basés ni sur l’argent ni sur le profit mais les besoins essentiels de chacun sont assurés et le partage est la règle dans le cadre d’une gestion sage et prévoyante.

 

Définition de profit : Avantage que l’on retire de quelque chose. Profit matériel, intellectuel, moral. Gain, bénéfice, différence entre les dépenses et les recettes.

La cellule familiale restrictive et exclusive est, elle aussi, une invention humaine, notre vraie famille est l’humanité, toute l’humanité, dans une sphère infinie, celle de la vie et dans un espace limité, la planète.
Ce qui doit prévaloir corollairement dans nos rapports entre nous, dans le respect de l’environnement et de nos différences, sont également le partage, l’entraide, la solidarité.
Il semble objectivement que supprimer totalement l’argent ne soit pas la solution cela compliquerait trop l’organisation du monde, une piste à expérimenter – l’idée n’est pas nouvelle - serait un revenu optimum garanti attribué dès la naissance, à vie et à chacun ; dans une organisation nouvelle de la société il remplacerait toutes les aides et pensions existant actuellement comme le RSA, le chômage, la retraite - les impôts deviennent inutiles, il ne serait plus nécessaire de cotiser, de thésauriser, de s’assurer, la sécurité de chacun reposant sur la gratuité, sur le fait que les besoins vitaux sont assurés et sur l’assurance qu’en cas de pépin, la solidarité et l’entraide généralisée seront la règle ; les tire au flanc et les parasites disparaîtront naturellement, sans mesures coercitives car comment résisteront-ils à la dynamique ambiante en restant désœuvrés ; disparaîtront également le travail inutile, le gadget, le gaspillage, la guerre, la drogue, la prostitution, l’esclavage etc. , toutes activités funestes reposant sur l’exploitation et le profit, finalement à terme c’est le profit qui disparaîtra.
La sécurité matérielle existant pour tous, la sécurité psychologique qui en découlera devrait métamorphoser l'état mental du genre humain, les labos pharmaceutiques devront se recycler dans les tisanes. 
L’argent devenant un outil – il est actuellement complètement dématérialisé comme expliqué plus loin - ne sera plus un but en soi et les erreurs passées du partage doctrinal avec ses apparatchiks ne devront pas se reproduire.
Le travail bien évidemment devrait persister, aidé par la technologie maîtrisée et raisonnée, il pourrait devenir un service social que chacun librement fournira suivant ses goûts, ses compétences réelles, ses capacités et les besoins essentiels. En produisant ce qui est nécessaire, quelques heures de travail par semaine suffiront sur une période de quelques années ; ensuite ce service effectué, chacun volontairement continuera son chemin de vie en se consacrant à ce que lui dicte son inclination, la plupart des maux de l’humanité liés à nos modes actuels de vie seront rapidement éradiqués et les activités lucratives qui en découlent et les exploitent deviendront obsolètes. 
Dans une introspection sincère, il est fondamental de prendre conscience que l’immense majorité des actions et des décisions prises dans le monde tant sur notre plan individuel que collectif, sont régies par le désir et son prolongement le profit escompté, que celui-ci soit psychologique ou matériel ne change rien à l’affaire, les résultats sont calamiteux.
 
