samedi 5 mars 2011 - par LM

L’exécution de Galliano ou le triomphe de Stéphane Hessel

Le créateur Dior dans la ligne de mire des inquisiteurs : on n’a plus le droit de dire n’importe quoi quand on est bourré, le soir à une terrasse de café. Un Perrier tranche, s’il vous plaît.

Jean Edern Hallier brocardait déjà il y a quelques années dans son Idiot International une certaine forme de « prêt à penser » naissant alors qui allait nous emmener tout droit vers une société formatée, sans autre opinion que celle partagée par le plus grand nombre mou, le plus grand dénominateur (du lieu) commun. Il avait vu juste, bien fou qu’il était, et avait de ce fait anticipé aussi l’avènement d’Internet, le plus puissant des médias, qui nous promettait la lune en matière de liberté d’expression et qui nous donne finalement que de grosses jumelles pour l’apercevoir, au loin, la lune. Hallier partait dans tous les sens, c’était là une de ses plus attachantes qualités. Aujourd’hui, et sans tomber dans le « c’était mieux avant » on définit surtout un sens (du lieu) commun, une direction obligatoire, un sens unique que chacun doit emprunter sous peine de contravention. Ou de poursuites judiciaires ce qui revient au même. La police des associations veille, associations en tout genre, de toute puissance, de tout ordre religieux. Des associations structurées, riches pour certaines, qui dictent l’ordre moral tel qu’il doit être. Et qui avec Internet et tout ce qu’on y trouve a enfin déniché l’outil indispensable à toutes ses croisades. Hallier est mort vive Stéphane Hessel : l’époque entre au couvent.

On trouve de tout sur le net : du vrai, du faux, de l’intox du scoop, de l’Histoire et des histoires, du cul et des romances, de l’arnaque et de l’art. De tout. Une vidéo d’un couturier bourré qui dit n’importe quoi à la terrasse d’un café, une autre vidéo (datée de 1963, mise en ligne sur le site du Nouvel Obs) d’une soi disant nièce du couturier de la maison pour laquelle travaille le couturier bourré, vidéo dans laquelle on voit la soi disant nièce louer Hitler, la race aryenne et porter à son cou un pendentif à croix gammée. Si Nathalie Portman voit ça, elle va avaler ses ballerines.

Tout se filme, aujourd’hui, dirait-on. Et les piches qui ont filmé avec leur smartphone les délires de Galliano savaient très bien ce qu’elles faisaient. Si quelqu’un vous insulte, plusieurs fois, ou vous lui mettez votre poing sur la gueule, ou vous vous cassez. Aujourd’hui non, on filme. Surtout si ce quelqu’un est connu. On filme et on diffuse. Manière lâche de se venger en détruisant la réputation d’une personne. Manière de faire le buzz, évidemment. Les smartphone semblent avoir été inventé pour ça, d’ailleurs. Faire le buzz. Ca fait cher le buzz, quand même. Ca fait cher l’envolée médiatique qui s’éteint comme elle est venue, et qui ne débouchera sur aucune condamnation, si ça se trouve, juste le licenciement d’un personnage qui rebondira ailleurs, de toute façon. Galliano n’est pas à plaindre, il aura un gros chèque et puis basta. Galliano n’est pas le problème. Le problème c’est les poux qu’on lui cherche. Comme les poux que le Parisien cherche aussi à Lagerfeld, accusé de « mysoginie », parce qu’il aurait rétorqué à une de ses confrères qui prétendait faire des robes pour des femmes intelligentes qu’elle n’habillerait pas grand monde. J’entends encore sur France Inter la radio des curés, le journaliste balancer cette info dans sa revue de presse comme s’il annonçait l’exécution d’un des otages français retenus depuis 400 et quelques jours. Les journalistes n’ont vraiment aujourd’hui rien d’autre à foutre qu’à relayer des non nouvelles pareilles. C’est tout ce qu’ils trouvent pour s’indigner, eux qui ont fait de Stéphane Hessel leur maître à penser ? C’est ça la société du « Indignez vous » ? On est mal barrés. Parce que s’il faut maintenant que la Justice s’occupe de tous les écarts de langage des people plus ou moins bourrés, plus ou moins drogués de notre beau pays, il va falloir embaucher beaucoup de juges dans les années qui viennent.

