L’entreprise n’a pas vocation à créer des emplois
Dans cet article je ne discute pas de la place sociale du travail, il en est du travail comme d’autres comportements, même s’ils développent de la souffrance nous trouvons de bonnes raisons pour en justifier. Si les bénéfices de la sédentarisation productive ne sont pas discutables, il en est autrement des conditions de son déroulement. L’humain en se civilisant s’est criminalisé, même autour des philosophies prônant un développement altruiste. L’humain a souvent vicié de bonnes intentions philosophiques, idéalistes et religieuses en développant sur leurs bases un obscurantisme dominateur, qui semble lui coller à la peau à toutes les époques de son évolution et qui génère de mauvais paradigmes du dominant animalier alpha, pour ne demeurer qu’un bêta de deuxième rang passant son temps dans des luttes fratricides lien.
C’est ainsi que ceux qui travaillaient dans les conditions les plus diverses les justifiaient, de la même manière que nous justifions aujourd’hui l’organisation capitaliste productiviste du travail, incapable d’en modifier le cours, alors qu’il n’a que 4 siécles d’existence et a généré des moyens de guerres les plus destructeurs.
Aujourd’hui comme hier nous réclamons donc des emplois et d’aucuns de vouloir faire revenir ceux délocalisés, imaginer les emplois nouveaux innovateurs, être prêt à se vendre pour un emploi, etc.
C’est donc osé de déclarer en cette période que l’entreprise n’a pas pour vocation et finalité de créer des emplois et d’être à contre-courant de la doxa.
Mais quand je vois les citoyens désirer s’aliéner à une structure productiviste qui les broie, que dire.
Une chose, ils posent mal leurs problèmes, peut-être cela tient-il à l’énoncé qu’on leur raconte, et ils confondent produire les biens et services qu’ils désirent et retirer son enrichissement de l’exploitation des désirs et services des autres, car il leur est en permanence expliqué que l'on ne peut pas faire autrement pour le meilleur des mondes qui petit à petit devient un enfer.
C’est l’éternel principe de l’offre et de la demande et celui qui en retire avantage raconte que l'on ne peut faire autrement.
Pourtant les deux vont de pair et ne s’affronte pas, ils s’ajustent aux situations rencontrer et suivent l’évolution des désirs humains qui se trouvent dans la recherche de l’hédonisme incluant également de se défaire de la pénibilité de ses activités contraintes dans le cadre le plus courant de celui qui est exploité pour effectuer une tâche nécessaire au développement du bien-être humain dont il est écarté s’il ne lutte pas pour en bénéficier.
J’ai déjà expliqué que dans les motivations de l’évolution des technologies la suppression de la pénibilité a été un puissant moteur, mais naturellement il a été développé par les employeurs dans le cadre d’une amélioration de la productivité.
Ainsi l’un et l’autre se joignent pour suivant les circonstances créer ou détruire des emplois.
Il faut donc relativiser les choses quand les employeurs s’attribuent le mérite de l’évolution, hier comme aujourd’hui. Dans le déroulement de l’industrialisation, nous retrouvons certes des découvreurs, mais beaucoup plus de conservateurs attachés à leurs pouvoirs, soutenant avec obstination et obscurantisme qu’il ne peut être fait autrement.
Nous en avons des exemples dans d’autres pays du monde, dans lesquels ils ne se pressent pas pour améliorer le sort de leurs salariés, et nous n’entendons pas nos propres employeurs s’en plaindre, autrement qu’en réclamant que nous nous alignions sur leur compétitivité, s’entend abandonner nos avantages sociaux supérieurs aux leurs, c’est en cela que j’ai plaidé pour la traçabilité sociale lien.
Aujourd’hui tous les discours se tournent vers l’entreprise, grande ou petite, créatrice d’emplois et chacun d’être prêt à se vendre pour un emploi ou trouver dans la surenchère de consommation quelles innovations mettre sur le marché pour chacun d’eux se trouver un REVENU, car ce que nous recherchons c’est un Revenu.
Pour démontrer cela, je vais faire un retour 10 ans avant la naissance de Zola et l’année où Victor Hugo écrivit Notre-Dame de Paris, soit 1831, période symbolique de la contestation ouvrière.
Les Canuts.
Pour rappeler la révolte de canuts de Lyon je vais faire un copier collé des explications données dans Wikipédia, elles suffissent pour ma démonstration.
