mardi 25 avril 2006 - par Michel Monette

L’arme de Paul Wolfowitz : la persuasion tranquille

Le président de la Banque mondiale donne dans l’optimisme jovial.

Paul Wolfowitz passait pour un faucon au sein de l’administration Bush. Dans une entrevue accordée à Radio France International, à la veille des assemblées de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, le président de la Banque mondiale offre, un an plus tard, un contraste frappant avec son flamboyant prédécesseur, disant préférer le travail ennuyeux « avec les pays pour obtenir un meilleur système comptable, de meilleurs tribunaux, de meilleures institutions... » Le faucon est-il devenu mère poule ?

Wolfowitz est convaincu de l’efficacité de la Banque mondiale. Il accorde même une très bonne note à l’institution qu’il dirige.

...une des choses que j’ai apprises [...] c’est combien il est précieux d’avoir des institutions internationales comme la Banque mondiale qui peuvent avec succès rassembler l’argent et les ressources de multiples donateurs et les distribuer efficacement à de nombreux bénéficiaires. Et ceci, d’une façon efficace, surtout pour les populations les plus pauvres du monde.

RFI. Interview exclusive de Paul Wolfowitz. 21 avril 2006.

Hum hum.

Un rapport conjoint de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international fait preuve du même optimisme indécrottable, dans la langue de bois qui les caractérise : « Une forte croissance économique, prenant appui sur de meilleures politiques dans les pays en développement et sur un volume d’aide accru, commence à produire des résultats dans certaines parties du monde  ».

Non mais, vous, les miséreux du monde, faudrait tout de même pas trop en demander. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international veulent bien faire un effort pour que la moitié d’entre vous gagnent au moins 1$ et un sou par jour en 2015, mais de là à s’en prendre aux responsables de votre misère...

Le rapport reconnaît que d’énormes difficultés persistent dans trop de pays lorsque vient le temps de démarrer une entreprise. Absolument d’accord pour que la capacité des entrepreneurs à créer de la richesse soit facilitée, mais il faut à tout prix qu’en parallèle ces mêmes pays aient la capacité de construire des systèmes de , d’ et de soutien aux plus démunis qui vont vraiment permettre d’améliorer la qualité de vie.

Se réjouir que des très soient un peu moins très pauvres, quelle belle entourloupette pour pouvoir s’auto-encenser alors que des millions d’êtres humains sont toujours les laissés-pour-compte d’un système d’ à l’efficacité douteuse, doublé d’une incapacité des États sous tutelle économique internationale à mettre sur pied une fiscalité digne de ce nom.

Il sort plus d’argent par l’évasion fiscale et la fraude qu’il n’en rentre par l’aide au développement.

Trop souvent, il y a confusion entre modernisation des États les plus pauvres, notamment par l’allègement des règles qui sont autant de dérives prévaricatrices dont profite une minorité, et réduction de la capacité d’intervention de ces mêmes États qui ne peuvent pas assurer une nécessaire redistribution de la richesse.

Sans compter le rôle moteur que n’arrivent pas à jouer ces États dans la réalisation d’infrastructures de base pourtant essentielles (établissements de santé et d’enseignements, réseaux de distribution d’eau potable, d’électricité, réseaux de transport, etc.), infrastructures sans lesquelles aucun économique, social et culturel n’est possible.

Dans leur rapport conjoint, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international n’ont que de bons mots envers les pays donateurs. Avec des dirigeants aussi mous, ce n’est pas étonnant.



20 réactions


  • parkway (---.---.18.161) 25 avril 2006 15:37

    OUAHOUU !!!

    Vive la mondialisation !

    Vive le traité GISCARD ! vive l’ump ! vive le PS !


  • who_cares (---.---.54.75) 25 avril 2006 17:03

    Encore des flux financiers opaques... je n’ose même pas penser aux détournements de fonds qu’il peut y avoir derrière cet « enthousiasme » affiché par ce banquier...

    Ceci dit, il faut bien qu’il y ait des systèmes d’aide aux pauvres... mais cela les aident-ils vraiment ? ou cela bénéficie-t-il plutôt aux milices qui les assujetissent ? ...


