vendredi 28 octobre 2011 - par Pierre

L’Histoire s’écrit avec des slogans

Trois élections présidentielles majeures vont avoir lieu en 2012 : en Russie, le 4 mars, en France, les 22 avril et 6 mai et enfin aux Etats-Unis, le 6 novembre.
Les présidents sortant ne sont pas assurés d’être réélus. En Russie, c’est sûr, puisque Dimitri Medvedev ne se représentera pas. En France et aux Etats-Unis, les campagnes présidentielles seront déterminantes et les victoires tiendront peut-être à peu de chose.
C’est pour cela qu’un bon slogan politique pourrait être l’élément qui fera pencher la balance du côté du futur vainqueur, comme dans beaucoup de campagnes présidentielles précédentes d’ailleurs.
Voilà donc une occasion de faire un petit retour dans le passé et de se remémorer quelques slogans qui ont émaillé ces dernières décennies.
Nous ne nous arrêterons pas qu’aux slogans politiques. Des slogans idéologiques seront aussi évoqués. Les slogans publicitaires sont, quant à eux, une catégorie de slogans spécifiques qui ne seront pas évoqués dans cet article.
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un slogan ?
Les dictionnaires parlent d’une phrase courte qui exprime une idée autour de laquelle on veut rallier ses partisans. 
L’étymologie du mot est d’origine gaëlique écossaise : sluagh ghairm (cris de guerre). Chaque clan a son slogan, comme par exemple « Mort ou vie » pour les Maclean.
Il ne faut pas confondre un slogan avec une devise qui est davantage une ligne de conduite personnelle, familiale ou collective. Liberté, Egalité, Fraternité est par exemple la devise de la France.
 Slogans de campagnes présidentielles.
Giscard à la barre.
Ce fut un très bon slogan, concis, avec une assonance et bien personnalisé. 
En 1974, Valery Giscard d’Estaing se présentait comme un homme jeune et moderne qui rompait avec un gaullisme usé par 16 années de pouvoir. Il rassurait la France majoritairement conservatrice. 
Valéry Giscard d’Estaing ne fut pas réélu sept ans plus tard avec le slogan « Il faut un président à la France »
La force tranquille. C’est un oxymore (lien) tiré d’un discours de 1936 de Léon Blum qui lui-même l’avait emprunté à Jean Jaurès. 
Le publicitaire Jacques Séguéla l’utilisa en 1981 pour François Mitterrand sur une affiche électorale restée célèbre. C’est le slogan parfait. Il n’y a pas de promesse concrète. La force rassure les électeurs. L’adjectif « tranquille » indique qu’on a affaire à quelqu’un de serein qui n’utilisera sa force qu’à bon escient. 
Grâce à cette réussite, Jacques Séguéla devint une personnalité médiatisée. Il fut encore sollicité pour d’autres campagnes présidentielles, pas toutes réussies d’ailleurs. (Lionel Jospin)
Les deux termes utilisés étaient particulièrement bien choisis et correspondaient bien à un profil de présidentiable.
Par exemple l’antonyme de cet oxymore ne pourrait pas ressembler à un président de la République. Vous pensez ! Ce serait « La faiblesse agitée ». Quoique …
En 1988, François Mitterrand fut réélu pour un second septennat avec le slogan « La France unie ».
Travailler plus pour gagner plus.
C’est un très mauvais slogan. Le slogan officiel de Nicolas Sarkozy en 2008 était « Ensemble, tout devient possible » mais qui s’en souvient ? Cette phrase, tirée d’une interview, était devenue le slogan officieux de Nicolas Sarkozy en lieu et place du slogan officiel qui, il faut le dire, ne cadrait pas avec la personnalité de Nicolas Sarkozy. C’est une promesse qui ne sera pas tenue et qu’il faudra assumer quatre ans plus tard.
A chicken in evey pot. A car in every garage (Un poulet dans chaque casserole. Une voiture dans chaque garage). 
Aux Etats-Unis, en 1928, c’était le slogan de Herbert Hoover (qui n’avait rien à voir avec Edgar Hoover). Aujourd’hui, on se demande comment il a pu être élu avec un slogan aussi kitch. Son adversaire devait être vraiment mauvais. 
Herbert Hoover (lien) est un des présidents états-uniens les moins estimés et cependant on lui doit le ravitaillement de la Belgique occupée pendant la Grande Guerre et d’ainsi y avoir évité la famine. Il ravitailla ensuite l’Europe centrale, après l’Armistice, et aussi la Russie bolchevique durant la famine de 1921. Son slogan a peut-être été inspiré par ces années humanitaires. 
Il faut dire qu’en 1928, les Etats-uniens pouvaient espérer sortir de la misère et rêver à un bien-être matériel pour tous. Herbert Hoover eut à faire face, sans succès, aux conséquences du krach boursier de 1929. Son successeur ne put d’ailleurs faire mieux. Il aura fallu la guerre 39-45 pour sortir les Etats-Unis de la dépression.
Ce fut évidemment un mauvais slogan parce que Herbert Hoover n’a jamais pu tenir sa promesse. Aux élections de 1932, il sera balayé par Franklin Delano Roosevelt et son « New deal » (nouvelle distribution).
Yes, we can (Oui, nous pouvons). 
Un slogan attaché à Barack Obama. Quand on voit l’un, on pense à l’autre. 
C’est encore une fois une promesse mais suffisamment vague pour que chacun y trouve son compte. Oui, nous pouvons changer l’Amérique. Oui, nous pouvons le faire. Oui, nous pouvons élire un président afro-américain. Etc. 
Barack Obama a su mobiliser toute une Amérique, jusque-là démotivée, autour de son slogan. Les noirs, les pauvres, les minorités, les jeunes, etc. Son slogan, très branché, a été bien reçu par ces catégories d’Etats-uniens.
Pourra-t-il rééditer son coup en 2012 ? A-t-il réussi à changer des choses aux Etats-Unis ? Réponse dans un an.
 