Après chaque déconvenue, nous remettons notre espoir dans les décisions attendues des instances, dans un nouveau vote, dans une nouvelle idéologie et tutti quanti mais c’est quasiment toujours le désir du profit des deux côtés de la barrière qui l’emporte sur toutes autres considérations. Toutes les incitations pour adopter des mesures écologiques n’ont de succès que si elles permettent de faire des économies sinon des bénéfices, l’engagement humanitaire, une démarche spirituelle, la politique ou le syndicalisme sont gratifiants pour l’esprit, ils peuvent l'être également pour le porte monnaie et remplissent le vide de notre existence, sans avoir modifié durablement la situation en profondeur, l'avidité, le lucre, les privilèges reprennent toujours le dessus, les vrais problèmes ne sont pas réglés.
Le partage des richesses est un leurre et une insanité si on ne prend pas conscience des mécanismes destructeurs qui animent notre société et la mise en place d’un changement radical butera contre une multitude d’obstacles qui sont essentiellement le fait de l’égoïsme, nos multiples conditionnements comme l’habitude de penser dans un cadre consensuel et la peur du changement.
Ainsi une question peut se poser, où trouver l’argent pour financer ne serait-ce que le revenu optimum ?
Dans cette question il y a encore l’ancienne habitude de penser qui est celle de l’archaïque organisation actuelle qui n'a d'organisation que le nom et où règne le chacun pour soi enjolivé de beaux atours, – j’adore la citation d’Albert Einstein « On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensées qui les ont engendrés » - et il y a une grossièreté. La grossièreté est ‘’ financer ’’, dans un monde solidaire on ne finance pas, on utilise des compétences humaines et des moyens naturels ou matériels disponibles cogérés.
Le système bancaire actuel finance – là le mot convient - les activités en accordant des prêts alimentés non pas avec l’argent déposé sur nos comptes comme on veut nous le faire croire même s’il y participe pour moins de 5% mais par de l’argent numérique créé par de simples informations saisies sur un clavier d’ordinateur ; un emprunteur institutionnel ou un individu sera crédité d’une somme sur son compte par le simple frémissement d’un flux électronique, somme virtuelle qu’il devra rembourser avec des intérêts (par son travail, par une création de richesse) sous peine de voir ses biens saisis. Le système qui s’apparente à la fabrication légalisée de fausses monnaies est simplissime et diabolique : la somme remboursée avec les intérêts qui est de la valeur tangible (travail / richesse) annule la somme bidon prêtée et enrichit l’oligarchie bancaire ; seulement le système peut se gripper si le volume des demandes de prêts diminue voire même s’effondrer notamment si tous les clients des banques demandent à récupérer leurs avoirs en espèces ce qui impossible car ils n’existent que dans les mémoires informatiques. Ce système surtout peut disparaître si on le refuse.
Je suppute qu’en fait pratiquement il n’y ai (ou à terme il n'y aura) qu'une seule banque dans le monde – en y réfléchissant bien c’est logique pour que le système soit viable et s’équilibre - et les différentes enseignes des vitrines ne sont là que pour mieux noyer le poisson, de la poudre aux yeux qui nous empêche d’entrevoir la réalité et de prendre conscience de la monstrueuse manipulation maffieuse qui se cache derrière la respectabilité des beaux costumes des banquiers (c'est-à-dire les vrais propriétaires des banques et non pas leurs salariés). Si le corps visible de cette organisation n’est qu’une apparence, la tête elle est inaccessible. Tout ce beau monde à l'ego surdimensionné se prenant pour le centre de l’univers, aura disparu des archives de l’histoire que la terre continuera de tourner mais en attendant il n'engendre que des souffrances.
La finance œuvre à se mettre au-dessus des lois et des états, son dieu oblitère son humanité, la raison de l'argent justifie toutes les injustices en lieu et place de la raison du cœur et il semble que sa suppression soit une cause vaine, une énième croisade perdue d'avance ; si l'action qui ne sera qu'une réaction est basée sur le rapport de force alors effectivement l'échec est assuré tant l'adversaire est puissant, ses serviteurs sont accrochés à leur idole comme un mâtin à son os. Il faut le rendre inopérant sans violence, en l'ignorant, en le rejetant comme on rejette un objet devenu inutile, si on ne le fait pas, il nous détruira tous y compris ses dévots.
Le monde fonctionne donc concrètement avec de la monnaie symbolique qui ne représente rien de plus que la valeur qu’on lui accorde (cela vaut également pour toutes les dettes y compris les dettes souveraines), de là à s’en passer il n’y a qu’un pas qu’il nous appartient de franchir et de créer une nouvelle économie (dans le vrai sens du terme) avec une nouvelle unité monétaire représentative uniquement d’un BIEN COMMUN TANGIBLE COGÉRÉ ET PARTAGÉ sans possibilité d'amasser et de spéculer.

Il est admis comme un diktat divin (les puissants et les religions se sont bien entendus là-dessus) que suivant la fortune, la naissance, les relations, le talent, la profession, la position sociale arbitraire, la chance, on doit avoir une vie qui sera quelque part entre l'oisiveté du rentier et la vie de dur labeur de l'esclave. Mais que serait le richissime financier sans tous ses merveilleux outils fabriqués souvent avec compétences et consciences professionnelles par des anonymes ignorés et parfois méprisés, toujours exploités ? Que je sois par exemple Jardinier, Savant, Maçon ou Artiste, cela est-il suffisant pour m'évaluer et me classer dans une hiérarchie sociale ?
 Nous pourrions aller tous ensemble au spectacle de la vie en cheminant dans les allées de magnifiques jardins et abrités sous un majestueux odéon, nous écouterions l’érudit partageant son amour de la science et le créateur nous offrant des œuvres intemporelles.