La révolte des Canuts, à Lyon en France, en 1831, est l'une des grandes insurrections sociales du début de l’ère de la grande industrie. Elle avait été précédée, entre autres en 1819, d’émeutes, écrasées par l'armée, à Vienne lors de l’introduction de nouvelles machines à tondre les draps2, : les ouvriers du textile brisent les nouvelles machines à tisser, à l'image de celle inventée par Jacquard ; car ces machines les concurrencent et les privent de leur gagne-pain. Si, contrairement à une idée répandue, les Canuts ne s'en prirent pas spécifiquement aux machines – ils revendiquaient surtout un salaire garanti face à des négociants qui répercutaient toujours les fluctuations du marché à la baisse –, ces émeutes se produisent dans un contexte de révolution industrielle et de libéralisation de l'économie qui dégrade profondément les conditions de vie de ces ouvriers et artisans, en les dépossédant d'un savoir-faire pour les ravaler au simple rang de force de travail, ce qui les pousse à s'organiser en vue de contester le nouvel ordre social qui s'instaure à leur détriment.
Ce qui m’intéresse que chacun note c’est, ils revendiquaient surtout un salaire garanti face à des négociants qui répercutaient toujours les fluctuations du marché à la baisse. Dois-je mâcher la réponse où chacun trouvera que ce qu’ils réclamaient était un REVENU, dans un marché déjà existant pas fait pour eux. (Un clin d’œil en passant à ce gouvernement socialiste, comme ils se disent, qui a refusé un coup de pouce au salaire garanti, amusant non ?)
L’autre comparaison qui doit résonner à nos oreilles, car nous l’entendons souvent dans des discours de professionnels ou de politiques, « ces émeutes se produisent dans un contexte de révolution industrielle et de libéralisation de l'économie qui dégrade profondément les conditions de vie de ces ouvriers et artisans, en les dépossédant d'un savoir-faire pour les ravaler au simple rang de force de travail, ce qui les pousse à s'organiser en vue de contester le nouvel ordre social qui s'instaure à leur détriment. » (Un autre clin d’œil, n’y aurait-il pas là comparaison avec les discours contre la mondialisation ?).
Déjà ils savaient que les industriels ne vivaient pas pour leur fournir des emplois ou un revenu et hier comme aujourd’hui le Pouvoir Public Républicain au nom du peuple réprimé les troubles à l’ordre public. Hier en leur envoyant l’armée, aujourd’hui plus soft du fait du droit de grève constitutionnel, par des brigades de CRS, des inculpations, des lois restrictives et cela sous le consentement des autres citoyens gênés dans leur quotidien par les troubles à l’ordre public, comme en 1830.
Hier comme aujourd’hui les hommes fustigent à tort le libéralisme économique, parce que ceux qui en bénéficiaient n’avaient d’autres soucis que d’utiliser au mieux les conditions d’exploitation capitaliste de la main d’œuvre au moindre coût.
Ce n’est donc pas la circulation des hommes, des biens et des capitaux qui posent problème. Que je sache en 1831 il n’y avait pas de travailleurs immigrés du Maghreb, des productions RCPC, ni des plombiers Polonais ou Roumains. Mais une organisation industrielle qui se structurait autour d’une organisation économique dont la finalité était ce que nous appelons le capitalisme, la réalisation de profit individuel des possédants en utilisant l’activité travail des hommes.
C’est dans la poursuite de ces années que philosophiquement c’est développé le concept de la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme qui fut porté par le syndicalisme et le socialisme réclamant la disparition du salariat et du patronat issu de la pensée du collectivisme libertaire anarchiste. Une philosophie totalement abandonnée aujourd’hui à part dans quelques groupuscules. Nous sommes même à l’antipode en nous dirigeant vers des groupements d’intérêts économiques dont nous deviendrons les hilotes grecs modernes.
Les Canuts formulaient donc deux demandes apparemment contradictoires, le maintien d’un emploi que la modernité supprimait (les machines à tondre les draps à leur époque) et la demande d’un revenu qui devenait insuffisant du fait du marché.
Il me semble que c’est ce que nous vivons aujourd’hui, comme nous l’avons vécu il n’y a pas si longtemps quand l’industrie pétrochimique et l’évolution technologique a bouleversé nos productions et nos modes de vie. La robotique qui supprime des emplois et un marché mondial qui pousse les salaires et les prélèvements à la baisse dans le cadre d’une compétition inégalitaire dont l’optimisation de la rentabilité est gérée par ordinateurs.
Nous ne recherchons donc pas un emploi, mais un revenu. Or la part de l’activité industrielle est devenue de moins en moins pourvoyeuse d’emplois et nous pouvons mettre tous les ministres du redéploiement économique que nous voulons, ceux qui disparaissent ou se réalisent ailleurs soit du fait de la modernité de la technologie ou du fait du marché baissier ne reviendront pas.
Se repose donc la problématique à savoir, d’où retirons-nous un revenu pour maintenir notre niveau de vie. La réponse des hommes politiques de la doxa est claire, en y renonçant pour favoriser la compétitivité qu’impose le marché.
