mercredi 5 octobre 2005 - par Luc

La construction européenne est morte

Le premier coup d’arrêt brutal à la construction européenne a été porté par la France le 29 mai, qui a sabordé le projet de constitution qu’elle avait elle-même élaboré, et cela en suivant les conseils éclairés de Laurent Fabius.

Le deuxième coup vient d’être porté par l’Angleterre. Jack Straw, a annoncé cette nuit l’ouverture des négociations avec la Turquie pour son adhésion à l’Union européenne,au mépris de l’opinion publique de tous les pays d’Europe de l’ouest, fondateurs du projet européen, qui sont globalement opposés à cette entrée.

D’abord, on peut se poser une question très simple : La Turquie est-elle en Europe ?

Et puis, imagine-t-on un jour l’espace de Schengen étendu à la Turquie et qui se retrouve avec des frontières communes avec la Syrie, l’Irak, l’Iran, etc . ? Bien sûr que non. Alors, pourquoi étendre l’Europe au-delà de ses limites, pour intégrer un pays initégrable comme la Turquie ?

La réponse est simple : l’Angleterre n’a jamais voulu "intégrer" l’Europe. Un exemple frappant est le fait que jamais l’Angleterre n’abandonnera la livre sterling pour passer à l’euro. Jamais.

L’Angleterre ne voit dans l’Europe qu’un marché sans barrière douanière pour permettre à son économie ultra-libérale de se développer. Un point, c’est tout. Et, dans cette perspective, bien sûr, bienvenue à la Turquie, mais aussi à l’Ukraine, et, pourquoi pas, au Maroc ! Fini l’idéal de construire une famille bâtie sur des valeurs communes (qui étaient listées dans la partie 2 de la constitution : La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne). Terminé ! L’Europe des marchands, la loi du plus fort, un point c’est tout.

Il faut saluer le courage de l’Autriche, qui a essayé de proposer une porte de sortie, un partenariat privilégié avec la Turquie, qui permettait à la fois de satisfaire les appêtits commerciaux de l’Angleterre et l’intégrité de l’identité européenne de l’Europe unie. Mais l’Autriche a dû s’incliner, se retrouvant seule contre tous (on peut noter au passage le silence de Chypre et celui de la Grèce).

Donc, le projet européen est bien mort. C’est fini. Je pense que l’on verra dans les années qui viennent certains pays utilisant l’euro revenir à une monnaie nationale. Et puis, consécutivement au mépris des dirigeants face à l’opinion publique de leur pays, on verra monter les nationalismes, et on s’étonnera ...

Toutes les valeurs pour lesquelles les pères fondateurs du projet européen se sont battus n’ont malheureusement plus cours aujourd’hui.

Pour en savoir plus :
1. Analyse d’un beau gâchis (Chez Luc)
2. La Turquie est-elle en Europe ? (Chez Luc)
3. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (Chez Luc)

Crédit illustration : Turkish Forum



15 réactions


  • albert (---.---.144.100) 5 octobre 2005 10:44

    Votre analyse est trop pessimiste, je ne partage aucune de vos idées et pense véritablement que l’Europe sort grandi de cet accord avec la Turquie.

    Et s’agissant des autres pays voisins de la Turquie,Arménie, Georgie, Ukraine...Et bien oui, ces pays sont destinés à intégrer l’Union européenne. Et celà marquera une autre étape pour la grandeur de l’Europe, ce sera l’Europe « super-puissance ».

    Tout le monde parle d’une europe moribond, je pense au contraire que d’ici 50 ans, nous allons assister à l’ âge adulte de l’Europe.

    Votre vision est trop ancestral,« archaique », tournée sur quelques pays ...Avec cette vision « minimaliste », impossible de voir éclore une Europe « super-puissance », il vous faut le reconnaître.

    Vivement que la Turquie ouvre ses frontières avec l’Arménie, et vous verrez un autre visage de l’Europe,l’Europe « eurasien ».


  • marsu (---.---.143.239) 5 octobre 2005 11:04

    avec un article comme ça il ne vous reste plus qu’à partir élever des ours au Groënland (et encore, c’est dans l’europe puisque c’est le Danemark)...