  • Laurent T (---.---.39.184) 25 avril 2006 19:49

    Cela m’étonne vraiment qu’un ultrasioniste guerrier de la trempe de Wolfovitch(wolf comme son nom l’indique)puisse penser un seul instant ,et sincèrement aux pauvres,de la meme manière qu’un Bolton puisse penser à une paix juste au proche orient(le dernier veto américain en faveur d’Israel)


  • Plus Robert que Redford (---.---.96.245) 25 avril 2006 19:58

    J’ai lu l’interview

    Un bel exercice de xyloglossie, en effet !

    Mais à qui s’adresse-t-il réellement ?


  • Michel Monette 26 avril 2006 00:13

    Il semblerait que Wolfowitz ne sort pas voir « ses » pauvres dans les pays que la Banque mondiale « aide » si généreusement sans être suivi par un caméraman filmant ses moindres gestes. La fausse modestie qui transparait dans l’entrevue de RFI est plus hypocrite encore qu’elle n’y parait.


  • Scipion (---.---.16.129) 26 avril 2006 07:11

    "Il sort plus d’argent par l’évasion fiscale et la fraude qu’il n’en rentre par l’aide au développement.

    "Trop souvent, il y a confusion entre modernisation des États les plus pauvres, notamment par l’allègement des règles qui sont autant de dérives prévaricatrices dont profite une minorité, et réduction de la capacité d’intervention de ces mêmes États qui ne peuvent pas assurer une nécessaire redistribution de la richesse.

    Sans compter le rôle moteur que n’arrivent pas à jouer ces États dans la réalisation d’infrastructures de base pourtant essentielles..."

    Et alors, qu’est-ce qu’il faut faire ?

    Les recoloniser ?

    Ils ont voulu l’indépendance. Ils l’ont eue. Qu’ils se démerdent !

    On ne va pas, en plus, leur témoigner de la reconnaissance pour le fier service qu’ils ont rendu aux pays colonisateurs. Les gens ne se rendent pas compte de ce que coûteraient les épidémies de sida à la France, à la Grande-Bretagne, au Portugal et à la Belgique - c’est-à-dire en bout de course, aux contribuables -, si ces pays étaient encore impliqués dans le merdier africain !

    P.S. - Il est bien clair que ceux à qui mes idées en la matière ne plaisent pas, restent parfaitement libre de participer, et même avec prodigalité, aux collectes qui sont organisées ici et là...


    • vinc’ (---.---.101.98) 26 avril 2006 10:29

      Bien sur qu’il y a des choses à faire pour améliorer le systeme francais www.amipublic.com/rapportdette.pdf, ça demande un petit effort de lecture mais ça illustre bien la pauvreté du débat politique face aux vrais enjeux du pays.

      Cela dit, on a pillé et on pille ces pays de leur richesses (matieres premieres et aussi humaines...) Dire qu’ils ont décidé leur indépendance alors laissons dans la merde avec aucune chance de s’en sortir, ça me parait pas tres importun . L’économie mondialisé, est une autre forme d’exploitation de ces pays que la colonisation, elle n’en est pas moins pernicieuse.

      Pour PW, au risque de choquer, c’est un peu comme si on nommait Rommel à la tete de la croix rouge. Ces discours ne valent pas grandchose, seuls ses actes parlent:il se dit en train d’aider le tchad, cf pétrole dans la région, il est vraiment sympa ce PW.

      J’aime assez le terme de xyloglossie


  • Sciop (---.---.16.129) 26 avril 2006 10:47

    C’est quoi, ces histoires de pillage des matières premières ?

    Le pétrole, on le paie pas ?

    Le phosphate, on le paie pas ?

    L’uranium, on le paie pas ?

    Les arachides, on les paie pas ?

    Les noix de coco, on les paie pas ?

    Les diamants, on les paie pas ?

    Et l’or non plus ?

    Les milliards de pétrodollars qui se volatilisent au Nigéria, ils sortent pas de nos caisses et de nos poches, peut-être ?

