jeudi 23 mai - par Michel Lebarillec

L’empereur Constantin et le temple de Toulouse

Extrait de mon livre Le roi et le graal.

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On sait qu’en 310, l’empereur Constantin eut une vision du dieu Apollon dans un temple qui lui était dédié. Dans La Religion des Gaulois paru en 1727, le révérend-père Jacques Martin défend la thèse que ce fameux temple n’était autre que celui qui occupait l’emplacement de l’église de la Daurade :

Je finirai en disant que c'est de ce Temple des Gaules si vanté, que j'entens ces paroles d'Eumenius, que Constantin après s'être saisi à Marseille d'Hercule son beau-père, qui l'avoit lâchement trahi, avoit débauché ses troupes, & repris la pourpre pour la troisième fois, fut exprès rendre grâces du succès de cette expédition au plus beau Temple d'Apollon qui fût dans le monde. Les raisons sur lesquelles je me fonde sont : 1) Qu'on ne connoît dans les Gaules nul Temple auquel on puisse mieux appliquer les paroles du Panegyriste, que celui de Toulouse. 2) Que Constantin fut obligé de se détourner de son chemin pour se rendre à ce Temple, ubi deflexiffes ad Templum. Constantin s'en retournoit sur le Rhin, pour achever d'y faire construire le pont qu'il avoit commencé, & auquel il étoit occupé quand il apprit la révolte d’Hercule. Or c'étoit vraiment se détourner que de venir de Marseille à Toulouse pour reprendre le chemin de la Germanie. 3) Qu'à ce Temple, le plus beau qui fût dans le monde, il y avoit des Prêtres devins, qui prédisoient l'avenir ; Vatum carmina divina cecinerunt. Mais les Auteurs qui parlent de l'or de Toulouse, assurent que ce n'étoit que par les conseils des Devins, que cet or avoit été jetté dans des Lacs. 4) Enfin que la réflexion que fait Eumenius sur les richesses & la quantité des dons que Constantin fit au Temple d'Apollon, ne put, ce semble, tomber que sur l'impiété & le sacrilège que commit Cepion en enlevant l'or de Toulouse. Car l'Orateur dit en s'addressant à Constantin : Vous avez Seigneur, fait de si riches presens à cet auguste Temple, qu'on ne regrete plus les premiers.

A cette argumentation assez fragile, il faut surtout ajouter la notoriété du temple à l’époque qui est confirmé par Alexandre Dumège :

Possidonius ajoute qu’il y avait à Toulouse un Temple fort célèbre, qui était en vénération chez tous les peuples voisins, et que c'est par là que le trésor en devint très considérable.

On retrouve la même déclaration dans Géographie de Strabon :

Le temple de Tolossa, vénéré comme il était de toutes les populations à la ronde,…

D’autres temples comme pouvant être celui où Constantin eut sa révélation sont bien sûr cités. On en a un bon échantillon dans cet extrait de La mort de Maximien, d'après le panégyrique de 310 et la vision de Constantin au temple d'Apollon d’Edouard Galletier publié en 1950 :

Le lieu de la rencontre entre le dieu et le mortel pose un problème délicat auquel on a donné des solutions diverses et toutes aussi incertaines : don Martin songeait à Toulouse et P. Batiffol à Tréves. Entre ces points extrêmes, le P. de la Baune, suivi par l'abbé Rochet en 1854, proposait Autun et l'éditeur Cellarius, en 1703, hésitait entre Lyon, Vienne ou une autre ville de cette même région. Nous ne retiendrons pas davantage le nom de Nîmes pour les raisons que nous avons exposées et pour l'obscurité qui entoure à Nîmes le culte d'Apollon. M. Orgels, qui ne dissimule pas du reste ces difficultés, estime que l'expression du panégyriste, « le plus beau temple du monde », ne saurait convenir qu'au sanctuaire d'une grande ville et nullement à un fanum de campagne. Peut- être ne convient-il pas de prendre à la lettre cette expression laudative : pour un orateur d'Autun, parlant à Trêves devant l'empereur, le sanctuaire d'Apollon situé dans cette partie des Gaules, où le prince était allé s'acquitter de ses vœux, devait nécessairement apparaître comme le plus beau du monde. Et puis, c'est exagérément rabaisser l'importance du temple d'Apollo Grannus à Grand que de le qualifier de « fanum de campagne ». M. Orgels convient lui-même que Grand était une ville d'eau célèbre. C'est donc l'hypothèse, brièvement suggérée dans une note par C. Jullian, qui nous paraît la plus acceptable, sans que l'on puisse y attacher une certitude absolue : revenant avec ses troupes par la grande route militaire Lyon-Trèves, Constantin l'abandonna, avant d'arriver à Neufchâteau, au pays des Leuques, et prit sur sa gauche pour aller, à une vingtaine de kilomètres, rendre visite au sanctuaire d'Apollon à Grand. Cet écart s'exprime parfaitement dans le terme de deflexisses employé par l'auteur du panégyrique ;

