La cause palestinienne en perdition
Au milieu de l’étalage larmoyant de sang versé parmi les civils sans bras du peuple palestinien, la galvanisation fomentée par les idéologues terroristes, en collaboration avec certains acteurs régionaux, a catapulté la question palestinienne dans la crise la plus grave qu’elle ait connue jusqu’à présent.
Cette cause est aujourd’hui au bord de l’extinction, en passe de devenir une simple intrigue secondaire dans un conflit plus large, fortement influencé par des dimensions religieuses sous les auspices du parrainage iranien. Le récit palestinien se mêle progressivement à la lutte en cours entre les États-Unis et Israël, d’une part, et ce que l’on appelle l’axe de la résistance, dont le fer de lance est l’Iran, d’autre part.
Si cet axe parvient à faire pencher la balance dans le conflit en cours à Gaza, il pourrait se métamorphoser en une vaste arène de règlements de comptes géopolitiques. Notamment, l’erreur historique commise par l’organisation terroriste Hamas réside dans le fait qu’elle n’a pas compris les répercussions de l’abandon de l’identité de la cause palestinienne. Au lieu de cela, il s’est aligné sur un axe régional animé par des objectifs stratégiques dissociés du sort des Palestiniens, qui ne servent qu’à garantir l’influence de l’Iran et de ses alliés. La réduction de la question palestinienne à un conflit entre le Hamas et Israël est un crime périlleux commis sur ordre de Téhéran.
L’époque où les discussions tournaient autour du sort du peuple palestinien, de l’avenir de Jérusalem, des territoires de 1967, des réfugiés et d’autres éléments essentiels du dossier palestinien est révolue. Aujourd’hui, le discours tourne autour du sort de Gaza elle-même - qui la gouverne, qui assume les responsabilités en matière de sécurité, la logistique des hôpitaux, leur emplacement, les mécanismes de financement, et la question cruciale - pour le Hamas et ses associés - des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.
La perspective alarmante qui se dessine depuis le 7 octobre est la réduction potentielle de la question palestinienne aux limites du conflit de Gaza. Les efforts internationaux, arabes et autres, semblent passer de la recherche d’un règlement juste et définitif de la cause palestinienne à un effort concerté visant à faire reculer les forces israéliennes jusqu’aux frontières d’avant le 7 octobre 2023. Cette transformation relègue la question à une sphère humanitaire, semblable à de nombreux dilemmes internationaux où les individus cherchent des identités dans l’enceinte de n’importe quel État disponible. Malheureusement, les sentiments qui prévalent dans le monde arabe semblent réfractaires à la raison, avec une tendance écrasante à glorifier des figures héroïques et à vanter les exploits d’individus tels qu’Abu Ubaida (le porte-parole des Brigades Al Qassam).
Cela renvoie à une regrettable nostalgie qui rappelle les lendemains des attentats du 11 septembre 2001, où des célébrations malencontreuses ont suivi la destruction des tours du World Trade Center. Le tribut exorbitant payé par les peuples islamiques à la suite de ces attaques odieuses est passé largement inaperçu. Il est impératif de tirer la sonnette d’alarme sur la perte imminente de la nature intrinsèque de la question palestinienne, qui passe d’une simple cause de droits à un dossier humanitaire. Cette transformation la place sous l’égide des conflits stratégiques régionaux et internationaux, renforçant ainsi les fondements d’un nouvel ordre mondial.
Toutes les factions palestiniennes portent une responsabilité collective dans la crise actuelle. L’Autorité palestinienne, en particulier, semble inconsciente des dangers imminents et se préoccupe uniquement de prendre le contrôle de Gaza et de régler ses comptes avec ses adversaires du Hamas. Malheureusement, elle ne dispose pas d’une vision globale pour gérer la crise et ne propose pas d’alternatives viables pour un règlement d’après-guerre garantissant la pérennité de Gaza au sein des territoires palestiniens. Il se contente d’implorer les acteurs internationaux de garantir la gouvernance de Gaza après la guerre.
La genèse des transgressions commises par les décideurs palestiniens remonte non seulement à la récente opération du déluge d’Al-Aqsa, mais aussi à l’alignement du Hamas terroriste sur Téhéran et d’autres éléments de ce que l’on appelle l’axe de la résistance. Leur incapacité à discerner les dangers de la transformation d’une lutte nationale légitime en un pivot de l’appareil terroriste sectaire de l’Iran a semé les graines de la situation actuelle. Le silence qui entoure le pouvoir croissant des milices terroristes, y compris le Hamas et le Hezbollah, leur a permis de se métamorphoser en une menace redoutable, reconnue même par les plus grandes puissances du monde.
Ces organisations terroristes ont mis à profit les longues années pour renforcer leurs capacités et développer leurs forces jusqu’à ce qu’elles débouchent sur une crise qui a laissé tout le monde impuissant. Personne n’aime pleurer sur le lait renversé, mais nous écrivons parce que nous voyons que l’erreur persiste et que l’Iran continue de mener la danse et d’avoir le plus grand rôle dans le contrôle de la sécurité et de la stabilité au Moyen-Orient. Tout le monde observe les tirs de missiles depuis le Yémen, l’Irak, la Syrie, le Liban et Gaza, sans aucune solution. Si le conflit à Gaza prenait fin, tout le monde applaudirait et célébrerait une victoire fictive sur les corps de dizaines de milliers de victimes.
Tout le monde attend des solutions de la part des Etats-Unis, et tout le monde sait aussi que l’administration du président Biden n’a pas été capable de mener un conflit militaire depuis son entrée en fonction. Comment peut-elle décider de s’engager dans un conflit alors qu’elle prépare des élections présidentielles en vue d’un second mandat ?
Je n’appelle pas ici à des positions arabes irréalistes, et personne ne doit être tenu pour responsable de ces accumulations historiques, dont l’existence, la consolidation et la poursuite sont partagées par tous dans la région et au niveau international. Mais appelons un chat un chat. Toutes les parties concernées doivent reconnaître qu’un diagnostic précis de la réalité est le bon point de départ pour un traitement qui s’attaque aux causes et non aux symptômes.