mardi 6 juin 2017 - par Le Crooner du Concept

L’électorat d’Emmanuel Macron nous rejoue la Bataille des Arginuses

La démocratie occidentale est habitée d'une pulsion suicidaire et antipatriotique : on le sait depuis ses origines, dans l'Antiquité grecque.

Nous sommes en 406 av. J.-C. La Guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.) s’éternise, ou plutôt elle touche à sa fin. C’est un conflit fratricide entre Grecs, qui oppose la thalassocratie de l’époque, Athènes, une superpuissance d’ores et déjà très affaiblie par l’enlisement dans un affrontement interminable, et une puissance de moindre importance, sévère et rustique, une ville du sud et de l’intérieur des terres : Sparte.

C’est aussi l’affrontement de deux modèles culturels bien différents :

  • la démocratie d’un côté, où, quelques années auparavant, l’argent des comptoirs commerciaux des côtes médiques coulait à flot, où Périclès embellissait les rues, où les esclaves (affranchis) étaient parfois riches, où les libertés en matière de comportements frisaient souvent l’anarchie, où des élections assez comparables aux nôtres rythmaient la vie politique dans une ambiance de démagogie omniprésente (laquelle fut très souvent fustigée par un contemporain de l’époque : le philosophe Socrate) ;

  • et, de l’autre côté, une tellurocratie rustique, sévère, austère, pas très belle, totalitaire et militariste, aux mœurs parfois cruelles.

Athènes contre Sparte, c’était un peu la démocratie contre l’autoritarisme, les espaces fluides contre les espaces durs, la marine contre l’armée de terre, la société ouverte contre le patriotisme intransigeant, la bougeotte constructiviste contre l’immobilisme ancestral, la réforme permanente contre le culte des morts.

Notons que la véritable origine du conflit réside surtout, selon Thucydide, dans les visées impérialistes du stratège athénien Périclès (mort au début de la guerre, en 429 av. J.-C.). Contrairement à ce que croient nombre de bien-pensants, ce sont souvent les « démocraties » qui attaquent ou menacent les « dictatures », un peu comme lorsque la puissance étasunienne, il y a peu, prétendait imposer les droits de l’homme à coup de bombes en Irak.

Sans compter qu’Athènes et Sparte étaient alliées autrefois contre les Perses (ou plus exactement contre les Mèdes) et que Sparte n’avait pas peu contribué à la puissance athénienne. La Guerre du Péloponnèse nous apparaît encore aujourd’hui comme un vaste gâchis, peut-être évitable comme toutes les guerres offensives, mais pas évité.

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En 406 av. J.-C., la ville-État d’Athènes connaît sans doute l’épisode le plus sordide et le plus grotesque de son histoire, ce genre d’événements très oubliés des professeurs d’aujourd’hui, mais d’une importance historique et philosophique capitale, si dérisoire et si tragique à la fois qu’on hésite à en rire ou à en pleurer. Il s’agit de la crise des Arginuses, qui suit immédiatement la bataille du même nom.

Cette bataille navale eut lieu près des Îles Arginuses, entre la grosse île de Lesbos et ces côtes orientales, jadis médiques et hellénisées, qui sont aujourd’hui celles de la Turquie. La région appartenait autrefois aux Athéniens, qui la défendirent vaillamment et repoussèrent les bateaux spartiates au prix d’un nombre effrayant de morts des deux côtés.

Théoriquement, et conformément aux lois athéniennes, les généraux victorieux des Arginuses auraient dû prendre le temps de ramasser les cadavres de leurs soldats afin de les ramener aux familles – mais ils en furent empêchés par une tempête. Ce coup de malchance – qui constituait portant un cas de force majeure – eut des conséquences incroyables.

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Voici que rentrent nos généraux victorieux, qui s’attendent à être acclamés et récompensés, comme il se doit, de leurs mérites. Malheureusement, Athènes est une démocratie, et les politiciens sont très attentifs aux mouvements de foules, même et surtout lorsque la foule se trompe. Et les familles éplorées commencent à crier qu’il faut exécuter ces généraux qui n’ont pas rapatrié les cadavres.

Les militaires ont beau plaider leur cause, ils ont beau arguer que la tempête allait les engloutir alors qu’il faut conserver des forces et des hommes la guerre n’étant pas terminée, rien n’y fait. Dans ce climat de campagne électorale permanente, les démagogues de tout poil, les politiciens véreux et corrompus « surfent sur la vague » comme on dit aujourd’hui, et il faut très peu de temps pour que les autorités athéniennes décident l’un de ces fabuleux procès démocratiques destinés à satisfaire la masse, où l’on peut voir tout un peuple se suicider au nom du Bien.

