La défaite militaire de Daech : La prochaine étape ?
Une page du terrorisme a été tournée après que les Forces démocratiques syriennes, soutenues par les États-Unis, ont annoncé la restauration de la ville d’Al-Baghouz, la dernière enclave contrôlée par Daech en Syrie orientale.
Ainsi a été annoncée la chute officielle du soi-disant califat proclamé par Abou Bakr al-Baghdadi en 2014.
Mais, sur le plan idéologique, l’organisme demeure actif. Les cellules dormantes disséminées dans de nombreux pays et régions évoluent toujours, ainsi qu’un nombre indéterminé de sympathisants et de fanatiques.
Il est vrai que la défaite de Daech en Syrie est une défaite militaire absolue. Cette organisation a dominée une zone d’environ 90 000 kilomètres carrés, d’une population de près de 8 millions d’habitants, qui contient d’importantes ressources pétrolières et des points de passage lucratifs.
La défaite du symbole du leadership peut avoir l’effet d’une défaite militaire et que la survie du leadership ne signifie pas nécessairement le maintien de la force de l’organisation.
Le leadership a perdu une grande partie de son influence aux yeux de ses partisans après des défaites successives. Les partisans de ces organisations idéologiques pourront lier les défaites à la mauvaise gérance par l’autorité centrale.
Il est possible que la difference des visions et des projets de réunification de l’organisation et la concurrence entre les dirigeants, due à la faiblesse au sommet de la hiérarchie, entraînent le son démembrement. Daech pourrait se diviser en groupes moins puissants, plus dispersés géographiquement, mais plus radicaux et plus brutaux.
L’une des conséquences possibles de la défaite idéologique est aussi l’intensification des discussions et des différends entre les idélogues du terrorisme sur les priorités opérationnelles, comme la définition de l’ennemi et s’il faut attaquer la cible proche ou lointaine.
Le conflit idéologique entre Daech et al-Qaïda va s’intensifier, surtout après l’échec de l’idée d’établir un califat plutôt que de créer les conditions favorables à la création d’un État islamique comme le croit al-Qaïda.
La littérature et l’expérience modernes en matière de terrorisme confirment que les racines de l’extrémisme et du terrorisme, si elles sont plantées dans un pays, y resteront ancrées à moins qu’elles ne soient déracinées. Il faut des efforts prolongés pour s’en débarrasser et pour diffuser la tolérance et la coexistence.
Ce qui s’est passé en Syrie, c’est la défaite de l’idée, pas son éradication. Son retour et sa croissance dépendent des pratiques de la phase post-Daech et s’il existe ou non un atmosphère propice à son retour.
Il ne s’agit pas, comme le pensent les responsables américains, seulement d’exercer des pressions militaires constantes. Il faut plutôt résoudre les problèmes que Daech a exacerbés, tels que la pauvreté, le chômage et la faim.
Il faut mettre fin aux injustices sociales et à la discrimination au niveau de la population des zones qui ont été contrôlées par l’organisation, car ces problèmes peuvent servir de prétexte aux organisations terroristes pour recruter et mobiliser des nouveaux éléments.
Un autre point d’interrogation concerne le sort des membres restants de l’organisation en Syrie et en Irak.
Le passage au travail clandestin est la caractéristique principale de cette phase. L’organisation devient une bande décentralisée et parfois individuelle (« loups solitaires »), en raison de la difficulté de communiquer et de transmettre les ordres selon la hiérarchie organisationnelle qui a prévalu sur les cinq dernières années.
Le terrorisme clandestin et dispersé n’est pas moins dangereux que le terrorisme organisationnel. Le fait de s’installer dans des zones montagneuses, plutôt que dans des basses terres et des zones résidentielles a ses avantages. Il permettra aux terroristes de se mobiliser et de réorganiser les rangs, puis de lancer des attaques occasionnelles dont le but sera de déstabiliser la population et de détourner les autorités des autres activités, comme la reconstruction.
Cette situation prolongera le chaos et fera de l’instabilité une caractéristique essentielle de ces régions. Le Pentagone estime que Daech reçoit encore des dons en espèces de l’étranger allant de 50 millions à 300 millions de dollars. Le financement assure la continuation du fonctionnement des éléments de l’organisation et de ses activités.
Il est donc trop tôt pour parler de la défaite du terrorisme. Entre 14 000 et 18 000 combattants en Irak et en Syrie, dont environ 3 000 combattants étrangers, prêtent encore allégeance à Daech, selon des estimations internationales.
James Jeffrey, le représentant spécial des États-Unis pour l’engagement en Syrie, estime qu’il y a entre 15 000 et 20 000 combattants d’Al-Qaïda actifs dans la région. Un si grand nombre de personnes, si elles continuent leurs activités terroristes sous le manteau, peuvent troubler n’importe quel pays.
Une stratégie doit être élaborée à ce sujet dans la phase suivante, car même après la défaite du terrorisme sur le plan militaire, le terrorisme est loin de compter ses derniers jours.