jeudi 18 février 2010 - par Yohan

L’économie sociale face à son miroir

« Miroir, miroir, dis moi si je suis une entreprise humaine ? »
Tocade, effet de mode, hypocrisie, que se cache-t-il derrière la nouvelle lubie des grandes entreprises ?
Si l’économie sociale est un sujet en vogue, il n’est pas toujours aisé d’en identifier le périmètre.
Ce tiers secteur pris au sens large des vocables actuels (économie sociale et solidaire, responsabilité sociétale, entrepreneuriat social, social business, commerce responsable) devrait à l’horizon 2020 générer - dit-on - près d’un million d’emplois potentiels.
En plein développement, mais proposant pour l’heure peu de débouchés visibles, le secteur semble encore en phase de structuration.
Il s’agit plus d’un joyeux fatras où se mélangent des aspirations à la solidarité, l’éthique, la responsabilité dans les entreprises et des niches de production récentes, à l’image du commerce équitable, de l’éco-habitat, voire même du micro-crédit.
Les associations, coopératives, banques, mutuelles de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), fondations, organismes d’insertion et entreprises du commerce équitable ont été les premiers à monter au créneau.
Derrière elles, et cherchant à valoriser leur image, les entreprises du secteur de l’énergie et de l’environnement (AREVA, TOTAL, VEOLIA....) investissent actuellement ce créneau en créant de nouveaux métiers.
Certains des nouveaux postes créés, comme celui de chef de projet développement durable, pourront ainsi convenir aux ingénieurs polyglottes et mobiles et à ceux des R.H qui rêvent de nouvelles relations sociales dans le monde du travail, il y a celui de « responsable diversité » très en vogue dans les grands Groupes.
Toutefois, si les grandes entreprises affichent la solidarité, l’éthique, la responsabilité sociale, il faut bien reconnaître que ce sont plus souvent de grands mots que de pratiques.
Récemment, le Crédit Coopératif, faisait du « bonheur » le thème de sa rencontre nationale annuelle, avec le slogan « quand la mer se retire, que voit-on de l’économie sociale ? ».
Bonne question qui risque fort de contourner celles qui fâchent.
L’actualité est là pour nous rappeler au quotidien que ces mêmes entreprises, qui tentent de nous convaincre de leur volonté à faire notre bonheur, n’hésitent pas à fermer des sites au nom de la compétitivité mondiale, alors même qu’elles engrangent d’indécents bénéfices.
De même, faut-il croire une banque qui dit cultiver sa différence, quand elle délivre peu ou prou la même potion amère à ses clients en mal de trésorerie ?
Alors, comment concilier cette aspiration à contribuer au bonheur individuel et collectif avec les impératifs de rentabilité et de croissance des organisations ?
Le bonheur et la croissance sont-ils compatibles sans un changement profond des méthodes de management, sinon de la finalité même de l’entreprise ?
C’est ce que certains tentent de faire en préférant le statut de SCOP à d’autres, avec l’idée d’une nouvelle gouvernance, plus orientée vers l’éthique, la frugalité et la passion de partager un projet d’entreprise, source (peut-être) de bonheur individuel et collectif futur.
Toutefois, même si ce statut est bien dans l’air du temps, il est à craindre qu’il ne subisse lui aussi le sort d’une utopie politique, certes plus radicale, mais aujourd’hui enterrée : l’autogestion, ce fantasme révolutionnaire des années 68.
Force est de constater que l’individualisme est encore plus puissant, témoin le succès du statut d’auto-entrepreneur.
Alors, si les SCOP sont revenus de mode, c’est autant aux épisodes récents de lock-out de sites industriels qu’aux méthodes brutales de management mis à jour par la presse, à l’occasion des suicides chez France Télécom, qu’elles le doivent.
Beaucoup d’entrepreneurs et de salariés veulent vivre autre chose et c’est tant mieux. Les SCOP sont une formidable espérance, mais ne rêvons pas…
D’ailleurs, l’exigence de civisme dans les milieux bancaires, révélée par la crise boursière, est en train de faire long feu… 
Sans jeter le bébé avec l’eau du bain, il faut être borgne pour ne pas voir qu’une certaine forme de récupération médiatique est à l’oeuvre, qui pourrait bien se retourner contre ceux qui très vite trahissent l’esprit et la lettre de ce qu’ils professent...


5 réactions


  • MCM 18 février 2010 13:43

    Eh oui Yohan, « à vieille mule freins dorés » dit le vieux dicton, mais les idiots qui se ruaient sur tout ce qui brille ont enfanté des alter-idiots. 

