L’enfer est pavé de bonnes intentions
Pourquoi l’élite super fortunée, dotée du pouvoir de l’argent et donc celui de la corruption, agirait-elle avec raison ? La vie de tous les jours démontre le contraire, dans l’indifférence générale, comme si toutes les contraintes, de plus en plus incohérences, supportées par le vulgum pecus, n’étaient dues qu’à la fatalité.
« Gouverner c’est prévoir », mais après des décennies de gaspillage de l’eau, malgré des rappels à l’ordre des premiers écologistes, c’est brusquement que nos élites décident d’interdire de laver sa voiture ou de prendre la douche à la plage après le bain, ou encore, et c’est plus grave, de ne plus arroser les plantes dans les villes et même dans les résidences. Ainsi de jeunes arbres plantés il n’y a que deux ou trois ans sont morts comme à Toulon ; une douzaine de jeunes araucarias sur la voie Olbia à Hyères, morts de soif, et combien de gazons sont ainsi devenus de la terre battue etc.
Certes l’eau est un problème, mais des solutions de bon sens existent. L’on attend peut-être que la solution vienne de l’Intelligence Artificielle ? À Toulon par exemple, la « Rivière des amoureux » (3 à 4 m de hauteur, 8 à10 m de large, sur 3 à 4 km de long) traverse une partie de la ville pour se jeter dans la mer. En hiver, une sorte d’écluse, avant la mer pourrait réguler son débit afin que l’eau reste dans la rivière et dans le canal sans débordement, permettant l’été d’arroser les squares, de remettre les douches des plages en activité et de nettoyer les rues.
Si l’arrosage de certains golfs des Bouches du Rhône est autorisé par dérogation préfectorale, c’est parce que l’eau vient d’une « ressource qui ne risque pas la pénurie : le canal de Provence » (Var-matin du 27 août 2023) ! Le collectif « Eau secours » réclame « l’interdiction totale de l’arrosage des golfs dès le niveau 3 d’"alerte sécheresse" ». Que faut-il donc sacrifier : les entreprises de golf ou toutes les plantations des villes et des résidences ?
Le changement climatique est une réalité. Mais nos élites ont trouvé la combine pour entraver la « baisse tendancielle du taux de profit » prévue par Karl Marx. Pour continuer à accumuler de la richesse alors que l’économie de marché avait atteint son pic, il faut donc creuser d’énormes « bassines » qui vont chercher l’eau dans la nappe phréatique, malgré l’évaporation, pour arroser des milliers d’hectares dont les trois quarts de la production est vouée à l’exportation, et au profit surtout d’actionnaires. Plutôt que de créer des réserves plus petites et locales pour les cultures vivrières. Également, en moins de dix ans devrons-nous changer toutes nos voitures ! Ailleurs, le marché de l’occasion se frotte déjà les mains. Tous les véhicules à carburant fossile n’iront pas, vraiment, à la casse, mais seront vendus à bas prix par des filières, qui existent déjà (comme pour les véhicules n’ayant pas satisfait au contrôle technique à 100 points !), dans les pays pauvres où ils pourront encore rouler très longtemps, avec du carburant fossile beaucoup plus polluant.
Des bénévoles ramassent des déchets plastique sur les plages, au bord des rivières. Ils sont respectueux de leur environnement et c’est très bien. On nous dit que des microplastiques se retrouvent dans la chair des poissons et également de plus en plus dans la nôtre. Les "Larmes de sirène" sont des granulés de plastique de moins de 5 mm de diamètre. Une partie de cette substance toxique (250000 tonnes chaque année), est perdue et disséminée lors des processus de fabrication, de stockage ou de transformation, avant d’être fondues. Elle se retrouve dans la mer.
« Le but, ce n’est pas de nettoyer les plages, mais de mettre les industriels face à leurs responsabilités » Jordi Oliva, fondateur de l’OBG-Good Karma.
Quel aveuglement devant cette triste réalité dont l’homme et sa "science sans conscience" sont seuls responsables.
En fait, les oligarques qui dirigent cet enfer se soucient peu des angoisses des peuples concernant leur survie. Ils attendent avec sérénité que la fonte des glaciers liée au changement climatique, libère des voies navigables dans l’arctique, et des terres au Groenland pour y forer des puits de pétrole et de gaz.
« L’arctique est devenu le terrain de jeu des géants de l’énergie et des grandes banques internationales, avec 599 chantiers pétroliers et gaziers » Le Monde du 24 septembre 2021.
Mais dans le monde entier, les géants du pétrole investissent toujours des sommes astronomiques dans l’industrie pétrochimique. Pour les gros investisseurs des Etats-Unis, de l’Arabie saoudite, de la Chine, de l’Inde, du Japon, chacun en partenariat avec d’autres pétroliers comme Aramco ou TotalEnergie, l’avenir, c’est la fabrication de plastiques.
« Il s’agit de transformer chaque année, des barils de pétrole en trois millions de tonnes de polymères indispensables à la fabrication de détergents, de cosmétiques, et de biens de consommation courante […] Un volume de plastique deux à trois fois supérieur à ce que dégorgent leurs actuels complexes de raffinage. En somme, alors que l’humanité, a moins de dix ans pour réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre, le plus gros pollueur climatique du monde a décidé de parier à long terme sur une technologie, qui, d’après les experts, fait "plus que doubler la rentabilité du baril de pétrole" ». Mickaël Correira, « Le plastique c’est fantastique », Le Monde diplomatique, février 2022.
Ce système inique de l’ultralibéralisme patriarcal a récupéré totalement la lutte contre le "changement climatique", encore une fois, pour relancer une croissance moribonde par une nouvelle fureur industrielle dans tous les secteurs de l’économie.
À suivre, parce que la liste est fort longue !
Philippe Annaba, auteur de « Homo sapiens, un animal dénaturé ». L’Harmattan.