Slogans idéologiques.
En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées. 
La conséquence du choc pétrolier de 1973 fut une hausse substantielle du prix de l’essence. On doit cette citation, qui est devenue un slogan, à … Valery Giscard d’Estaing. 
La principale, si pas unique, idée de remplacement du pétrole fut la construction de centrales nucléaires. Près de quarante ans plus tard, on attend toujours la mise en œuvre massive d’autres idées comme les économies d’énergie ou les énergies vertes. 
Il faut reconnaitre que ce slogan a redonné du moral à toute une génération de Français qui avait ressenti ce choc pétrolier comme une humiliation.
Quand c’est vert, on avance.
Un slogan sympa qu’on doit aux écolos belges lors des élections législatives de 1999. 
Les écolos avait fait une percée lors de ces élections, aidés il est vrai par la crise du poulet à la dioxine. (lien) C’est un slogan simple, presque naïf, qui sied bien à ce jeune parti.
Perestroïka et glasnost (restructuration et transparence).
Un slogan irrémédiablement associé à Mikhaïl Gorbatchev en 1987. La mise en œuvre de cette promesse se heurta à l’opposition de la nomenklatura et précipita la dislocation de l’URSS.
La libre circulation des personnes et des idées.
Dans la foulée des accords d’Helsinki, en 1975, ce slogan sera utilisé par les dissidents soviétiques et sera largement diffusé dans les média occidentaux pour fustiger l’attitude de l’URSS vis-à-vis de l’interdiction faite à ses citoyens de circuler librement hors de leur pays. 
On sait, 35 ans plus tard, qu’il ne s’agissait que d’un moyen de soutenir des opposants soviétiques et que cette mesure est aujourd’hui complètement oubliée. 
Demandons aux 50.000 migrants de Lampedusa ce qu’ils pensent de la libre circulation des personnes. Pour les idées, on peut demander à Thierry Meyssan, à Dieudonné, à Stéphane Guillon ou à Didier Porte ce qu’ils en pensent. Pour les accords d’Helsinki, ouvrez le lien, c’est étonnant… ou détonnant. (lien)
Ma voiture, c’est ma liberté.
Ici aussi, ce fut un slogan temporaire. Le cours du baril de pétrole s’étant effondré en 87-88 et les économies d’énergie étant tombées dans les oubliettes, la civilisation du tout pour la voiture a pu s’établir chez nous suivant le modèle états-unien grâce à des voitures de plus en plus confortables et à un réseau de routes et d’autoroutes efficient. 
Ce fut aussi un slogan destiné à comparer notre système économique libéral, censé apporter le confort matériel à tous, à un système communiste figé, dans lequel il fallait trois ans pour avoir une voiture qui roulera ensuite sur des routes défoncées. 
Plus de vingt ans plus tard, la voiture est devenue un gouffre financier mais dont on ne peut se passer parce que l’offre de transports publics s’est considérablement réduite, surtout dans les campagnes. 
Il est singulier de constater que les Russes d’aujourd’hui se dirigent têtes baissées dans la même direction que nous.
La Russie sans Poutine.
C’est un slogan récent utilisé par une partie des opposants russes lors de manifestations dénonçant les violations systématiques de l’article 31 de la constitution russe sur la liberté de manifester. 
Malheureusement pour eux, leur slogan restera un vœu pieux. N’en déplaise à certains esprits chagrins, Vladimir Poutine reste l’homme politique le plus populaire de Russie et cela après 12 ans de pouvoir. 
C’est à faire pâlir d’envie les Blair, Berlusconi, Merkel et Obama. N’évoquons même pas Sarkozy !
Il est interdit d’interdire (Jean Yanne). 
C’est un slogan autoréférentiel, comme never say never (ne dite jamais jamais), mais qui mène à ce paradoxe « Il est interdit d’interdire d’interdire », donc il est permit d’interdire. 
Il y eu une profusion de slogan en mai 68, la plupart imaginés par des anonymes et inscrit sous forme de graffiti sur les murs de Paris. 
Quelques exemples simplement pour le plaisir de les relire. Sous les pavés, la plage. L’imagination prend le pouvoir. Les murs ont la parole. Tout, tout de suite. CRS=SS (slogan des mineurs nordistes en 1947). Soyez réalistes, demandez l’impossible. Elections, piège à cons. Murs blanc = Peuple muet. La barricade ferme la rue mais ouvre la voie. 
Ah, si cette génération, qui est aujourd’hui au pouvoir, avait la même imagination pour nous sortir de la crise !
Et pour 2012 ?
Pour les élections à venir, Nicolas Sarkozy et Barack Obama peuvent se permettre des slogans démagogiques vu que de toute façon ils ne pourront pas se présenter pour un troisième mandat et que l’opinion publique ne leur demandera pas de compte en 2016. 
Leurs adversaires devront être plus attentifs et veiller à avoir des promesses tenables dans leurs slogans s’ils ne veulent pas avoir à s’expliquer quatre ans plus tard. 
Il y a fort à parier que les états-majors des candidats planchent déjà sur le sujet. On attend donc la moisson de slogans électoraux 2012, mais je crains les pires.