Sommes-nous suffisamment humains ou le deviendrons-nous pour échanger nos pauvres avoirs individuels contre le bien être de tous ou voulons-nous conserver un monde infesté, inféodé à l’argent ? Sommes-nous prêts à le faire sans rien attendre en retour, sans d’autre intention que d'être dans l'action juste ?
La maison brûle, une civilisation planétaire uniformisée exploitant encore et toujours son environnement pour le profit est condamné à terme par l'épuisement de ses ressources. Elle passera du stade de vie à la survie et contemplera des bas-fonds de sa déchéance les hautes tours des palais magnifiques où se sera réfugiée l’élite du monde, vivant dans un paradis artificiel et attendant sclérosée sa mort inévitable.
Je ne désire choquer personne mais ce n'est pas avec la capacité d'un bec de colibri que l'on peut éteindre l'incendie, d'ailleurs la fable ne le prétend pas, nous ne sommes pas des petits ruisseaux et le monde n’est pas une grande rivière.
Nous avons tous le travers de vouloir soigner le mal en mettant des pansements sur les bobos, en traitant les symptômes, sans traiter la cause. L'écologie, l'associatif, l'humanitaire, etc. font peut-être une œuvre utile mais penser que les efforts se combinant, le monde finira bien par changer est puéril, dérisoire car les causes profondes seront traitées plus tard, plus tard n’existe pas et c’est le statu quo qui prévaut.
Nous devons reconnaître que nous ne savons pas quoi faire et rejeter ce qui ne va pas serait un bon point de départ.

La science, la technique et la technologie ne sont pas une fin en soi, il est illusoire d’espérer une solution de la part du scientifique ou de l’ingénieur, de croire en la venue d’un sauveur ou en l’émergence d’un gourou, ceci écrit comment évoluerait une humanité solidaire ayant la possibilité de s’affranchir de ses vieux démons et disposant d’un environnement sociétal ouvert, adaptable, permettant l’épanouissement personnel ? Nous pouvons l’imaginer, nous pourrions le réaliser avec l’aide de tous y compris celle des professionnels de l’argent dont les connaissances techniques seront utiles pour concrétiser un projet, en assurer la passation et faciliter le passage de l’ancien vers le nouveau monde. L'humanité a montré plusieurs fois une capacité d'entraide spontanée dans des situations de catastrophes, alors notre mutation est possible sans attendre le chaos. Une nouvelle économie ne peut-être que le premier pas d'une série de changements profonds qui se mettront naturellement en place dans une synergie évolutive radieuse sans hiérarque ni dogme mais il serait vain d'espérer une mutation profonde si elle ne se produit pas également dans les consciences.



4 réactions


  • philippe913 16 juillet 2013 10:24

    tout le monde rêve d’un monde comme celui-là, mais il n’est que ça, un rêve, une utopie.


  • diogene 17 juillet 2013 10:53

    Cependant, toute réalisation humaine ne débute t’elle pas par un rêve ?
    Bien des réels ne sont-ils pas des utopies réalisées ?


  • Jean Keim Jean Keim 18 juillet 2013 15:05

    Si tout le monde désirait vraiment un monde sans argent , il existerait, ce qui est incoyable est l’importance que l’argent a prise dans la société et dans chacune de nos têtes (c’est le même mouvement) et ce qui est utopique est de croire qu’avec quelques mesures de changement, le monde continuera cahin-caha.


  • Jean Keim Jean Keim 19 juillet 2013 14:10

    Par le biais des mécanismes socio-économiques, l’argent conditionne notre vie. On peut désirer un peu d’argent pour survivre, un peu plus d’argent pour améliorer son ordinaire, plus d’argent pour des tas de bonnes raisons comme le plaisir de posséder. Un monde sans argent serait-il la panacée ? Bien évidemment que non mais aérerait nos esprits et permettrait d’autres perspectives.
    Que faut-il pour construire une école ? De l’argent ? Pas du tout ! il faut une volonté, un savoir faire, des bras, éventuellement de l’énergie, des matériaux pris localement dans l’environnement. Les bras seront ceux de personnes disponibles qui de toute façon ont reçu de l’aide dans le cadre d’une autre action, l’énergie est produite par le travail de tous c’est-à-dire la communauté, les matériaux sont fournis gratuitement par notre mère nature, en être propriétaire est un non-sens, un dol, une vue de l’esprit ; et parmi ceux qui travaillent sur le chantier, il y a sûrement des parents qui enverront leurs enfants dans l’école. En organisant ainsi la société il est possible d’éradiquer ‘’ le fric ‘’.


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