    A quand les concepts d’arnaque équitable, d’éco-SDF et de diversité uniforme ? 

    Pourtant c’est si simple de trouver la vérité dans les paroles d’un menteur, puisqu’il suffit de comprendre l’inverse de ce qu’il vous dit.

    Il faut croire que les menteurs n’ont de succès qu’auprès des menteurs plus cons qu’eux, et comme les cons sont nombreux, le succès est foudroyant.

    Supposez par exemple que les pauvres cons se désintéressent des promesses dorées des riches cons, ce serait la faillite assurée pour les riches cons qui ont besoin de beaucoup de pauvres cons pour croire en leur promesses.

    Hélas un con riche ou pauvre reste con, voilà pourquoi la connerie loin de disparaitre torve l’altérité en se transformant en alter-connerie.

    Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, c’est pourquoi après avoir refusé la théorie de l’évolution j’ai envisagé celle de la régression pour finalement adopter celle de la stagnation.


    • Gabriel Gabriel 18 février 2010 14:42

      Il faut bien redorer son blason et s’astiquer la pilule ! Après avoir polluées, volées, manipulées, licenciées et exploitées, les entreprises ont besoin d’une vitrine humanitaire fusse-t-elle fausse, quelle importance ! De plus cela rapporte. Quant à la manipulation des cons dont, cher MCM, nous appartenons avec plus ou moins de conviction, quel est le palliatif ? Votre diatribe sur l’enrichissement des cons par des plus cons est excellente mais reste philosophique.

      Einstein a fait une remarquable découverte : «  Il y a deux choses d’infinies, l’univers et la connerie. Quoique pour l’univers j’ai encore des doutes ». Quant à la citation de Lavoisier qui vous a fait opter pour la stagnation, je lui préfère l’impermanence.


  • ddacoudre ddacoudre 18 février 2010 15:47

    bonjour yohan

    j’aime bien tous ces terminologies ronflantes, la plus part du temps se sont des « vaselines » tu dois te souvenir des cercles de qualités, de l’esprit d’entreprise, les entretient de carrières et consort. là c’est du même tonneau. l’économie n’est que sociale, c’est de la socialisation qu’elle retire son existence, l’économie n’est que l’organisation « subsitantiviste » de l’ordre sociétal.
    il n’est pas à nier que la rationalité productrice à pris le pas sur l’ordre social, qui a du se reconquérie un espace de libertée, et nous soimmes à nouveau dans cette reconquête depuis qu’il c’est redéfini fondateur par la loi du marché et l’OMC si l’ordre économique produit de nos rapport humain n’est pas social alors il faut rechercher où nos rapports humains génère la dé socialisation

    je sais bien que l’on est ans l’ère des communicants un jolie mot pour dire manipulation et leurre, c’est la femme de mènage qui est devenu technicienne de surface et a tiré malgré elle les techniciens vers le bas, par effet de comparaison, je sais bien que l’estime de soi n’a pas de norme, mais quand je vois les entreprise que tu cites se placer sur ce créneaux alors quelle en sont la source, c’est a désespérer quand il suffit de changer de sémentique pour qu’ils avalent n’importe qu’elle couleuvre. je crois que chacun peut comprendre que le micro crédi et le commerce équitable sont issus de l’intolérance du système financier et capitaliste, alors quand ont les voient s’aligner sur ces secteurs, est-il si difficile que cela d’en tirer une conclusion, comme pour le marché de la pollution.

    cordialement.


  • Yohan Yohan 18 février 2010 18:52

    Bonjour à tous
    A propos des techniciens de surface, il sort un très bon bouquin « le quai de Ouistreham » sur les travailleuses précaires, réalisé au terme d’une enquête journalistique de six mois menée par Florence Aubenas (au micro d’Europe 1 ce matin)


  • Pierre Rogué Pierre Rogué 20 février 2010 16:57

    Eh oui !
    À chaque courant social ses $$$.
    Le but de l’entrepreneur est de trouver une niche pour y vendre un produit.
    Alors si la mode est à l’équitable, on s’y précipite sous couvert de bonnes intentions.
    Mais existe-t-il une seule entreprise dont le dessein est de faire du social ? Du développement local ?
    J’en doute et d’ailleurs bien des organismes de commerce équitable en sont la preuve.
    Il en est de même pour l’écologie, récupérée à toutes les sauces.

    Un bel article smiley


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