L’arme de Paul Wolfowitz : la persuasion tranquille
Le président de la Banque mondiale donne dans l’optimisme jovial.
Paul Wolfowitz passait pour un faucon au sein de l’administration Bush. Dans une entrevue accordée à Radio France International, à la veille des assemblées de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, le président de la Banque mondiale offre, un an plus tard, un contraste frappant avec son flamboyant prédécesseur, disant préférer le travail ennuyeux « avec les pays pour obtenir un meilleur système comptable, de meilleurs tribunaux, de meilleures institutions... » Le faucon est-il devenu mère poule ?
Wolfowitz est convaincu de l’efficacité de la Banque mondiale. Il accorde même une très bonne note à l’institution qu’il dirige.
...une des choses que j’ai apprises [...] c’est combien il est précieux d’avoir des institutions internationales comme la Banque mondiale qui peuvent avec succès rassembler l’argent et les ressources de multiples donateurs et les distribuer efficacement à de nombreux bénéficiaires. Et ceci, d’une façon efficace, surtout pour les populations les plus pauvres du monde. RFI. Interview exclusive de Paul Wolfowitz. 21 avril 2006.Hum hum.
Un rapport conjoint de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international fait preuve du même optimisme indécrottable, dans la langue de bois qui les caractérise : « Une forte croissance économique, prenant appui sur de meilleures politiques dans les pays en développement et sur un volume d’aide accru, commence à produire des résultats dans certaines parties du monde ».
Non mais, vous, les miséreux du monde, faudrait tout de même pas trop en demander. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international veulent bien faire un effort pour que la moitié d’entre vous gagnent au moins 1$ et un sou par jour en 2015, mais de là à s’en prendre aux responsables de votre misère...
Le rapport reconnaît que d’énormes difficultés persistent dans trop de pays lorsque vient le temps de démarrer une entreprise. Absolument d’accord pour que la capacité des entrepreneurs à créer de la richesse soit facilitée, mais il faut à tout prix qu’en parallèle ces mêmes pays aient la capacité de construire des systèmes de santé, d’éducation et de soutien aux plus démunis qui vont vraiment permettre d’améliorer la qualité de vie.
Se réjouir que des très pauvres soient un peu moins très pauvres, quelle belle entourloupette pour pouvoir s’auto-encenser alors que des millions d’êtres humains sont toujours les laissés-pour-compte d’un système d’aide à l’efficacité douteuse, doublé d’une incapacité des États sous tutelle économique internationale à mettre sur pied une fiscalité digne de ce nom.
Il sort plus d’argent par l’évasion fiscale et la fraude qu’il n’en rentre par l’aide au développement.
Trop souvent, il y a confusion entre modernisation des États les plus pauvres, notamment par l’allègement des règles qui sont autant de dérives prévaricatrices dont profite une minorité, et réduction de la capacité d’intervention de ces mêmes États qui ne peuvent pas assurer une nécessaire redistribution de la richesse.
Sans compter le rôle moteur que n’arrivent pas à jouer ces États dans la réalisation d’infrastructures de base pourtant essentielles (établissements de santé et d’enseignements, réseaux de distribution d’eau potable, d’électricité, réseaux de transport, etc.), infrastructures sans lesquelles aucun développement économique, social et culturel n’est possible.
Dans leur rapport conjoint, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international n’ont que de bons mots envers les pays donateurs. Avec des dirigeants aussi mous, ce n’est pas étonnant.