lundi 25 septembre 2017 - par C’est Nabum

L’urgence du dernier jour

Quand le rêve s’achève.

Le soleil se lève une fois encore sur le Festival de Loire. Les yeux sont tirés, les mariniers épuisés. Ce sont des festivaliers qui avancent au pas qui se meuvent sur le quai en ce dernier matin. Chacun pressent que ce soir, la parenthèse ligérienne enchantée se fermera sur des souvenirs merveilleux et des images d’un autre temps. Voir notre Loire ainsi envahie d’embarcations est sans doute le rêve de tous ceux qui l’aiment vraiment.

Le feu d’artifice de la veille est encore dans toutes les têtes. Il résonnera longtemps comme le bouquet final d’un rendez-vous qui s’est imposé comme une évidence, un besoin, un phare dans la vie des confréries et des artistes de Loire. Le dernier jour est alors vécu avec empressement, comme s’il fallait profiter de ce qui va doucement s’effilocher durant cette journée étrange, faite d’empressement, de ferveur et déjà de nostalgie.

La foule ne se presse pas au petit matin. Il y a pour une fois quelque chose qui attire les curieux, les moutons sur l’autre rive. Une animation caritative aux relents qui ne me plaisent guère. Je préfère n’en rien écrire, j’en ai assez dit de cette farce qui a besoin d’un terme anglais labellisée pour faire de l’argent en attirant les gogos avec la perspective de gagner une voiture. L’enfance en détresse n’a pas besoin de tant de grimaces pour toucher les cœurs purs. Seuls les dindons aiment que les responsables d’un club de bourgeois argentés les confondent avec des canards en plastique.

Puis tout revient dans l’ordre et la vie reprend son cours sur la rive Nord. Les bateaux à passagers sont pris d’assaut. Une queue interminable pour une demi heure de balade sur la Loire revêtue de ses habits de lumière. J’en profite pour aller faire le guide sur la toue cabannée Jehan Martin de Bruno et Carol, amusant ainsi tout en instruisant des passagers qui étrangement, ne savent rien du fleuve auprès duquel ils vivent toute l’année.

J’ai perdu les agités du Bouzin. Trouver un géant débonnaire dans cette foule immense relève désormais du pari impossible. Il est juste temps d’avaler un casse-croûte pour rejoindre ma terre d’exil. J’y retrouve les Fis d’Galarne pour ce qui pourrait être un nouveau spectacle commun. La balance a pris du retard, je meuble à capella le devant de la scène en jouant les animateurs de foire. Le public se prend au jeu, les rires viennent récompenser mes facéties. La « Duck-Race » en prend pour son grade dans l’hilarité générale. Un conte mériterait de trouver sa place dans mon répertoire.

Les musiciens sont enfin prêts. Je leur laisse la place, le temps de m’équiper enfin d’un micro casque. Nous reprenons une fois encore cette alternance de chansons et contes qui nous enchantent. Malheureusement, les musiciens sont attendus pour une déambulation sur la rivière qui ne peut attendre. Je me retrouve seul pour quarante minutes sur le fil. Les spectateurs restent, le pari d’un conteur farceur puis grave en solitaire fonctionne. La preuve en est dans le nombre de romans que nous vendront aux spectateurs qui montrent ainsi leur satisfaction.

Avec ma collègue d’écriture nous rejoignons l’autre rive, celle où désormais, il n’est plus possible de marcher. Nous empruntons des rues parallèles, la foule ici aussi est nombreuse. L’espace de cinq jours, Orléans a changé de visage. La ville s’est donnée à la fête avec délice et délectation, gourmandise et avidité. Quel changement ! Ce Festival de Loire est un don du ciel et d’un maire qui fut visionnaire.

Le concert de la pointure bat son plein et ses décibels. Il convient d’attendre les dernières notes pour avoir l’espoir de tenir une dernière prestation impromptue, manière de me faire entendre au Nord. C’est à la capitainerie, sur le Canal que j’ai trouvé place sur l’Hirondelle, le futreau de Greg. Je me lance dans un premier conte et la mayonnaise prend. Les gens qui quittaient le festival s’installent sur les marches. Bientôt un large public écoute mes tirades enflammées.

Vincent le sonneur m’a rejoint. C’est ainsi qu’au son de la cornemuse, nous nous lançons dans un véritable spectacle. Une heure durant le temps s’allonge pour le plus grand plaisir de tous, spectateurs comme acteurs. C’est la fatigue qui vient à bout de ce moment unique. Le festival s’achève. J’ai réussi mon pari. Un conteur a sa place au Nord.

Les mariniers se regroupent pour le repas final, celui où ils peuvent enfin être seuls. Je n’ai pas envie de me mêler à eux. J’ai besoin de me retrouver au calme. J’ai tant donné que j’étais trop exalté. La pauvre adjointe à la culture a fait les frais de mon exaltation injuste. Il convient que le rideau se tire pour moi.

Le festival est terminé. Deux années durant, nous allons attendre son retour. Désormais, le temps est venu des souvenirs et des nouveaux projets pour répondre à cet étrange appel d’une fête hors du temps. À Bientôt les amis, la Loire nous rassemblera toujours pour peu qu’on la respecte et qu’on l’honore.

Finalement vôtre.

Photographies de Patrick Loiseau

 



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