Le fait de citer Constantin est l’occasion d’évoquer la basilique Sainte Sophie à Istambul, voulue par l’empereur en l’année 330 : l’édifice doté d’une coupole et décoré de magnifiques mosaïques est sans doute lui aussi construit sur un ancien temple d’Apollon et servait également lors des cérémonies de couronnement des empereurs.

La présence d’un temple d’Apollon à Toulouse pourrait même éclairer d’un jour nouveau l’étymologie de la ville. Car avant de s’appeler Toulouse, jusqu’au XVIIe siècle la ville se nommait Tholose. Il semble donc assez logique de penser que la ville rose tire son nom du mot tholos, désignant un bâtiment de plan circulaire recouvert d'une voûte ou d'une coupole. Ce qui correspond en tout point à la description de la première configuration du temple de la Daurade ! Et la plus célèbre Tholos connue de nos jours est sans doute celle de Delphes, là même où le temple d’Apollon fut pillé vers 280 avant JC par les Volques Tectosages de Toulouse menés par Brennus ! Ainsi, naturellement, la notoriété du temple aurait-elle fini par donner son nom à la ville. Ce qui semble quand même plus probable que la théorie qui voudrait que la ville tienne son nom de Tholus, un arrière petit fils de Noé !

Lorsque le trésor de Delphes fut ramené à Toulouse, on raconte qu’une épidémie de peste se déclara et il fut décidé de le rendre à Apollon en le jetant dans un lac de la ville. Celui-ci, estimé à 70 tonnes d’or, fut semble-t-il dérobé en 105 avant JC par le proconsul romain Caepio. Accusé d’avoir volé le trésor pour son propre compte, Caepio fut déchu de sa citoyenneté romaine et condamné à l’exil et ses filles livrées à la prostitution, dit-on. Sa fin tragique fut bien sûr interprétée à nouveau comme une vengeance du dieu, d’où la croyance, encore vivante de nos jours, à la malédiction de l’or sacré de Toulouse. On peut penser que c’est aussi pourquoi, lorsque les Wisigoths arrivèrent dans la ville avec le trésor de Jérusalem volé dans le temple de Jupiter Capitolin de Rome, ils pensèrent peut-être judicieux de consacrer l’ancien temple d’Apollon à son père !



