La Justice dissuasive ou Quelques principes simples pour restaurer la paix civile
Les meurtres se suivent et se ressemblent. Dernier en date médiatisé, Elias. Parmi tant d’autres. Médiatisés ou pas. Mineurs ou pas. De tous âges. Même des vieillards. Déjà huit mois que Macron a dissous l’Assemblée nationale et que la France, manipulée dans les grandes largeurs en juin, s’est dotée d’une Chambre conçue pour ne pas exécuter la volonté du peuple. Déjà huit mois (huit mois... quand on voit tout ce que Trump a déjà fait en une semaine !) et, sans surprise, c’est toujours l’heure des belles paroles. Retailleau continue de « faire le job ». Comme prévu dès juin, il n’en finit pas de déployer le village Potemkine. Il chante à présent Ramona au micro contre l’impuissance de la Justice, et Darmanin fait des moulinets synchronisés. En attendant, rien de concret n’est mis en œuvre. Quant à ce qui est annoncé, on croirait que la spirale de violence qui déchire le Pays est exclusivement le fait de mineurs, en lien avec le dernier fait de société. En réalité, le problème est beaucoup plus vaste et profond, et va bien au-delà des mineurs. C’est toute la chaîne pénale, du jugement à la peine, qui doit être restaurée. Dans l’intérêt des victimes innombrables, mais aussi des bourreaux en foule qui n’auraient jamais dû le devenir…
L’échec de la Justice rend victime la société tout entière. Il est évident qu’à un certain degré du crime et même, en quelque manière, du délit, il y a deux victimes. La victime elle-même, d’abord, bien sûr, ses proches et toute la société. Mais le coupable est aussi une victime. D’ailleurs, dans certains cas, le coupable demande pardon à la victime ou à sa famille. Et si ce pardon est sincère, il fait du coupable également une victime, dans la mesure où une Justice plus efficace, c’est-à-dire réellement dissuasive, l’aurait écarté de la voie mauvaise où il s’est, au fond malgré lui, fourvoyé.
La question posée à notre société est de savoir comment rendre à nouveau dissuasive la Justice.
Bien sûr, on n’aura pas la naïveté de croire qu’une Justice idéale permettra de supprimer toute délinquance et toute criminalité. Mais on se doit de réfléchir, quand le délit et le crime prolifèrent dans de telles proportions, sur les moyens de les ramener au niveau le plus bas possible. En se rappelant Leibniz travesti par Voltaire, on cherchera à faire advenir, par la Justice, le meilleur des mondes possibles. Car quelle que soit l’efficacité dissuasive de la Justice, le délit et le crime, hélas, existeront encore longtemps.
En réalité, la question de la Justice, et de son efficacité dissuasive, repose sur deux axes distincts et complémentaires : l’application de loi et l’exécution de la loi.
L’application de la loi.
En France, la loi est appliquée de nos jours de façon très laxiste. Par exemple, un incendie volontaire est passible, selon le Code pénal, de dix ans de prison ferme et 150 000 euros d’amende.
En réalité, les auteurs de ce genre de fantaisie, un feu de voiture par exemple, n’encourent que des peines fermes de quelques mois assorties de sursis guère beaucoup plus long, les rares fois où ils se font attraper. Sachant que dans ce cas déjà rare, ils sont souvent relaxés faute de preuves suffisantes.
Or, tenant compte de ces différents paramètres et de bien d’autres encore, le législateur a prévu dix ans de prison pour un incendie volontaire. S’il a fixé cette peine, c’est en pensant qu’elle correspondait à la gravité de ce genre d’acte, et que sa puissance dissuasive impliquait cette durée de privation de liberté. Ne pas l’appliquer, c’est violer la volonté du législateur et, par conséquent, nuire à l’efficience de la loi.
Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que le juge doive appliquer la loi aveuglément. Il ne s’agit pas de plaider pour l’automaticité des peines. Les circonstances atténuantes doivent évidemment pouvoir jouer. Mais elles doivent être solidement fondées, et ne sauraient en aucun cas ramener une peine en principe de dix années à seulement quelques mois. Car cette disproportion conduit la peine prononcée à paraître relever d’actes présentant un degré de gravité bien moindre…
Concrètement, les circonstances atténuantes, aussi grandes soient-elles, ne sauraient diminuer de plus de moitié la durée d’incarcération prévue par la loi. En l’occurrence et par exemple, cinq ans pour un incendie volontaire.
