La cooptation par le bas
Je ne vais pas vous raconter tous mes exploits. Sachez juste, qu'à leur âge, j'étais largement aussi bête que les émeutiers. Du coup je les comprends.
Et je me remémore, qu'il y a 30 and déjà, moi aussi je trouvais que le monde était horriblement injuste. Mais ce n'est pas le pire. Le pire, c'est que l'on a l'impression que les adultes s'en foutent. C'est ça qui est inexcusable.
Si au moins on voyait à la télé ou aux info, que les adultes essayent réellement de résoudre les problèmes de notre temps, on pourrait être solidaire du monde des adultes. Mais là c'est tout l'inverse. On soutient les nazis ukrainiens. Les pédocriminels, les trafiquants d'organes, n'ont pas l'air très inquiétés. On nous a envoyés nous faire piquer alors que ça ne servait à rien.
Est-ce que brûler des poubelles, caillaisser des policiers, déteriorer, voire détruire des édifices publics y change quelque chose ? Non, je suis d'accord que non. Mais d'un autre côté, ne rien faire ne changerait rien non plus.
Et vous devez comprendre, Messieurs les adultes, que tant que l'on a pas de passion, qui nous donne une raison de vivre, tant que l'on a pas trouvé l'amour, eh ben on s'en fout. Si vous ne comprenez pas ça, vous ne comprendrez jamais rien à rien. En tout cas rien aux adolescents.
Bon, permettez-moi de revenir trente ans plus tard, et de parler un peu solution. Et peut-être d'abord état d'esprit. La première chose à dire, c'est que c'est uniquement lorsque l'on a renoncé à vouloir changer le monde, qu'on peut le changer, le monde. Cela on l'apprend ni avec la passion, ni avec l'amour, mais par l'expérience, avec le processus de maturation.
La deuxième chose à dire, c'est qu'il faut comprendre le monde. Évidemment, du point de vue de l'adolescent, le monde de l'adulte est uniforme. Il voit bien qu'il y a une hiérarchie, à laquelle tout le monde croit, mais tout le monde va dans la même direction, indifférente à l'injustice. Ce n'est que lorsqu'il aura trouvé sa passion, ou que sa passion l'aura trouvé, qu'il verra des gens suivant un chemin désirable. Divergeant par rapport à la masse, mais inspirant, désirable.
En tout cas pour faire simple, s'il y a de l'injustice c'est qu'il y a des gens qui prennent des décisions injustes. On peut tourner autour du pot assez longtemps, mais tôt ou tard c'est à cet endroit que l'on arrive. La question est alors de savoir pourquoi ceux qui sont en position de décider prennent parfois des décision injustes.
Les raisons peuvent varier, mais la plupart du temps c'est parce que rendre la justice pourrait pertuber le monde d'en haut, embêter des gens qui sont plus haut dans la hiérarchie. Et ça ils ne le feront pas, parce que justement, ils doivent leur place à des gens qui sont plus haut qu'eux. Ils ont été cooptés par le haut.
Alors, ce qui est difficile à expliquer à un adolescent, c'est que bien souvent on ne peut pas faire autrement. La civilisation, en tout cas l'État nation qu'a développé en particulier le peuple français, se base sur l'idée que l'État doit être structuré par une élite. Cela lui permet d'être le plus efficace, au service de la population. Donc forcément c'est le haut qui doit décider, et décider en particulier qui décide.
D'un autre côté, cette cooptation par le haut devrait être contre-balancée par une cooptation par le bas. Car c'est ce manque d'équilibre qui nous précipite dans l'abîme. D'un point de vue politique d'ailleurs, les injustices ponctuelles ne sont pas aussi domageables que les blessures à l'intérêt général, au profit d'intérêts particuliers. Car oui, l'élitisme c'est bien. Mais le poisson pourrit par la tête. S'il ne reçoit pas régulièrement du sang neuf, en provenance des membres inférieurs.
L'endroit stratégique où le peuple doit cependant réussir à effectuer une cooptation par le bas, c'est l'Assemblée nationale. Les députés sont les représentants du peuple, et ils ont les outils constitutionnels pour contrôler le Gouvernement, et même le Président. Sachant que les candidats à la députation ayant une chance d'être élus sont de toute façon pré-sélectionnés le plus souvent par la commission d'investiture d'un gros partis, ils sont d'une certaine manière cooptés par le haut.
Mais l'équilibre pourrait être atteint, si les commissions d'investiture voyaient que parmi les candidats qui se sont proposés, certains ont réellement été cooptés par le bas. Ça peut les embêter d'un côté, mais d'un autre côté de tels candidats ont plus de chance d'être élus au final : ils ont moins de casseroles. Ils sont peut-être moins habiles à la tchatche, mais ils inspirent plus confiance.
Pour arriver à une telle situation, des citoyens d'élite conscients des enjeux doivent demander à leur préfecture la liste électorale de leur circonscription, comme la loi les y autorise. Ils doivent ensuite tirer au sort sur cette liste environs mille grands électeurs, à qui ils demanderont par qui ils voudraient être représentés à l'Assemblée nationale. Si le même nom revient ne serait-ce que deux ou trois fois, ne cherchez plus, vous avez votre candidat.
Après il faut voir si la personne veut bien se présenter, c'est pas gagné, et si oui par quel parti elle pourrait être soutenue. Ce qui est parfois très difficile à digérer.