11 réactions


  • Étirév 23 mai 13:23

    À propos de Constantin
    Constantin, dans la lutte qu’il soutenait contre Maxence, s’appuya sur les Jésuistes, déjà assez nombreux pour être une force.
    Ce misérable empereur, que l’Eglise a béatifié, était une nature grossière, ennemie de toute idée élevée, et ne cherchant qu’à affermir sa domination.
    Il fut un exécrable assassin qui fit périr tous les siens : son beau-père Maximin à Marseille, son beau-frère Licinius à Thessalonique, son fils Crispus qu’il fit égorger, sa femme Fausta étouffée.
    Il tua tous les siens dans sa fureur sanguinaire. Zozime rapporte que, ne pouvant obtenir des prêtres païens le pardon de ses forfaits, il se vengea d’eux en les persécutant et en protégeant les Jésuistes. C’est donc à un acte de vengeance d’un criminel que le Jésuisme dut son succès. Un tel empereur devait, en effet, s’allier aux anciens Paulinistes et les soutenir, car leur morale était la même. Il embrassa ouvertement leur religion et promulgua des décrets contre son ancienne croyance. En 341, il prononça la peine de mort et la confiscation des biens contre ceux qui pratiquaient les cérémonies du paganisme. Dans la constitution qu’il édicta alors, il disait :
    « Que la superstition cesse ; que la folie du culte païen soit abolie. Quiconque aura osé contrevenir à cet ordre et célébrer des sacrifices sera puni des peines portées par la loi. Nous voulons que tous renoncent au culte païen ; si quelqu’un désobéit, qu’il soit terrassé par le glaive vengeur. Peine de mort contre quiconque visite les temples, allume des feux sur un autel, brûle de l’encens, fait des libations, orne de fleurs le gond des portes. Ceux qui reviennent à l’ancienne religion, frappés de mort civile ; leurs biens dévolus sans testament à leurs plus proches parents. Ordre de fermer, détruire, raser les temples, car, en extirpant les édifices, on extirpe la matière même de la superstition. Destruction des écoles païennes, les bâtiments rasés. »
    Constantin, devenu par ses crimes un objet d’horreur pour les « gens sensés », fut obligé de transférer le siège de l’Empire à Byzance.
    Tel est le monstre que les livres catholiques ont entouré d’une légende miraculeuse et qu’on apprend à nos enfants à vénérer.
    Pour lui donner plus de prestige, on entoura sa conversion de faits merveilleux, surnaturels ; on mettait le miracle partout ; on raconta qu’allant combattre Maxence, Constantin vit dans le ciel une croix et entendit une voix qui lui disait : « Par ce signe tu seras vainqueur. » Les inventeurs de cette légende n’ont oublié, ou ignoré, qu’une chose, c’est que la croix n’est devenue le signe du Christianisme qu’au VIIème siècle de notre ère, lors du Concile de Constantinople qui eut lieu de 680 à 684 ; Jusque-là, la religion nouvelle, c’est-à-dire le second Christianisme (le faux), celui qui triompha sous Constantin au Concile de Nicée (en 325), et qui s’édifia sur les ruines du premier (le vrai), avait pour insigne trois phallus enlacés (représentant la Trinité catholique). Le culte du « Saint Graal », « Vase sacré » des Mystères, et le « Secret de Bismillah », semblent une réaction contre ces trois phallus.
    Le prétendu miracle de la croix vue dans le ciel par Constantin nous ramène à l’histoire de cet emblème, qu’il est utile d’étudier ici.
    La forme de la croix, prise comme symbole par les premiers Chrétiens, a varié. Ils ont eu la croix grecque « + », le chi « X » ou le tau « T ».
    On s’est demandé laquelle de ces croix avait été mise par Constantin sur son étendard, et l’on a trouvé que ce n’était pas une croix ; mais les deux lettres qui commencent le nom du Christ et dont on faisait alors un monogramme Chi « X » et Ro « P » (le ro grec ρ).
    Le Chi-Ro, adopté par Constantin, était déjà ancien alors (Le monogramme chi-ro vient des anciens Celtes). Ce n’est donc pas une croix, mais deux lettres que Constantin mit sur son labarum (cet étendard romain couleur pourpre, vient de « laub », mot breton qui signifie construire, relever), sur ses bannières et sur celles de ses soldats.
    Niebuhr, dans son Histoire romaine (t. III, p. 303), consacre à Constantin les lignes suivantes :
    « Ses motifs pour établir la religion chrétienne sont quelque peu étranges en vérité. La religion qu’il avait en tête n’était qu’un mélange confus. Sur ses médailles était représenté le Soleil invincible. Il adorait les divinités païennes, consultait les augures, conservait les superstitions païennes. Il est vrai qu’il ferma des temples et construisit des églises.
    « Comme président du concile de Nicée, nous ne pouvons le voir sans dégoût. Il n’était pas du tout chrétien lui-même, et il ne voulut recevoir le baptême qu’au moment de mourir. Il traite la foi chrétienne comme une superstition qu’il voulut mélanger avec toutes ses autres superstitions. Lui donner le titre de saint, c’est profaner ce mot. »
    Lichtenberger dit de lui : « En ce qui concerne le paganisme, Constantin prit soin de n’en point troubler les derniers jours. Il est certain qu’il n’interdit jamais le culte des idoles. Il éleva le temple païen de la Concorde, et permit aux devins de consulter les entrailles des victimes. Ajoutons qu’il souilla sa vie privée par un grand nombre de crimes. Il étrangla Licinius après lui avoir pardonné. Le jeune fils de son rival, âgé de douze ans, reçut la mort par son ordre. Il décapita son propre fils Crispus, et fit étouffer sa femme Fausta dans une étuve.
    « Quant au miracle de l’année 312 (la croix), il est en contradiction formelle avec ce qui précède. Le penchant de Constantin pour le Christianisme ne s’explique que par ses intérêts politiques et apparaît pour la première fois en 313. Au reste, il est temps de le dire, le récit du miracle ne repose sur aucun fondement historique sérieux » (Encycl., vol. II, p. 390).
    Pour comprendre la mentalité de Constantin, il suffit de se rappeler ce fait : il condamna à mort le philosophe Sopatrus pour avoir « déchaîné les vents » et avoir ainsi empêché des vaisseaux chargés de blé d’arriver à temps pour mettre fin à la famine. Il découvre que Virgile était chrétien. Les intrigants lui persuadent qu’il est un grand docteur ès-doctrine chrétienne ; on lui demande des discours, des homélies.
    NB : L’Édit de Tolérance de Constantin
    En 312, Constantin promulga un édit de tolérance, qui rendait aux néo-chrétiens la liberté de leur propagande. C’est de cette année que date réellement l’avènement du nouveau Christianisme.
    Cet édit, qui s’étendait à tous, parut ouvrir au Judaïsme une ère de prospérité, mais cette espérance fut vaine ; ce sont les Néo-chrétiens seuls que l’empereur voulait protéger, et, après sa conversion, il rendit de nouveaux édits hostiles aux Juifs. Ce fut la fin des écoles juives de la Palestine.
    Constantin permit, par l’édit de Milan, en 313, l’exercice du nouveau Christianisme.
    Les Catholiques appellent cela la « liberté des cultes », quand c’est, au contraire, le commencement de l’intolérance et la fin de la liberté religieuse qui régnait à Rome.
    Une célèbre entrevue eut lieu, en février 313, entre Constantin et Licinius à Milan pour poser les bases de cet édit.
    CHRIST…


