lundi 5 février 2018 - par Gabriel

La condition inhumaine

 

A chaque instant, dans tous les pays, sous tous les climats, l'homme métronome vacille de la servitude volontaire à l'esclavage subi, obligatoire. Broyé par un travail souvent non désiré, il trime pour s'insérer dans une société déshumanisée qu'il s'est lui-même façonnée. Quel que soit le niveau où il se situe dans l'échelle des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est sensé lui être vitale voir utile, il se flagelle le plus souvent en vain pour le superficiel. L'être humain n'est plus reconnu en tant que tel, il est devenu une matière première malléable et corvéable à merci, une variable d'ajustement économique qui passera dans une comptabilité prévue à cet effet, de la colonne crédit à la colonne débit suivant son taux de rendement et de profitabilité.

 Chaque zone de production est composée de la sorte, une petite minorité exploitant une grande majorité pensant qu'elle n'a pas d'autre choix que d'accepter et d'endurer d'où, l'incompréhensible toute-puissance des opprimants sur les opprimés dont la finalité de l'activité se résulte à servir et enrichir leurs oppresseurs. Dans cet organigramme infernal, les dirigeants ont très bien compris qu'il fallait hiérarchiser les fonctions par l'attribution de pouvoirs fictifs à des subalternes qui, se croyant soudain investis d'une mission d'après leurs mérites, viendront écraser et presser leurs congénères transformant de fait, le travail de qualité assumé en tache bâclée et déresponsabilisée au nom du sacrosaint rendement financier. La productivité à marche forcée abolit la réflexion et tue la créativité.

 L'ensemble des travailleurs, surtout agricoles et industriels subit aujourd'hui un burn-out incroyable. Le nombre des dépressions et suicides est en pleine expansion, qui s'en chagrine ? Certainement pas les leaders responsables de ce capitalisme sauvage ni les médias, censés informer et prévenir les maux de la société, qui leur appartiennent. Sur les lieux de travail, on ne parle plus d'accomplissement, d'élaboration, d'évolution mais de corvée, devoir, effort. Un mot magique, devant lequel tout le monde se prosterne pour englober tout cela : " Business ". Avez vous remarquez comment l'usage de la langue anglaise dans le monde du travail balaie par sa simplicité d'expression et ses raccourcis grammaticaux tout sentiment d'humanité ? Attention, leur dialectique a changé la vision du monde. Ils interdisent le débat d'idée et imposent leur morale. Ce sont les bien-pensants qui ne dérapent jamais et pour cause, ils sont la glace.

 Des changements radicaux présentés comme des évolutions par la caste dirigeante, tel que la robotisation, l'informatisation, la délocalisation, afin d'accumuler des profits non redistribués, imposent la précarisation, la flexibilité, la polyvalence qui engendrent à leurs tours, les emplois précaires, le chômage, la pauvreté. Encore une fois, qui s'en émeut ? Pas les possédants, car habitués aux privilèges, l’égalité leur semble une frustration. Dans cet accouchement aux forceps, deux catégories sont mises au monde du travail. Premièrement les exploités sous-payés, pressés comme des citrons et vivant dans l'angoisse permanente de perdre les chaines qui font d'eux des esclaves. La seconde, celle des chômeurs sans cesse en expansion de par leur nombre. Bien entendu, ces deux parties sont interchangeables et créées de toute pièce afin d'initier une compétition permanente entre actifs et passifs pour le plus grand bonheur des exploiteurs qui rêvent de restaurer la société des seigneurs et du servage. Leur programme est simple, une main-d'œuvre amovible, jetable et remplaçable payée avec des cacahouètes et disponible 24H sur 24.

 Revenons à cette catégorie médiane très minoritaire qui, s'en sans rendre compte, alimente, entretien et permet la stabilité de ce système pervers. Les chefs, sous-chefs et autres parasites mettant leur médiocrité au service de cette basse besogne et prospérant dans l'ombre des premiers. Je parle bien entendu de ceux qui ont fait allégeance à ce système en toute connaissance de cause et dont les effets pervers sont pour eux source de jouissance de leur insignifiant et illusoire petit pouvoir. Ceux qui vendraient père et mère pour les miettes d'un salaire supérieur, un titre ronflant ou de basses flatteries. Ceux qui croient que nous sommes plus déterminés par ce que l'on possède que par ce que nous sommes réellement, le fruit de nos actions. Ceux-là sont indispensables à l'équilibre de cet enfer, le mal nécessaire, la métastase de la pathologie, les piliers du bagne des travailleurs et par leurs néfastes actions, la passerelle alimentant les richesses des pharaons régnant sur la pyramide.