    En tout cas je ne partage absolument pas votre pessimisme. Et je pense qu’il faudra en effet quelques dizaines d’années pour une évolution durable des mentalités mais que ça viendra.

    Concernant la livre sterling, who cares ? de toute façon le taux de change est quasi constant compte tenu du pacte de stabilité, donc qu’ils gardent leurs billets avec la reine ou prennent les euros, ça ne changera rien. Laissons leur le temps de sortir leurs esprits parfois étroits du smogg de leur île...


  • phantow (---.---.51.231) 5 octobre 2005 11:19

    Une seule certitude, la constitution europeenne se construit sans réel débat.

    Que l’on adhère ou pas,on ne nous demande pas notre avis.


  • Eric (---.---.50.116) 5 octobre 2005 11:44

    Il est clair que la rentrée de la Turquie dans l’UE va donner des nouvelles armes au nationalisme. N’oublier pas que l’extrème droite monte en puissance dpuis quelques année, alors attention a la goute qui fait débordé le vase.


  • Mathieu (---.---.212.160) 5 octobre 2005 11:54

    C’est étonnant qu’on nous resorte les mêmes raisons contre la Turquie, ce pays ne pourrait pas s’intégrer à l’union Européenne, il y a trop de différence entre eux et nous. Parcqu’entre les pays européens, il n’y a pas de différences ?? Pas de désaccord ?? Rappelons que les anglais refusent de s’intégrer totalement en passant à l’Euro (ils ont bien raison d’ailleurs, vu l’arnque que c’est) mais là ça dérange personne


  • khavadanek (---.---.10.117) 5 octobre 2005 16:01

    Si le but de l’UE est de reconstituer l’Empire Romain, il falait le dire dès le début ! Si c’est pour éviter la guerre qu’on fait l’Europe, cette façon de la faire contre ses peuples ne pourra mener qu’à des guerres civiles, des seccessions, des conflits innombrables qui s’amorcent déjà, d’ailleurs. De toute façon la Turquie rentrera dans l’Europe puisque cela est décidé en haut-lieu et l’Europe ne sera que le visage politique du l’OTAN. Pourquoi pas !


  • Stéf (---.---.220.88) 5 octobre 2005 20:05

    Bonsoir,

    A force de vouloir mélanger les différentes populations, cultures...etc...et de vouloir aller vite, les gens ne se comprennent plus et la tendance naturelle et de se refermer sur soi même, et donc de tendre vers le nationalisme. La logique aurait voulu d’« écouter » les sondages et d’agir en conséquence.

    Désolé pour le pessimisme...


  • marsu (---.---.76.25) 5 octobre 2005 21:43

    Faudrait peut-être faire l’effort de s’y intéresser, aux autres cultures !!! c’est pas de l’inné, c’est de l’acquis...

    quant-aux histoires de conflits, d’incompréhension, etc... il faudra m’expliquer en quoi le fait d’être dans l’europe aggravera les choses. Quand on est capable de se foutre sur la gueule avec son voisin, la définition admnistrative de la frontière n’a pas vraiment d’importance...


  • colza (---.---.244.20) 5 octobre 2005 21:57

    Y’a quelque chose que je n’ai pas dû comprendre lors de la campagne pour le Référendum, car lorsque j’ai voté « NON », ça a été contre le TCE et non contre l’entrée de la Turquie dans l’Europe.

    Et j’ai cru comprendre que pas mal de gens avaient fait comme moi !!

    Aurai-je été abusé à l’insu de mon plein gré ????


  • Fridou (---.---.205.199) 5 octobre 2005 22:08

    Je partage votre point de vue sur un point : la volonté du Royaume uni de ne faire de l’Europe qu’une simple zone de libre échange pour ses seuls intêrets.

    L’adhésion de la Turquie me laisse perplexe. Je ne sais pas vraiment quoi penser.