8 réactions


  • Harfang Harfang 28 octobre 2011 14:03

    J’ai quelques propositions :

    Pour Sarko : « Voler aux pauvres pour donner aux riches »

    Pour Hollande : « Y’a une languette sur tous les pots, pour démouler c’est plus rigolo ! »

    Pour DSK (hors course, mais bon...) : « Droit aux putes ! »

    Je vous laisse poursuivre pour les autres...


    • Traroth Traroth 28 octobre 2011 17:04

      Marine Le Pen : « Vous ne haïrez plus par hasard »


    • velosolex velosolex 30 octobre 2011 17:24

      Pas mal ! Et aussi

      Hollande : Le plat pays qui est le mien
       
      Sarko :    Little is beautiful !
       Ou  : Un homme qui fait du vélo ne peut-être foncièrement mauvais

      DSK : Ca ne sert à rien de sauter comme un cabri !


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 29 octobre 2011 12:31

    Bonjour, c’est le moment de ne pas se tromper puisqu’on arrive au fond du tunnel...

    « Yapukaaaa tourner au centre »

    « bab à babord, en arrière toute !

    ’ » tout tout, vous saurez tout sur le Zyzy... !

    « l’art dont la sous populaire échoue au fait tout chaud »

    « les trumpettes de l’ump umpreinteront la violactée »

    « rien ne sert de pourrir il faut moisir à point ’’

    ne cherchez pas trop loin si ça ne veut rien dire mais de toute façon puisqu’il n’y a jamais le moindre rapport entre la promesse et les actes qui suivent, » autant en emporte le vendu large... « 

    et bien sûr pour finir, difficile d’échapper au  » yes oui Khan " de circonstance.

    bourjon à tousse.


  • Brath-z Brath-z 30 octobre 2011 16:49

    Ne pas oublier aussi outre-Atlantique le « It’s the economy, stupid ! » de Clinton en 1992, qui a bien essaimé et est aujourd’hui encore fréquemment utilisé (ou plutôt décliné) quasi quotidiennement : les « It’s the USA, stupid ! », « It’s the corporations, stupid ! », « It’s the maths, stupid ! », etc. connaissent des floraisons fréquentent depuis un peu plus d’une décennie, utilisés qu’ils sont dans tous les contextes, à toutes les sauces et dans tous les buts (ainsi « It’s the socialism, stupid ! » a été utilisé par Bill O’Reilly, polémiste-star de Fox News, de manière ironique pour caricaturer les propositions de Barack Obama).


    • Pierre Pierre 30 octobre 2011 19:41

      C’est vrai que c’était un slogan gagnant contre Georges Bush senior qui avait réussi sur le plan international mais qui avait échoué sur le plan économique. Je connaissais le slogan mais je ne savais pas qu’il continuait à être décliné à toutes les sauces aux Etats-Unis.

      Il y avait beaucoup de slogans dans ma sélection avant que je ne fasse un tri.

      Ici, une série de slogans de campagne présidentielle états-unienne.(lien)

      Il y avait aussi « Ni dieu, ni maître », le slogan anarchiste.




       


    • Brath-z Brath-z 31 octobre 2011 00:21

      Je suis particulièrement surpris de découvrir qu’en 2004, le slogan de George W. Bush était... « Yes, America can ! »
      L’équipe de campagne d’Obama se serait-elle contentée de reprendre ce slogan pour l’optimiser ? L’annonce d’un « changement dans la continuité » ?


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