Les généraux victorieux sont tous sans exception condamnés à mort pour non-rapatriement de cadavres. Socrate et Xénophon protestent ; en vain. La foule est satisfaite. Conséquence prévisible : la ville d’Athènes, privé de ses meilleurs militaires, perd lamentablement la Guerre du Péloponnèse moins de deux ans plus tard. Athènes est assiégée par les Spartiates.

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Athènes ne se remit jamais de ce conflit avec Sparte. Elle connut durant huit mois un régime impitoyable de collaboration avec l’ennemi appelé la Tyrannie des Trente. Puis ce régime fut renversé par un général athénien qui avait eu la bonne idée de s’exiler et se cacher à la campagne durant la crise des Arginuses, le temps de constituer une petite armée. Thrasybule renversa les Trente, rétablit la démocratie et la souveraineté de la ville, mais Athènes n’était plus que l’ombre d’elle-même.

Privée de toutes ses possessions coloniales, elle devint une ville modeste et sans ambition (sauf en ce qui concerne le rayonnement culturel de ses écoles philosophiques), sans revenus importants, sans armée digne de ce nom, et totalement livrée aux politicards, aux démagogues et aux sophistes. Du reste, elle fut avalée quelques décennies plus tard par les Macédoniens, un peuple impérialiste du nord de la Grèce dirigé par Philippe, puis par Alexandre le Grand.

Les dernières années de l’indépendance d’Athènes furent pitoyables : le philosophe et dissident Socrate, qui avait connu le siècle de Périclès, puis la guerre et l’après-guerre, qui s’était battu comme un lion, qui avait même bravé le pouvoir sanguinaire des Trente... se voit récompensé de ses mérites par un procès digne de ceux que la France actuelle intente aux gens qui disent la vérité devant la sinistre XVIIe chambre correctionnelle du TGI de Paris.

Sous les prétextes d’impiété et de corruption de la jeunesse, on reprochait en réalité à l’ancien combattant Socrate d’avoir été un citoyen exemplaire, d’avoir aimé son pays au point d’en critiquer systématiquement les élites stupides ou corrompues, d’avoir dit tout haut ce que d’autres pensaient tout bas... On connaît la suite : il dut boire une coupe de ciguë à l’âge de 70 ans ; son plus brillant disciple, Platon, s’en souvint en nous dépeignant avec une hargne jubilatoire la démocratie comme le pire, ou presque, des régimes (relire le Livre VIII de la République).

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Si l’Histoire ne se répète jamais vraiment, elle présente néanmoins de troublantes similitudes. Il y a dans l’électorat Macron un peu de cette masse athénienne prompte à condamner des patriotes, à éliminer de grands lucides. Faire barrage au fascisme (pourtant mort en 1945), c’est le sempiternel sophisme destiné à justifier la soumission pleine et entière à l’open society des Karl Popper et des Georges Soros, le mondialisme en un mot, avec toutes ses conséquences morales et matérielles qu’il est inutile de décrire tant elles sont patentes.

Une société qui condamne ceux qui font leur devoir est entièrement pénétrée par la servitude volontaire, c’est-à-dire, en définitive, par la pulsion de mort. Une société qui choisit comme magistrats ou comme dignitaires des hommes qui font penser aux pâles successeurs de Périclès ou aux piteux accusateurs de Socrate – des hommes dont l’Histoire retient à peine le nom – est une société suicidaire. Une société qui outrage la vertu en permanence et ne présente plus que des exemples d’usurpation (notamment d’usurpation intellectuelle) n’en a plus bien longtemps.

L’électorat Macron pense avoir sauvé la France en suivant les consignes de vote à peine voilées des pseudo-savants et des faux observateurs médiatiques. Grand bien lui fasse à l’électorat Macron : on va voir à l’usage !



8 réactions


  • moussars 6 juin 2017 10:25

    Très bonne réflexion.
    L’électorat de Macron, c’est l’éternel marais.
    Marais d’abord minoritaire, mais que nos institutions, complètement inadaptées, amplifient exagérément avec le scrutin majoritaire.
    24% de votes (y compris les manipulés, les lecteurs de magazines et les amoureux du 20h... Ça ne fait plus beaucoup de gens lucides mais beaucoup d’arrivistes...) donneront au final entre 55 et 60% de députés.
    Ce n’est pas demain que les partisans de la cause animale auront des élus en France, comme en Hollande, par exemple.


  • Francis, agnotologue JL 6 juin 2017 11:28

    La démocratie est le luxe des peuples.

     
    On comprends que ça ne plaise pas à certaines personnes. 
     
