jeudi 1er décembre 2005 - par PAF 2.0 (Politique arabe de la France)

La bacharisation du Hezbollah

L’argument du Hezbollah pour refuser son désarmement au titre de la résolution 1559 de l’ONU est que lui seul est capable de défendre le Liban contre Israël. Qu’Israël menace le Liban est, en soi, assez douteux, après en être sorti de sa propre initiative. Mais il est encore plus étonnant de voir le Hezbollah ouvrir le feu sur le nord de l’État hébreu sans même chercher à le justifier par une provocation préablable d’Israël. Cela lui a valu, pour la première fois, une condamnation à l’ONU, qui a reconnu la responsabilité du mouvement terroriste dans le début d’embrasement de la frontière.

Cette provocation, reconnue comme telle, devrait, à elle seule, montrer que le discours sur la protection du Liban, que le Hezbollah prétend assurer, n’est qu’un masque pour ceux qui ne peuvent voir Al-Manar (pour les autres, il suffit de voir les clips que diffuse la chaîne, dans lesquels le cheikh Nasrallah crie devant une foule survoltée : « Mort à Israël »). Alors, pourquoi un tel acte ? Quelle peut en être la motivation ? On peut imaginer deux explications.

Le syndrome de Bachar : ivre de sa puissance, le mouvement commet une faute en se croyant à l’abri de toute sanction de la part de quelque autorité que ce soit. C’est ce calcul qui a amené Bachar el-Assad au pied du mur, d’où le nom que j’ai donné au syndrome.

Le fait que le parti intégriste se soit toujours comporté en fin stratège conduit à penser que, peut-être, cette fois-ci non plus, il n’agit pas sans avoir pesé avant le pour et le contre. Autrement dit : peut-être que ce que j’ai décrit comme une perception faussée des rapports de force dans ma première hypothèse est, en fait, une perception exacte : le Hezbollah sait qu’il n’a rien à craindre tant que la France, par exemple, un des plus influents acteurs internationaux au Liban, s’opposera à son désarmement. Et justement, qu’en dit-on, au Quai d’Orsay, de ces évènements ? Ne serait-il pas temps de rappeler ce point sensible de la 1559 ? C’est la question qui est posée au porte-parole du Quai :

Pensez-vous que les incidents d’hier à la frontière israélo-libanaise montrent la nécessité d’accélérer l’application de la deuxième clause de la résolution 1559 en ce qui concerne le désarmement du Hezbollah ?

Ce qui est important est que les autorités libanaises puissent exercer leur autorité sur l’ensemble de leur territoire. Cela rejoint directement les préoccupations de la résolution 1559, pour faire en sorte que les autorités libanaises puissent exercer leur autorité et aient le monopole de l’usage de la force sur leur territoire. Je ne crois pas qu’il y ait de délai spécifique qui ait été fixé par la résolution 1559.

La réponse du diplomate est pleine d’ambiguïtés. Pas de non, ni de oui fermes, mais un louvoiement tout à fait caractéristique de l’attitude de la France dans cette affaire : après avoir co-parrainé l’adoption de la résolution 1559, elle ne peut pas dire ouvertement que le Hezbollah peut légitimement conserver ses armes. Mais elle n’a pas non plus la moindre intention de les presser à s’en départir. Rien d’étonnant, dans de telles conditions, à ce que le mouvement terroriste n’en fasse qu’à sa tête, au mépris des condamnations récoltées.




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