Nous sommes donc revenus en 1831, des salariés et des artisans qui condamnent le libéralisme, qui refuse les suppressions d’emplois liées aux évolutions technologiques qui les privent de leurs revenus et des hommes qui leur expliquent sans cesse que le marché baissier qui les broie est salvateur (EU celui transatlantique à venir).
Il faut donc arrêter de croire que l’entreprise est une pourvoyeuse d’emplois, son histoire nous démontre le contraire, car elle est utilisée comme finalité financière, tout comme le travail pour les salariés et artisans.
Si j’ai fait ce saut dans une période emblématique, c’est pour démonter pas nos relations économiques demeurent sur la base d’une organisation capitaliste qui reproduit ses cycles bien connus quand elle n’est plus soumise à des contre poids, et que nos réactions face à cela sont comparables à celles d’hommes du 19è siècle.
La seule différence est une variation d’échelle due au développement des Savoirs, mais les comportements humains sont semblables, car nous n’avons pas évolué « relationnellement » d’un pet depuis 1804, date où le Code civil défini le salaria en lieu et place de la servitude.
La structure pyramidale entrepreneuriale totalitaire est la même et ce n’est pas le fait que le patron soit devenu anonyme que cela change la donne, cela l’aggrave même.
Depuis cette date la pensée la plus innovante fut celle de Marx et son application déboucha sur des dictatures.
Nous nous pensons des hommes modernes et en fait nous ne cessons de réclamer notre aliénation à l’exploitation par le travail, car lui seul offre un revenu mis à part les quelques rentiers qui ne sont que des exceptions de la société.
Sur la courte durée de mon existence et une connaissance apprise de notre passé, il est intéressant de noter une incapacité aux hommes de savoir utiliser la « liberté » acquise.
Nous sommes en démocratie et n’avons de cesse de venter les vertus d’une organisation totalitaire qu’est l’entreprise et beaucoup réclament un « chef », normal.
Pour ceux qui connaissent la bible, nous sommes comme les Hébreux.
Dieu leur accorda la liberté de choisir leur destin en les sortants d’Égypte, puis leur peuple grandit et ils finirent par réclamer un roi comme les autres nations, ce fut Saül le premier roi hébreu.
Sommes-nous condamnés qu’aux choix de l’aliénation, je ne le crois pas.
Le salaria relève de la modernité éculée d’une aliénation séculaire codifié en 1804 et aujourd’hui la pression exercée par le chômage annihile toutes aptitudes à la réflexion et paralyse la modernité qui pourrait entrer dans nos relations au travail du fait de l’évolution des sciences et des outils pour gérer une complexité grandissant. L’espérance d’une collaboration équitable n’est plus d’actualité, seulement l’illusion à retirer d’une participation aux bénéfices ou à l’actionnariat à fait recettes, illusion, car bien souvent ils ne sont venus compenser que le gel des salaires, cela se mesure en établissant des ratios.
En début d’article je disais que poser la bonne question était essentiel, nous recherchons donc un revenu pour participer aux échanges de nos productions et services. Pourrions nous aujourd’hui les réaliser en intelligence, il semble que non, car les évolutions innovantes sont pléthores et vont certainement bouleverser ce siècle en raréfiant le travail.
Depuis 1850 le développement technologique n’a pas engendré plus d’emploi et il n’y a pas de raison que les innovations en cours et celles de demain en créaient plus, puisque nous recherchons la suppression de la pénibilité et d’autres celles des charges salariales lien.
D’où les nouvelles générations retireront-telles leurs revenus puisque les entreprises ne créeront pas plus d’emploi.
L’entreprise n’est qu’un outil de production nécessaire que nous portons au pinacle en a ayant fait une entité de droit moral qui n’est qu’une attrape nigaude comme je l’explique souvent avec l’affaire Total. Total fut condamné à réparer les dégâts causés par l’Erika au grand soulagement des verts. Sauf que Total avait provisionné cette perspective et ce sont les clients passés par ses pompes qui ont payé l’addition et non les patrons de Total que sont les actionnaires. (En clin d’œil, ce sont ces mêmes personnes qui prônent la prise de responsabilité et les risques des actionnaires, qu’ils font régler par les autres grâce à la reconnaissance du droit moral d’un outil).
Nous aurions donc tors d’attendre un emploi de l’entreprise et il est même normal qu’elles n’embauchent que par nécessité. La vie est la finalité, le travail le moyen d’y rester et non vivre pour travailler.
Si l’organisation économique ne fournit plus assez de revenus pour tous par le travail, il appartient donc aux citoyens de s’interroger sur leur existence, l’avenir est infini, seul notre cerveau est bloqué par des obscurantismes et chez certains plus que d’autres ; malheureusement c’est vers ceux-là que nous nous dirigeons.
Certains proposent le salaire universel, moi je préfère que l’on rémunère les hommes pour apprendre. J’y consacrerai un article.