Ressaisissons nous ! Ressaisissez vous, internautes de tous bords ! Ca devient n’importe quoi ! Ne vous laissez pas manipuler ainsi par la brigade des bonnes mœurs ! Nathalie Portman s’offusque des propos de Galliano ? Qu’elle quitte alors son pays ou au nom de la liberté totale d’expression il est permis de tenir en public des propos homophobes, racistes, antisémites, négationnistes et autres ! On nous prend pour des cons ! On nous dit que lire, que dire, que penser, qui célébrer, qui détester. Un acteur de droite n’avouera jamais qu’il est de droite, et s’il le fait il deviendra un mauvais acteur, un journaliste de France Inter n’a pas le droit de lire le Figaro et doit considérer Ben comme un humoriste (c’est qui Ben ?) ou Pascale Clark comme une « figure » de la radio (c’est qui Pascale Clark ?). Eric Zemmour est un salaud non parce qu’il a été condamné mais parce qu’il a encore son job de trublion chez Ruquier, bien emmerdé sur le coup. Non, vraiment, ressaisissons nous ! Il est bien plus désolant de lire Marc Lévy que d’adorer Louis Ferdinand Céline. Stéphane Hessel est un vieillard pas méchant qui n’a rien à dire. Ressaisissons nous ! On est en train de gober des vessies ! On finira à la lanterne ! Tout cela m’inquiète…Mais qui s’en soucie ? « Dans la résistance, on dénonçait pas les juifs, mais fallait vivre avec ! » disait Pierre Desproges dans son célèbre sketch « tout dans la vie est une question de choix ». Il risquerait aujourd’hui la peine capitale, ou pire : aller s’excuser au Grand Journal. 



15 réactions


  • Sébastien Sébastien 5 mars 2011 08:44

    Ou comment confondre la liberte d’expression avec une pseudo liberte de dire n’importe. Est-ce que je me sens plus libre en insultant les autres ? Est-ce que les autres se sentent libres parce qu’ils se font insulter ?

    Tiens, aujourd’hui on m’a traite de sale juif de merde. C’est formidable, je me sens super libre.

    il faut des garde-fous pour qu’on puisse tous vivre ensemble. Vous comparez la France aux US mais aux US, c’est une juxtaposition de communautes, de langues, de cultures. En France, on privilegie l’assimilation et ne pas insulter ceux qui, de culture, de religion ou de couleur de peau sont differents de moi mais qui, finalement, sont tout aussi francais que moi, est necessaire pour garantir la cohesion de ce modele.


    • Axel de Saint Mauxe Axel de Saint Mauxe 5 mars 2011 09:54

      Et les garde fous sont judiciaires ? On te traite de « sale juif » tu réponds « connard », et c’est fini.


      Quelle folie de tout vouloir judiciariser ...Le SIDA mental de Pauwels est bien vivace !



    • Petitou Petitou 5 mars 2011 10:22

      A Sébastien
      exactement quand on me traite de sale noire je tape. Pas besoin de schmitts ni de rameuter qui que ce soit. J’ai pas envie de le mettre en prison. Des cons y en a et y en aura toujours.
      A l’auteur j’adhère à votre thèse puisque que j’ai écris dans le même sens hier, en revanche, peut-on dire que ce soit la faute de Hessel ? Je n’ai pas lu son livre mais je l’ai entendu expliquer son propos et il m’a semblé qu’il était de s’indigner et non pas de censurer, de se révolter toujours contre ce que l’on pense inadmissible mais jamais d’insulter et encore moins de dénigrer. Seriez-vous en train de transformer son propos ? Il propose à chacun d’agir en son âme et conscience afin de rester digne.


  • Anubis Anubis 5 mars 2011 09:01

    @Sébastien : Ce n’est pas le propos de l’auteur.
    Si quelqu’un vous insulte, plusieurs fois, ou vous lui mettez votre poing sur la gueule, ou vous vous cassez. Aujourd’hui non, on filme.
    Cette vidéo ne prouve qu’une chose : Galliano est un pauvre type. Mais il ne s’est pas filmé lui-même pour cracher à la gueule des Juifs. Quelqu’un l’a fait pour le torpiller, et lui nuire. Ces procès à répétition n’ont pas grand chose à voir avec la sauvegarde du ’vivre ensemble’ et ne sont pas très sains.


  • 2102kcnarF 5 mars 2011 11:59

    En fait, à la toute fin, quand les ordinateurs sont éteints, les rotatives arrêtées, les mediacrates au lit...alors il y a plus d’antisémites, car toujours plus de gens persuadés que le lobby juif les contraint au silence. Dans la clientèle Dior, plutôt réac, ce sentiment va t-il reculer ....

    http://www.orserie.fr/style-attitude/article/apres-galliano-nouveau-petard-nazi-10849



  • jourdan 5 mars 2011 14:18

    Ce qui est lamentable, c’est que les délires de Galliono étaient « pardonnés » tant qu’il faisait du fric. Maintenant qu’il est en panne d’inspiration et que ses frasques arrrivent en place publique, il se fait virer. Triste fin pour un type qui a fait gagner des fortunes à son employeur pendant 10 ans.

    Comment c’est déja « on lêche, on lâche, on lynche » ? !!!


  • Serpico Serpico 5 mars 2011 15:32

    En même temps, le Général Petraus « s’excusait » du meurtre de neuf gamins afghans qui cherchaient du bois....on passe l’éponge et personne ne se fâche.