Quel bilan tirer de cette situation si ce n'est que l'homme ne s'épanouit presque plus dans son travail, que ce mode de vie imposé et basé sur la possession de biens matériels manufacturés sclérose sa créativité, tue sa spontanéité. Charlie Chaplin avait déjà singé le modèle et Orwell nous avait prévenus de ses excès. Nous avons le droit et le devoir de poursuivre et de punir le travail homicide, le travail qui abrège la vie de l'homme, qui estropie l'enfant, le travail qui déforme la femme, qui fait dégénérer l'espèce et déchoir les nations. Dans ce cas nous luttons pour la liberté, nous combattons le crime qui l'abroge, l'attentat à l'humanité qui se propage.

"Il n'est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir." Albert Camus

"L'esclave n'a d'autre refuge contre les caprices sans loi d'un maître, contre son pouvoir sans limites, contre sa cruauté sans répression, que la révolte ou la vengeance. Un front courbé sous le joug ne couvera que de sombres pensées, un cœur ulcéré par les mauvais traitements ne palpitera que d'émotions haineuses, n'enfantera que de sinistres projets." L.A Martin



8 réactions


  • Gollum Gollum 5 février 2018 12:49

    « Dans la glorification du ’travail’, dans les infatigables discours sur la ‘bénédiction du travail’, je vois la même arrière pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu’on sent aujourd’hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu’un tel travail constitue la meilleure des polices, qu’il tient chacun en bride et s’entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l’amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l’on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l’on adore aujourd’hui la sécurité comme la divinité suprême. – Et puis ! épouvante ! Le « travailleur « , justement, est devenu dangereux ! Le monde fourmille d’‘individus dangereux’ ! Et derrière eux, le danger des dangers – l’individuum ! […] Êtes-vous complices de la folie actuelle des nations qui ne pensent qu’à produire le plus possible et à s’enrichir le plus possible ? Votre tâche serait de leur présenter l’addition négative : quelles énormes sommes de valeur intérieure sont gaspillées pour une fin aussi extérieure ! Mais qu’est devenue votre valeur intérieure si vous ne savez plus ce que c’est que respirer librement ? Si vous n’avez même pas un minimum de maîtrise de vous-même ? « 

    Nietzsche, Aurore (les zones en gras le sont de par mon initiative)

  • Ruut Ruut 5 février 2018 13:08

    Pourtant NIKE a, rien qu’avec son nom, expliqué son concept de base.


    • Gabriel Gabriel 5 février 2018 13:35

      @Ruut
      Excellent ! Merci. Ces grandes firmes s’enrichissant grâce à la bêtise consommatrice et sur la misère d’autrui. En effet, comment expliquer l’achat d’une paire de chaussures ou d’un tee shirt à cinquante fois sa valeur alors qu’en début de chaîne l’enfant ou la femme qui les fabrique n’a même pas de quoi se chausser ou se vêtir....


    • scorpion scorpion 5 février 2018 16:16

      @oncle archibald

      Toi t’es tu genre à oublier que tu es né au bon endroit au bon moment... Un Monsieur plein de certitude quoi ! Peut-être que tu l’ouvrirais moins si tu étais né au Vietnam à bosser pour Nike à l’age de 10 ans Ducon ! 

    • Ruut Ruut 6 février 2018 10:01

      @oncle archibald
      Sauf que ces produits ne sont pas disponibles. (en n’achetant plus rien qui ait été fabriqué en Asie.)

      Donne moi où je peut acheter un matériel informatique 100 % conçus et Fabriqué en France, OS inclus.

      Où je peux acheter du 100 % conçus en France et Fabriqué en France ?

      Car même dans tes jouets actuellement Made in France tu as une majorité des pièces Made in China ou Taïwan. (C’est en plus Légal en France ce mensonge)
      Donne les magasins et les sites.


