jeudi 11 mai 2017 - par Bruno Hubacher

La frilosité du Parti Socialiste suisse

Minorisé dans un gouvernement de droite, le ministre socialiste suisse des affaires sociales, Alain Berset, présente au parlement une réforme des retraites, pas vraiment sociale, censée pérenniser une assurance, menacée par l'augmentation de l'espérance de vie. Le système de retraite suisse est basé sur une assurance publique par répartition et une assurance privée par capitalisation obligatoire.

Voilà une bonne affaire que nous propose le conseiller fédéral socialiste Alain Berset, une réforme du système de retraite, qui se résume à une augmentation de rente, compensée par une baisse de rente. Cela laisse pantois.

En effet, un petit calcul suffit pour se rendre compte qui sera le dindon de la farce de l’opération. Côté prévoyance obligatoire par capitalisation, une baisse annoncée du taux de conversion de 0,8% sur un capital retraite de CHF 500'000.00, résultera, taux de placement zéro pourcent oblige, en une baisse de rente de CHF 335.00 par mois, « compensée », côté prévoyance obligatoire par répartition par une augmentation de la rente AVS de CHF 70.00 par mois.

Ceci pour le revenu brut. En ce qui concerne le pouvoir d’achat, déjà durement éprouvé par une stagnation des salaires depuis 15 ans, il sera péjoré par une hausse de la TVA de 0,6%, et comme si cela ne suffisait pas, le ministre propose une augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Une assemblée des délégués du parti socialiste vient d’approuver cette réforme avec un score stalinien de 90%. Décidément, l’esprit de combativité des camarades est sans limite.

Les partis bourgeois annoncent d’ores et déjà de la torpiller cette réforme, non pas parce qu’ils la trouvent injuste, mais parce qu’ils objectent l’augmentation de la rente AVS de 70.00 par mois, le prix d’un bon repas. Elle se comporte ainsi comme la droite réactionnaire américaine qui s’oppose à la réforme de l’assurance maladie de l’actuel président parce qu’elle estime qu’elle ne va pas assez loin.

C’est à nouveau la classe moyenne dont le pouvoir d’achat sera amputé encore un peu plus, qui supportera le gros du coût de cette réforme. Les 70 CHF destinés surtout à alléger le portemonnaie de la classe défavorisée, partiront en « pschitt » dans la consommation, et la classe aisée, qui détient le capital, sera à nouveau épargnée. Elle continuera à réinvestir les gains de productivité dans les marchés financiers dont les indices sont à nouveau à des pics historiques.

Dans une étude, publiée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique OCDE à Paris, sous le titre « Partage de la valeur ajoutée entre travail et capital « , celle-ci conclue que « ces trois dernières décennies, la part du revenu national, constituée des salaires, la part du travail, a diminué dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE. Le recul de la part du travail est allé de pair avec une augmentation des inégalités de revenu marchand, de nature à mettre en péril la cohésion sociale et à ralentir le rythme de la reprise en cours. »

En effet, les continuelles restrictions budgétaires de l’état, irresponsables et contre-productives, l’absence d’investissements de la part des entreprises et l’absence de consommation, faute de pouvoir d’achat, pénaliseront largement les futures cotisations à l’AVS. En sapant le pouvoir d’achat des futurs rentiers, toujours plus nombreux grâce au rallongement de la durée de vie mais également à cause de l’absence d’une politique familiale digne de ce nom on se tire une balle dans le pied, car, en copiant l’Allemagne, on détruit l’économie domestique, or on pourrait profiter des fruits d’années des surplus extérieurs accumulés, sur le dos de nos partenaires économiques, il faut bien le dire.

Bien que la très conservatrice « Neue Zürcher Zeitung » veut nous faire croire que « la situation économique de la Suisse et bien meilleure que le ressenti dans la population ». Peut-être, mais cela dépend pour qui. Pour les actionnaires sans doute, car la bourse bat des records. Selon la NZZ, les exportateurs ont déjà oublié le choc du franc de 2015. Pourquoi avoir tant pleurniché alors ? La demande extérieure est forte et l’export est en expansion à nouveau. Certes, le choc du franc a couté à l’économie suisse 10 mia CHF et 10’000 places de travail. Mais c’est déjà oublié, car on nous annonce un taux de chômage historiquement bas. Sans doute les 10'000 malheureux on retrouvé du travail.

Il est grand temps que les politiciens de tous bords intègrent dans leur logiciel programmatique le rééquilibrage de la distribution des revenus entre travail et capital, la condition sine qua non pour le maintien d’un système capitaliste fragile, pour lequel, pour l’heure, aucune solution de rechange ne se pointe à l’horizon.

En augmentant l’âge de la retraite des femmes, le parti socialiste suisse va dans la mauvaise direction, car la réduction du temps de travail ira de pair avec la redistribution des richesses. Le phénomène se poursuivra, grâce au progrès technologique, qui commence à toucher le secteur des services, et avec lui les postes de plus en plus qualifiés, comme on peut le constater actuellement avec le dégraissage du secteur bancaire et de l’assurance. 



11 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 mai 2017 11:07

    Par contre, il parait que le parti socialiste de Monaco est très à gauche et représente un véritable espoir pour le peuple monégasque. En Andorre, je sais pas. Au Luxembours, il a été interdit pas Junker juste après le traité de Lisbonne. A moins que Junker soir socialiste, je sais plus trop ...


    • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 11 mai 2017 16:06

      @Jeussey de Sourcesûre
      Vous avez une image un peu caricaturale de la Suisse. Il me semble que j’ai du pain sur la planche pour corriger ce cliché.


    • François Vesin François Vesin 11 mai 2017 17:04

      @Jeussey de Sourcesûre
      C’est bien la première fois que je vous surprend à dire des c...... !!!

      La Suisse est le laboratoire politique d’une autre Europe pour autant
      que l’on s’intéresse encore au sens du mot politique.

      Le système - Commune - Canton - Confédération - cher aux Girondins
      français, met ce pays à l’abri des pitoyables jacobineries qui ruinent le
      peuple de France et asservissent peu à peu sa souveraineté.

      Pour autant, la Suisse n’est pas un havre de bonheur entre une caste
      néo-libérale toute puissante et une gauche symbolique qui, comme le
      montre l’article, n’hésite pas à brader ses fondamentaux.

      Personne en Suisse ne guette l’homme providentiel et chaque citoyen
      a conscience qu’aussi infime soit sa voix, elle est déterminante à chaque
      consultation (et le peuple est consulté tous les 3 mois).

    • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 11 mai 2017 17:34

      @François Vesin
      Vous avez tout compris


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 mai 2017 18:05

      @François Vesin

      « C’est bien la première fois que je vous surprend à dire des c...... !!! »


      Merci pour ce crédit que vous m’accordez et que je ne mérite pas.


      Et puis, même les plus beaux bébés se laissent aller dans leurs couches et les créatures de rêves qui vous font fantasmer vont aux WC : tout cela ets humain, trop humain.

      Pour ce qui est de la Suisse, j’avoue avoir été déformé par une lecture trop précoce de Voltaire qui m’a conditionné : « Les Vaudois pensent peu, et quand ils pensent, ils ne pensent à rien ! »

  • Alren Alren 11 mai 2017 15:49

    Comme quoi il n’est pas nécessaire d’être sous le joug de l’UE pour subir une stupide politique de récession volontaire !


  • Vinciboulette 11 mai 2017 16:00

    Quand on lit que Levrat (pour les non-initiés, le président du PS suisse) a une préférence pour Valls, on n’est qu’à moitié surpris du résultat. Résultat qui nous permet d’ailleurs de douter de son affirmation que le PS suisse est un rassemblement de tendances très diverses.



    • Bruno Hubacher Bruno Hubacher 11 mai 2017 16:03

      @Vinciboulette
      vous m’apprenez une nouvelle, je ne savais pas, ce serait en totale contradiction avec le nouveau manifeste « économie démocratique » approuvé par le camarades au mois de décembre 2016


    • François Vesin François Vesin 11 mai 2017 17:12

      @Vinciboulette
      Dans le même temps, Manuel Tornare (dep’ PS de Genève)

      stigmatise une mission parlementaire qui souhaite se rendre
      en Russie car « on ne discute pas avec les états voyous ».

      Il serait bon de rappeler à ce valeureux moraliste de salon
      que La Confédération Helvétique est neutre et qu’elle se targue
      de pouvoir parler avec tout le monde sans exceptions aucunes.

      Par ailleurs, il n’a pas les mêmes états d’âmes lorsqu’il s’agit
      de laisser les pétromonarques aux mains ensanglantées venir
      faire leurs emplettes dans la cité de Calvin.

  • Christian 11 mai 2017 20:10

    @Jeussey de Sourcesûre

    Pour ce qui est de la Suisse, j’avoue avoir été déformé par une lecture trop précoce de Voltaire qui m’a conditionné : « Les Vaudois pensent peu, et quand ils pensent, ils ne pensent à rien ! »

    Toute provocation peut aboutir à du positif, je l’ai remarqué en histoire.

    Vaudois, j’ai épousé une Française et bien entendu j’ai immédiatement compris qu’il ne suffisait pas de parler la même langue pour être semblable. Quand je travaillais dans le domaine de la téléaction, càd, dans tout ce qui concerne les commandes et informations d’un réseau électrique (pas seulement) on avait affaire entre autres, à un représentant parisien. Cela avait beau être un domaine purement technique, notre Parisien faisait...de la poésie.

    Le comportement vaudois est assez suisse, dans le sens qu’il a une peine inouïe à débattre d’une question ou d’une autre.Si je prends le cas de l’histoire, il n’existe aucun débat contradictoire dans les médias, c’est impensable en Suisse. Un historien, pourvu qu’il ait son diplôme, est interrogé par un journaliste, qui ne doit en aucun cas le contredire. Et là, inutile d’espérer que l’on prenne l’exemple de la France, où ces débats contradictoires sont courants. Mais en Suisse, cela ne gêne personne, on trouve cela normal. Moi pas.

    Pour en revenir aux Vaudois...250 ans de soumission aux Bernois, ça laisse des traces, ceci explique un peu cela.

    Il n’empêche et quoi que l’on dise, la Suisse fut menée par des Vaudois, lors de la Seconde Guerre mondiale, avec le résultat que l’on connaît. Oh je sais.. ! le commerce tout puissant ! Commerce existant et souvent d’une ampleur bien plus importante, dans tous les pays concernés. Le commerce de la France avec l’Allemagne dans les années 30 l’a-t-elle épargnée ? Non. Idem avec la Danemark et que dire du commerce germano-russe ? 

    Voltaire ....si aujourd’hui on osait se référer à un personnage autant antisémite, on aurait la Licra sur le dos.


Réagir