    • Seth 23 mai 14:43

      @Étirév

      Constantin, dans la lutte qu’il soutenait contre Maxence, s’appuya sur les Jésuistes, déjà assez nombreux pour être une force.

      Constantin : 272 337

      Création de la Compagnie de Jésus par Ignace de Loyola : 1539

      Gloups... smiley

      Ou alors définir ce que sont exactement les « jésuistes » parce que voyez vous, ça n’existe pas. Ou tout au moins pas de ce que connaît le commun des mortels à peu près cultivés. smiley


    • Michel Lebarillec Michel Lebarillec 23 mai 15:19

      Merci pour ces précisions mais je partage la réserve de Seth concernant l’anachronisme des jésuites... 


    • Seth 23 mai 15:41

      @Michel Lebarillec

      Vous êtes comme moi vous ne connaissez pas de « jésuistes » ? Ouf, merci, vous me tranquillisez...

      Plus qu’à attendre une explication à moins qu’il ne s’agisse d’une erreur de tapotage...


    • Et hop ! Et hop ! 25 mai 08:17

      @Michel Lebarillec

      Il ne s’agit pas de « Jésuites » mais de « JésuiStes », un mot qu’il semble avoir inventé pour ne pas dire « Chrétiens » qui est formé sur « christ » voulant dire « ayant reçu l’onction divine ou royale », autrement dit pour désacraliser son appellation. 


    • Michel Lebarillec Michel Lebarillec 25 mai 08:36

      @Et hop !
      Merci pour l’explication !


  • Sirius Sirius 23 mai 14:30

    « Celui-ci, estimé à 70 tonnes d’or, fut semble-t-il dérobé en 105 avant JC par le proconsul romain Caepio. »


    Bon an mal an, une tonne d’or vaut actuellement autour de 56 millions d’euro, ce qui fait 4 milliards d’euros pour 70 tonnes !

    Ça valait le coup, mais il fallait deux semi-remorques de 35 tonnes pour les transporter !


  • Sirius Sirius 23 mai 14:42

    Pour ce qui est des origines du nom de la ville rose, César écrivait Tolosas et Cicéron Tolossanus. Comme pour Toulouse-le-Château dans le jura et pour la ville espagnole de Tolox, dans la province de Malaga, Labitolosa dans l’Aragon et Tolous, il s’agit de noms de lieux ibériques.

    station routière de la voie d’Ilerda à Osca ».

    La racine en « tol », très répandue dans la péninsule ibérique fait référence à un marécage, un trou d’eau ou de l’eau stagnante », une référence qui fait écho aux étangs de Toulouse.



    • Michel Lebarillec Michel Lebarillec 23 mai 15:24

      @Sirius
      Concernant l’étymologie, il est toujours difficile de connaitre la vérité. Et même si tol peut faire référence à un marécage, avouez qu’il est quand même troublant qu’une des tholos les plus importantes de la Gaule se trouve à Tolosa.


  • Emile Mourey Emile Mourey 24 mai 19:18

    Pauvre Emile Mourey, pauvre moi, qui croyais avoir convaincu et prouvé...que le plus beau temple de l’univers qu’évoque le rhéteur Euméne était la cathédrale de Chalon-sur-Saône.


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