L’exécution de la loi.
Elle se subdivise en deux volets : l’exécution de la durée de la peine et les conditions matérielles et morales de cette exécution, c’est-à-dire les conditions de détention.
L’exécution de la peine doit être quasiment complète. Les remises de peine ne sauraient excéder la moitié de la durée de la peine, en cas de conduite exemplaire. Tout manquement doit conduire à une diminution graduée de la durée de cette remise de peine.
Les conditions de détention doivent répondre à deux impératifs : respect de la dignité humaine et privation de liberté. En outre, la sécurité du détenu doit être garantie, c’est-à-dire qu’il doit être totalement protégé des agressions éventuelles de tout autre détenu.
La prison est un lieu clos dans lequel ne doivent entrer que des biens et des personnes dûment contrôlés.
Par conséquent, des séparations doivent être rétablies au parloir. Aucun objet ne peut donc être donné du visiteur au détenu. On peut s’étonner que pareilles évidences ne soient pas actuellement appliquées.
Les détenus et les visiteurs communiquent à travers les vitres de séparation du parloir par les téléphones filaires mis à leur disposition. Les conversations sont systématiquement enregistrées et susceptibles d’être écoutées.
En dehors du parloir, le détenu n’est autorisé à avoir aucune communication avec l’extérieur, sauf bien sûr par courrier sur papier susceptible d’être contrôlé par l’administration pénitentiaire.
Pour garantir la sécurité des détenus, les cellules doivent être nécessairement individuelles.
La cellule dispose d’un poste de radio proposant exclusivement les radios nationales : France Inter, France Culture, France Musique, France Info. Tout autre matériel audiovisuel est interdit (téléphone portable, télévision, jeu vidéo, ordinateur, etc.).
Le détenu a droit d’emprunter un livre par jour, choisi parmi les ouvrages de la bibliothèque de la prison, pour une durée illimitée. Le livre est restitué en parfait état pour en obtenir un autre.
Le détenu est autorisé à passer des concours et des diplômes, tous les examens étant passés depuis sa cellule, compositions écrites et orales par visioconférence dérogatoire.
Le détenu a droit à une promenade d’une heure par jour à des horaires fixés par l’administration pénitentiaire.
Aucune activité n’est proposée au détenu, ni dans la prison, ni à l’extérieur de la prison.
Le détenu ne peut rien acheter. Il ne peut pas non plus recevoir quoi que ce soit de l’extérieur, à part des courriers susceptibles d’être contrôlés par l’administration pénitentiaire.
Les repas se prennent à l’intérieur de la cellule : petit déjeuner, déjeuner, dîner.
Un comportement exemplaire est attendu. Toute rébellion conduit au mitard pour une durée déterminée par l’administration pénitentiaire.
Changement de sens et de poids
De telles mesures changeraient complètement le sens et le poids des condamnations.
Car c’est une peine complètement différente, celle qui consiste à regarder la télé, à jouer à des jeux vidéos ou à regarder des films porno en fumant des pétards avec téléphone en poche, ou à être confronté à soi-même, à ses erreurs, avec pour seule compagnie celle des livres et du murmure lointain du monde à la radio. Le temps ne passe pas du tout à la même vitesse. Et la conscience n’évolue pas dans la même direction.
C’est une évidence : de tels changements de la politique pénale et pénitentiaire conduiraient à une chute vertigineuse de la délinquance et de la criminalité.
Tout en garantissant la dignité humaine et la sécurité des détenus, elle permettrait de maintenir dans le droit chemin des centaines de milliers d’individus chaque année. Réellement dissuasive, elle ferait drastiquement baisser le nombre de personnes incarcérées en France, et limiterait le besoin en places de prison.
Mais surtout, elle épargnerait des centaines de milliers de vie brisées pour rien.