    Je vous écoute. Mais alors avec des exemples bien concrets : matières, pays, dates, montants des pillages, modalités pratiques... Parce que concrètement parlant, ça doit pas être de la tarte, de sortir quatre mille tonnes de cobalt volé, d’un pays comme la Zambie... Ou douze mille tonnes d’étain volé, d’un pays comme la Bolivie ! Et encore moins un million de tonnes de manganèse volé, d’un pays comme le Gabon.


  • Scipion (---.---.16.129) 26 avril 2006 10:48

    C’est quoi, ces histoires de pillage des matières premières ?

    Le pétrole, on le paie pas ?

    Le phosphate, on le paie pas ?

    L’uranium, on le paie pas ?

    Les arachides, on les paie pas ?

    Les noix de coco, on les paie pas ?

    Les diamants, on les paie pas ?

    Et l’or non plus ?

    Les milliards de pétrodollars qui se volatilisent au Nigéria, ils sortent pas de nos caisses et de nos poches, peut-être ?

    Je vous écoute. Mais alors avec des exemples bien concrets : matières, pays, dates, montants des pillages, modalités pratiques... Parce que concrètement parlant, ça doit pas être de la tarte, de sortir quatre mille tonnes de cobalt volé, d’un pays comme la Zambie... Ou douze mille tonnes d’étain volé, d’un pays comme la Bolivie ! Et encore moins un million de tonnes de manganèse volé, d’un pays comme le Gabon.


    • (---.---.123.107) 26 avril 2006 10:52

      Oui bonne remarque j’aimerais bien savoir comment les américains volent le pétrole des iraniens ? Ils le volent juste sous leur barbe (elle est bonne celle là !) ?


    • Renaud D. (---.---.76.114) 26 avril 2006 18:21

      Vinc’ parlait de pillage, pas de vol.

      Le pillage, c’est lorsque l’on s’empare de ressources au détriment des populations locales, comme ici .

      En quoi les populations de Guyane bénéficieront-elles d’un transfert de devises entre deux banques occidentales en paiement d’un achat de l’or extrait dans leur forêt ? La poignée de dollars que recevront les mineurs en échange de leur travail leur permettra tout juste de survivre dans une forêt dévastée. C’est cela, le pillage.

      Vous voulez des faits irréfutables et des chiffres indiscutables sur les inconséquences des institutions internationales ? Lisez La Grande Désillusion de Joseph E. Stiglitz.

      Prix Nobel d’économie, ancien directeur de la Banque Mondiale, Stiglitz sait de quoi il parle.


    • (---.---.123.107) 26 avril 2006 18:37

      Mais c’est grâce à cet or que tu peux taper sur ton ordinateur aujourd’hui alors tu participes au pillage ! Pilleur : rend l’or de ton ordi aux guyanais ! Car dans les puces électronqiues il y a un peu d’or ! Voleur rend -le tu n’as pas acheté ton ordi tu l’as pillé dans les pays pauvres !

      Et bande de voleurs réfugiés dans les camps en afrique ou ailleurs rendez le blé que vous avez pillé (sans l’acheter en plus !!!!) aux etats unis !!!! Vous avez pillé la nourriture de US AID !


    • Scipion (---.---.61.1) 26 avril 2006 19:42

      « ... rend l’or de ton ordi aux guyanais ! »

      Pour quoi faire ? Des anneaux à se passer dans le nez ?


    • (---.---.67.21) 1er mai 2006 14:06

      les anneaux dans le nez ? c’est interdit ?


  • Michel Monette 26 avril 2006 13:17

    « Ils ont voulu l’indépendance. Ils l’ont eue. Qu’ils se démerdent ! » Voilà bien là une mentalité de colonisateur.

    Ce que je crois, c’est que la Banque mondiale ne rend pas service aux pays qu’elle prétend aider en les mettant sous tutelle. En plus, elle est devenue une grosse machine administrative qui se mêle de questions relevant des autres agences de l’ONU. Visiblement, ce n’est pas Wolfowitz qui va corriger la situation.