    Galiano dit des conneries et le ciel nous tombe sur la tête. Il s’excuse ? ça ne suffit pas. On veut sa peau et on met en scène UNIQUEMENT des figures people connues juives pour commenter l’affaire. C’est l’Apocalypse.

    Neuf gosses massacrés ? du pipi de chat...


  • Taverne Taverne 5 mars 2011 16:37

    Après Zemmour, Galliano va-t-il nous faire un discours devant la congrégation des élus de l’UMP au nom de la « liberté » d’expression ?


  • french_car 5 mars 2011 17:15

    Moi ce qui me choque c’est que Hortefeux ait gardé son job après 2 condamnations alors que Galianno est viré avant tout jugement.


  • suumcuique suumcuique 5 mars 2011 19:45

    Le milieu de la mode, comme de nombreux autres milieux, est presque totalement aux mains de l’engeance que, parait-Il, Galliano aurait critiquée.


    Galliano a vomi. Le vomissement est une action protectrice de l’organisme qui a pour but de protéger ce dernier contre l’ingestion de substances toxiques.

  • Alexis_Barecq Alexis_Barecq 5 mars 2011 23:01


    Que de confusion...


  • velosolex velosolex 6 mars 2011 19:11

    Recette pour écrire un article suscitant des réactions :
    - Privilégier la facette bling-bling de la société ; ces grands princes au-dessus du commun, n’ayant par leur fortune et leur condition de compte à rendre à personne.
     Le coté glamour attire toujours la midinette qui est en nous.
    - Prendre un fait de société connu de tous le monde car répercuté par les médias, en montrant nos vedettes sous un jour peu ragoutant ( à l’exemple de Galliano, ou encore du prince Harry, qui cru bon de s’afficher en informe nazi).
    - Prendre le contrecoup de la réaction de rejet universelle, en évoquant pèle mêle le droit à l’expression, le rejet « du prêt à penser », et en utilisant justement ce genre d’expression toute faite, propre à imposer sa propre forme de pensée. (Très utile pour tromper les imbéciles et leur faire prendre des vessies pour des lanternes)
    - Défendre innommable, et se faire l’avocat du diable, en multipliant les sophismes, en mélangeant les genres, le tout dilué dans une ironie de bon aloi, où l« esprit fort se gausse et fait la part des choses, séparant le bon grain de l’ivraie, désignant les bons penseurs et les mauvais.
    - Privilégier l’invective, le point d’exclamation, l’absence de nuance. Ne pas hésiter à enfoncer les portes à coups de pieds. Montrer même sa colère : Merde à cette police de l’esprit. Pas moyen de se laisser à dire n’importe quoi sans se faire filmer. A quand une charte du paparazzi !
    - Ne pas hésiter à convoquer les grands disparus. Céline, toujours au panthéon de incompréhension. Je suis pas sûr que Pierre Desproges apprécierait de ce voir associer à cette tentative de banalisation de la bêtise. »On peut rigoler de tout, disait-il, mais pas avec n’importe qui !"
    Franchement, je crois pas qu’il aurait été rendre sa belle casquette d’officier nazi au prince Harry.
    Arrivé là, je ne sais où il faut placer l’adjectif pacotille.
    Il serait plus intéressant de chercher à comprendre par quel processus ces types perdent le sens commun, tellement sûr d’être au-dessus de la mêlée. De pauvres types qui se prennent pour des dieux mais qui véhiculent une pensée nauséabonde, de ver de terre ( mais je ne voudrais pas diffamer les vers de terre) ,un jour antisémite, l’autre raciste, sexiste, nationaliste. On peut se féliciter qu’un coup de projecteur révèle ces dessous sales, qui se marient mal, c’est vrai, avec tant de dentelles sublimes.


  • Dolores 6 mars 2011 22:12


    @ l’auteur

    Dans cet article vous mettez en pratique la maxime de Hessel en vous indignant, pour ensuite dire qu’il n’a rien à dire. Mais vous non plus !

    Nous vivons dans une société où le « politiquement correct » est de mise, et la « victimisation » tient lieu de justice.

    Certes les propos de Galliano ne sont pas d’une rare élégance et peuvent choquer, mais il n’a fait de mal à personne, il n’a pas fondé un parti pour étaler ses idées supposées en lumière ou tenté de mettre ce que l’on suppose être ses pensées à exécution.
    C’est seulement un mec saoul qui faisait le malin. Tout le reste n’est qu’hypocrisie et malveillance.

    L’incident devrait s’arrêter là.


  • Arthur 123 7 mars 2011 00:24

    Comme je n’habille pas dans la haute couture, je considéré ce énergumène comme un non évènement. Dior ne sent pas la rose, j’espère que l’apologie du nazisme soit justiciable.


  • Thérèse Leduc 11 mars 2011 00:46

    Même bourré je n’ai jamais tenu des propos pareils.


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