  • Claude Courty Claudec 5 février 2018 17:13

    Comparer l’avoir des plus riches au dénuement des plus pauvres, comme le font les champions d’une lutte des classes ayant pourtant fait depuis toujours et partout la démonstration de sa vaine obstination, c’est omettre que la richesse des uns est constituée d’actifs dont les autres tirent leurs revenus, aussi faibles soient-ils. Ce sont ces avoirs – ce fameux Capital – qui financent les outils de l’économie, le progrès, l’emploi et la rémunération de tous ceux qui participent à l’accroissement de la richesse globale de la société, ne serait-ce que par leur consommation, aussi faible soit-elle. Ramener ce mécanisme à une comparaison de richesses individuelles n’a aucun sens, sauf à réduire la légitime aspiration au bien être des plus démunis, en soif d’un égalitarisme sommaire et sans issue conduisant à l’exacerbation d’un sentiment de frustration mortifère.

    Richesse et pauvreté sont des conditions relatives, et en cela l’essence même de toute inégalité – non limitativement d’ordre matériel d’ailleurs. La pauvreté existe par la richesse et réciproquement, instrumentalisée par les uns, combattue par les autres ; compensée dans une mesure toujours insatisfaisante, que ce soit par la charité, par la solidarité ou par la loi.

    Avec ou sans capital, la pauvreté est une fatalité liée à la structure incontournablement pyramidale de notre société et à notre démographie. Par le sort qui le fait naître dans une condition plutôt que dans une autre, chacun est, de sa naissance à sa mort, le riche ou le pauvre de plus pauvre ou de plus riche que lui, quelle que soit l’évolution de sa condition au cours de son existence.

    Ce qui n’est pas une fatalité par contre est la misère profonde dans une société d’abondance, et le nombre toujours croissant de ceux qui en souffrent, laissés pour compte du progrès.




    À population constante, un tassement de la pyramide sociale, en réduisant l’écart entre son sommet et sa base entraîne un élargissement de cette dernière, (augmentation de la pauvreté), alors que l’accroissement de cet écart, tel qu’il résulte d’une étirement de la pyramide vers le haut (enrichissement général), a l’effet inverse. De même, quand la pyramide sociale se développe en volume, du fait de l’augmentation de sa population, le supplément d’activité de celle-ci accroît la richesse globale de la société, avec pour conséquence d’éloigner son sommet de sa base, et pour effet l’accroissement de l’écart entre richesse et pauvreté. Ces deux observations révèlent qu’à une augmentation de l’écart entre richesse et pauvreté correspond une réduction de la pauvreté et inversement, sans modifier les inégalités autrement que dans leur importance. En d’autre termes, l’augmentation de richesse collective réduit la pauvreté et sa diminution l’augmente. La Palice n’aurait pas dit mieux mais aurait pu ajouter que le partage des richesses est une tout autre affaire.

    Plutôt que de nous obstiner, à la manière de la mouche qui se heurte contre la vitre qu’elle ne voit pas, à la poursuite d’une utopique suppression des inégalités, nous devons donc être conscients que notre seule possibilité est de les réduire par une population moindre – régulation des taux de natalité à l’échelle planétaire, par l’éducation notamment – et un choix entre plus de riches et moins de pauvres, ou moins de riches mais davantage de pauvres.

    • Gabriel Gabriel 5 février 2018 17:58

      @Claudec


      Je n’aurais pas mieux formalisé la situation. Cet article est fait pour parler de la détérioration des conditions de travail aussi bien morales, physiques que financières. Je n’ai jamais prêché l’égalité qui en soit est une absurdité tant que les différences naturelles existes mais je prêche pour l’équité. Aujourd’hui les fortunes captées par une minorité sont colossales et sans justificatif pendant que des femmes et des enfants travaillent comme des esclaves. Enfin pour terminer sur votre juste conclusion, tant que le problème de la surpopulation ne sera pas abordé sérieusement, toutes les dérives vont s’amplifier avec le lot de catastrophes. 

      J’en parle dans cet article dont je vous donne le lien ci-dessous.


      Merci de votre participation.

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