    De façon générale, l’aide internationale rapporte plus aux pays donateurs qu’aux pays qui la reçoivent. Elle est devenue telle un immense paquebot qui n’arrive pas à changer de cap alors qu’il s’en va vers la catastrophe. Peut-être faudrait-il abandonner le navire et implanter plutôt un système mondial de péréquation qui laisse aux pays la recevant l’entière responsabilité de leurs administrations publiques ? Certains vont s’objecter en brandissant le spectre de la fraude ? La communauté internationale peut exiger comme règle minimale que les administrations des pays recevant cette péréquation fasse une reddition de compte devant leurs assemblées de députés. Pas de démocratie véritable, pas de sous.

    Mais il est vrai que trop de monde profitent du système d’aide actuel pour le simplifier à ce point.

    Je reviens un instant au point de départ de ce commentaire pour poser la question suivante : les Français auraient-ils encore, en 2006, une mentalité de colonisateurs. Ma question peut sembler provocatrice, mais elle vaut sincèrement la peine d’être posée.


  • Scipion (---.---.102.203) 27 avril 2006 08:10

    « Voilà bien là une mentalité de colonisateur. »

    Et c’est mal ?

    « De façon générale, l’aide internationale rapporte plus aux pays donateurs qu’aux pays qui la reçoivent. Elle est devenue telle un immense paquebot qui n’arrive pas à changer de cap alors qu’il s’en va vers la catastrophe. »

    C’est quoi, la catastriophe ? Et pour qui ?

    « Pas de démocratie véritable, pas de sous. »

    C’est quoi, la démocratie véritable, dans des pays où les citoyens qui votent « bien » ont pris l’habitude de recevoir une chemise blanche et une bouteille de pinard pour « bien » voter, justement ?

    « ...les Français auraient-ils encore, en 2006, une mentalité de colonisateurs. Ma question peut sembler provocatrice, mais elle vaut sincèrement la peine d’être posée. »

    Provocatrice ? Tout dépend de ce que vous mettez dans la formule « mentalité de colonisateurs »... Si c’est le fait que « les forts commandent et les faibles se plient », ça, c’est la loi de la nature, indépendamment de toute colonisation.

    Et il va de la loi de la nature comme du naturel : chassez-la, elle revient au galop. Le reste, c’est de la théorie à base de voeux pieux.


    • Michel Monette 27 avril 2006 13:29

      La catastrophe, c’est de dépenser des milliards en vain et d’entretenir ainsi l’idée que certains peuples sont faits pour la pauvreté et la misère. Un peu comme certains groupes d’immigrants sont étiquetés dès leur arrivée. Pour ce qui est de votre vision des rapports entre les individus et les peuples, je n’arriverai visiblement pas à la changer. Je n’en suis pas moins persuadé qu’elle fait beaucoup plus de mal que de bien.


  • Scipion (---.---.61.48) 28 avril 2006 07:26

    « ...entretenir ainsi l’idée que certains peuples sont faits pour la pauvreté et la misère. »

    Et bien, moi, je pense que s’ils n’étaient pas fait pour, ils ne seraient tout simplement pas dedans... Comme dit Nietzsche, on devient ce qu’on est... Non ?


    • Michel Monette 29 avril 2006 00:24

      Ce n’est pas aussi simple que cela et je ne vous ferai pas l’injure de vous servir le prétexte de la colonisation. D’une part, en effet, ce n’est pas en voulant à leur place qu’on aide les pays les plus pauvres de la planète. Ils ont leur part de responsabilité qu’ils doivent assumer. D’autre part, il y a les conventions internationales auxquelles adhèrent autant votre pays que le mien, qui comportent des obligations . On ne peut pas s’y soustraire en citant Nietzsche.

      À force de lire sur le sujet, je suis de plus en plus convaincu que nous avons créé un monstre en confiant l’aide internationale à l’ONU. Il faut alléger tout cela et créer un mécanisme international de péréquation. Prenons, par exemple, le paludisme (malaria). Les pays touchés par ce fléau naturel ne réussiront jamais à améliorer le sort économique de leurs populations tant qu’il va persister. De même, une faible scolarisation rend impossible toute amélioration durable. Des infrastructures déficientes sont aussi un puissant frein au développement.


  • Scipion (---.---.107.253) 29 avril 2006 10:12

    « Ils ont leur part de responsabilité qu’ils doivent assumer. »

    En tout cas, s’ils commençaient par là, ça chamboulerait complètement la donne... Ils devraient essayer...


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