  • Proof OK (---.---.28.210) 10 octobre 2005 10:21

    La france etant le deuxieme beneficiaire (apres l’Espagne) des subventions Europeennes , La mort de l’Europe (et des subventions agricoles )annonce t elle une lente agonie deja commencee de la France ? Exemples : *Coupe de l’America qui choisie Valencia au lieu de Marseille, C’est la faute aux Suisses *Pinault qui choisit Venise au lieu de Boulogne pour son Musee, c’est la faute a ce « sale » capitaliste. *LE comite des J O qui choisit Londres au lieu de Paris, c’est la Faute au comite. *La C E qui prefere donner + de subventions a l’Est et moins a la France c’est la faute a la C E . C’est toujours la faute aux autres , les Francais ils ont gagnes !!!ils ont vote non


  • Brisefer (---.---.54.137) 21 octobre 2005 20:31

    Ah ça y est Luc, t’as enfin compris ? beh ça me fait plaisir...


  • Philippe (---.---.93.175) 8 février 2006 16:54

    oui, l’Europe va peut-être voler en éclats. Victime de ses institutions, coupables d’avoir voulu aller trop vite, voulu se mèler de tout et pas seulement de ce qui apporte un réel progrès aux populations, coupables de n’avoir pas su se limiter en pouvoir et en volume.

    Les français en seront les premiers perdants, car l’europe était un frein puissant à la gabegie des énarques et de nos politiciens véreux. Restera le doute de savoir si les maux européens n’ont pas été la réplication de nos travers, qu’en quelque sorte nous aurions contaminé ces institutions...


  • www.jean-brice.fr (---.---.108.227) 18 février 2006 20:29

    La construction européenne menée à l’encontre des nations ne pouvait finir que comme ça : l’Europe avec des nations qui ont, au bas mot, mille ans d’histoire ne peut se créer comme les USA qui sont partis, non sans difficultés, d’un territoire presque vierge. L’Europe ne pourra se faire sans les nations : c’est une réalité INCONTOURNABLE ...


  • Senatus populusque (Courouve) Courouve 18 février 2006 21:49

    Le nombre important de petits États (voire d’États quasi fictifs) et leur sur-représentation systématique au Parlement (ainsi le Luxembourg, 0,093 % de la population, mais 0,8 % des sièges) ajoute encore au déficit démocratique de l’Union et discrédite la construction européenne. Selon la Déclaration n° 40 (jointe au Traité) et les statistiques d’Eurostat, lors du passage prochain à 27 États membres, 78 députés français au Parlement européen auraient représenté une population de 60 561 000 habitants, et 6 députés luxembourgeois une population de 455 000 habitants seulement. Bref, un électeur Luxembourgeois (ou aussi bien un Maltais) vaudrait dix électeurs Français au Parlement européen ; sur-représentation dont la plus grande partie de la population de Malte ou du Luxembourg ne tire guère de bénéfice. Au Conseil [des ministres] et au Conseil européen, selon le protocole n° 34 (titre II, art. 2) joint au Traité, la pondération appliquée jusqu’à fin 2009 aurait donné 29 voix à la France et 4 au Luxembourg, soit un rapport de 1 à 7 alors que le ratio des populations est de 1 à 130 ! C’est probablement ce qui explique cet air de supériorité qu’arborait l’année dernière, à France Europe Express, Monsieur Jean-Claude Juncker, alors président en exercice du Conseil européen et Premier ministre du Grand-duché. L’Europe d’en haut ...

    Cette disproportion était inscrite dans la Constitution proposée, à l’art. I-20, § 2, sur l’insistance des Gouvernements, m’a précisé Valéry Giscard d’Estaing lors de sa venue à Montluçon le 24 mai 2005 ; cet article fixait un minimum de 6 députés par État membre, et un maximum de 96 députés. Selon cette règle déplorable, après 2009, l’électeur européen luxembourgeois ou maltais aurait pesé 13 fois plus que l’électeur allemand. Ceci contredit le principe de l’égalité des droits proclamé à l’article II-80. Cette situation empirerait si Andorre, le Liechtenstein, le Kosovo, Monaco et le Vatican devaient rejoindre l’Union européenne ... Par ailleurs les règles de représentation des citoyens au Parlement européen n’étaient pas définies précisément. En France, la loi électorale n’est pas non plus inscrite dans la Constitution, mais le srutin est « toujours universel, égal et secret (art. 3, al. 3), ce qui n’est pas le cas, pour l’égalité, avec l’élection au Parlement européen ; dans le Traité constitutionnel, à l’article II-99, alinéa 2, on lit : « 2. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret. » Exit l’égalité ...


Réagir