    Cette phrase est absurde, je cite : ’’La démocratie occidentale est habitée d’une pulsion suicidaire et antipatriotique’’
     
    Il n’y a pas de démocratie sans patriotisme. Et la démocratie n’est pas un organisme vivant, les seuls qui soient susceptibles d’être suicidaires ou agis par l’instinct de survie, par définition

  • Fergus Fergus 6 juin 2017 15:47

    Bonjour, Le Crooner

    Ce rappel historique est certes très intéressant, mais aucun parallèle ne peut être fait avec Macron. Cela n’a même aucun sens, à mon avis, tant le macronisme n’est qu’ un avatar des pouvoirs qui l’ont précédé. Certes, il va y avoir un très grand renouvellement des élus, et c’est une excellente nouvelle, mais cela ne changera rien à l’orientation de la gouvernance à venir. La seule question pertinente réside dans l’accélération ou pas de la régression des droits sociaux.


  • Alren Alren 6 juin 2017 17:25

    On sait que la présidence Macron va coûter cher à la France ne serait-ce que par les millions (?) d’heures de travail perdues du fait des grèves et des dépenses engagées à réprimer les manifestations. Sans oublier une baisse du tourisme notamment parisien.

    Mais si le FN possède assez de députés pour constituer un groupe à l’A.N, on comprendra quelle est sa position véritable en matière sociale. Des yeux s’ouvriront parmi ses électeurs ...

    Enfin !


  • Hecetuye howahkan 6 juin 2017 19:32

    Salut......

    merci...

    80% d’abstention aux législatives Europe du nord..dont moi, donner ma vie à un clown de plus triste et ennuyeux pour qu’il se la glande pendant 5 ans a rien foutre aux frais de la princesse en France...non merci..

    je précise que je vote en Irlande pour les counsellors locaux au niveau du county...

    http://www.oliviercadic.com/elections-regionales/legislatives-resultats-europe-de-nord-3eme-circonscription-1er-tour/

    http://www.alterinfo.net/Athenes-berceau-de-la-pedophilie-et-du-controle-mental_a128870.html

    le mot démocratie cache une arnaque formidable qui est de faire croire à chacun...séparément donc, que ce qu’il veut est de la plus haute importance et que la somme supérieure aux autres de ceux qui ont le même désir pour eux même alors dirigent et contrôlent totalement les autres comme si ils étaient à 100 % des votes ..ce serait à développer ou pas ..chacun pouvant le faire ou pas...je m’en abstiendrais..

    de toutes façons le peuple, sauf pas assez d’exceptions, voulant la même chose que les élites, je ne vois pas ni quoi changer ni pourquoi changer...élites qui ne sont que la partie du peuple qui a gagné au jeu de dupes et de crétin auquel l masse joue depuis 3000 ans

    plutôt crever que de coopérer volontairement, je ne parle pas ici d’une fausse coopération forcée organisé par les élites ou des groupes de pression, qui peut avoir cependant un effet relatif de surface oui, , ce dont je parle implique chacun radicalement sans sa vie avant tout et qui prends ce chemin délibérément de coopération et de partage par éveil de l’intelligence......et c’est la somme de ces chacun éveillés qui par effet secondaire spontanée va créer ce nouveau monde, qui ne sera peut être plus jamais là...

    je ne sais pas..

    cela ne changeant rien au chemin a prendre par chacun..

    nous fumes éveillés à cela dans un lointain passé...

    respect et robustesse....


  • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 6 juin 2017 22:41

    A l’auteur.

    Bravo pour cet excellent article !

    La conclusion est sans appel :

    "Une société qui condamne ceux qui font leur devoir est entièrement pénétrée par la servitude volontaire, c’est-à-dire, en définitive, par la pulsion de mort.

    Une société qui choisit comme magistrats ou comme dignitaires des hommes qui font penser aux pâles successeurs de Périclès ou aux piteux accusateurs de Socrate – des hommes dont l’Histoire retient à peine le nom – est une société suicidaire.

    Une société qui outrage la vertu en permanence et ne présente plus que des exemples d’usurpation (notamment d’usurpation intellectuelle) n’en a plus bien longtemps.

    L’électorat Macron pense avoir sauvé la France en suivant les consignes de vote à peine voilées des pseudo-savants et des faux observateurs médiatiques. Grand bien lui fasse à l’électorat Macron : on va voir à l’usage !"

    Mané, Thécel, Pharès.


  • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 7 juin 2017 15:59

    Merci pour ce rappel historique qui montre parfaitement comment un peuple peut s’aveugler lui-même, la leçon est terrible et sans appel.

    L’analogie avec la société athénienne est pertinente, comme jadis notre société pinaille sur des détails moraux sans réelle importance, comme la plus ou moins grande moralité des élus ou les petites phrases qu’ils prononcent, mais refuse de voir les menaces qui peuvent entraîner sa propre disparition.

    Malheureusement pour nous, les peuples paient très cher leurs erreurs de jugement.


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