jeudi 10 août 2006 - par Thomas Roussot

La maladie occidentale

L’Occident du haut de ses Lumières ne cesse de partir en croisade depuis des siècles au nom de ses dogmes universalistes. Au nom de valeurs singulières et subjectives, il assène des verdicts éthiques, tapisse de bombes des nations ne se soumettant pas à ses mœurs, toujours drapé de la sacro-sainte liberté devenue principe liberticide, la culture dont nous sommes des valets soumis ne cessant pas d’écraser en toute bonne conscience des peuples de sa fatuité "humaniste". Devant ce genre de constat, on ne manque pas de rétorquer dans un élan compulsif et suiviste, « mais vous profitez de la liberté d’expression occidentale, vous pouvez critiquer, sous d’autres latitudes vous seriez sur-le-champ éliminé ! » Que répondre à cette réflexion massue qui se veut définitive et irréductible ? Vous savez comme moi que l’expression dite libre n’a de fait, que peu d’effectivité, de portée authentique sur les tenants et aboutissants régissant la civilisation dans laquelle nous évoluons. Elle ressemble par bien des aspects au cri de Munch, une sorte d’appel désespéré et stérile au milieu d’un chaos d’énergies aveugles à elles-mêmes et sourdes aux remises en cause foncières. Alors quelle est la différence qualitative notable entre des régimes interdisant de fait la liberté d’expression et ceux l’autorisant cyniquement en sachant pertinemment qu’ils n’en tiendront aucunement compte (hormis sous la force d’une pression devenue dangereuse pour l’équilibre macro économique et donc pas dans le simple débat d’idées) puisqu’ils ont mis en marche des processus de réglementation et de gouvernance pouvant passer aisément outre les vœux et désirs populaires (si tant est qu’ils existent encore et n’aient pas été à tel point conditionnés où tués dans l’œuf qu’ils en soient réduits à des insignifiantes récriminations statutaires et catégorielles) ?

Prétendant à des fondements légitimes et absolutistes ( présentés comme universaux ) en fait fondés sur un absolu invérifiable, d’ordre mystique (écoutons le président Bush déclarer sur la Bible qu’il incarne la vérité et le bien au nom de Dieu face à "l’obscurantisme" représenté par les musulmans notamment, dans un affrontement dialectique qui, en fait, présente des positions comparables dans leur enracinement autiste). Au nom de principes théoriques apparemment inattaquables (liberté, égalité, fraternité, démocratie, tolérance, respect de la vie et de l’environnement) cette civilisation péremptoire assène ses embargos, interdit l’accès à tel ou tel à l’arme atomique qu’elle a utilisée il n’y a pas si longtemps du côté de Hiroshima et Nagasaki, décrète ce qui est juste en matière de mœurs et ce qui ne l’est pas (oui au string et au porno, non au voile, le tout au nom de la dignité des femmes).

La mondialisation impulsée par l’Occident (et lui fournissant son ossature essentielle) implique un nouveau capitalisme invitant à l’abdication de toute critique (renvoyée aux totalitarismes "alternatifs"). Aucun amendement, aucune vision résistante ne sont envisagés.

L’économie de marché, forte de ses "performances" (nonobstant ses marges d’exclusion de plus en plus criantes) n’aspire guère à s’interroger, à réguler ou interrompre son flux d’énergie. Nous ne trouvons pas d’autre modèle de production ne menant pas à la catastrophe, tel est l’argument des laudateurs de ce système qui ont le champ libre en l’absence de contre pouvoirs crédibles. Les libertés impliquent des limitations, une éthique, des valeurs et c’est bien par cette absence que souffre le système. La rentabilité et l’intérêt des salariés et au final des horizons sociaux ne semblent plus nécessairement coïncider. Cette dissociation ne pourra être résolue par le système lui-même comme certains libéraux utopistes le pensent. D’autres affirment que les inégalités de fait diminuent sous l’influence du capitalisme, mais si les chiffres bruts n’invalident pas cette théorie, ils ne suffisent pas à éluder la sécrétion intrinsèque d’exclusion propre à ce système. Les équilibres liés à l’enrichissement des financiers et des actionnaires sont des équilibres précaires et qui violentent régulièrement la dignité des individus (qui au passage ne participent que peu ou le plus souvent pas du tout aux décisions stratégiques les concernant.

En valeur absolue la précarité décroît mais est fondée sur une précarité consubstantielle. Les réactions hostiles de nature identitaires, protectionnistes, régionalistes, ethniques et autres sont à la mesure de cette prise de conscience : le système qui régit les collectivités occidentales est perverti.

Un inventaire doit être fait, le néo-féodalisme libéral ne pourra l’interdire. L’insolidarité organique produite par l’ultra libéralisme basé sur des intérêts particuliers, amoraux et avides grandit, la financiarisation de l’économie ronge les liens, les relations, et l’isolation des individus s’approfondit face à la machinerie économique générale subdivisée à l’infini. Le salarié, l’agent productif est désormais livré à l’insécurité maximale et par sa précarité assure le confort des finances. Chosifié, instrumentalisé, l’homme sert comme jamais la monnaie et non l’inverse. Le démantèlement des identités est donc ce qui permet la marge d’ajustement. L’intégration sociale est donc non pas la visée première mais secondaire du modèle culturel occidental. Le capitalisme actuel n’est pas dans une logique d’échange mais de domination pure, tant sur un plan interne qu’externe. Les marchés eux-mêmes sont menacés par cette position en quelque sorte ontologique. Le capitalisme en place (que l’on pourrait juger fondamentaliste et intégriste car totalisant) est finalement d’essence autoritaire sourde et subtile. La réciprocité, le lien et le sens sont détruits par la marchandisation intégrale de l’homme et de l’être (l’eau commence à être privatisée et pourquoi pas l’air sous peu).

Le retour du refoulé de cette situation parle pour le corps social malade via la dépression nerveuse, individuelle et collective (se reporter aux taux de suicide, à la prise d’antidépresseurs et à la violence urbaine en Occident). L’omc ne régule rien, elle gère le désastre culturel. Les élites elles aussi gèrent (assez souvent cyniquement voir le sang contaminé, et plus régulièrement encore dans l’affolement et l’improvisation), les médias orchestrant le tout en un "attrayant" spectacle (fort rentable lui aussi au niveau audimat).

Dans les années qui viennent, nous nous trouverons à un carrefour historique, nous aurons rendez-vous avec notre inhumanité, avec notre délire barbare super technicisé, non régulé, non sensé, non pensé et au total non désiré.



22 réactions


  • ec (---.---.191.128) 10 août 2006 11:43

    Belle description du symptome .

    Dans notre histoire du monde , nous avons eu le troupeau puis la prise de la Soi-conscience , le «  »moi-je centre du monde«  ».C’est je crois un très grand progrès.

    Le nouveau pas qui doit suivre en ma logique est l’individu qui s’universalise avant d’atteindre « l’universalité ».

    Peut-être que le remède est là.Encore un progrès dans le niveau de conscience de l’humanité.Je ne pars pas avec mes richesses accumulées pendant ma vie sur cette terre. La réussite « de » ma Vie est donc beaucoup plus importante que ma réussite « dans » ma vie.Ce que je fais pour l’humanité est beaucoup plus important que ce que je fais pour ma personnalité.De toute façon , je me fondrais dans l’universalité...quand on voit ce que deviennent les corps physiques après notre mort !!!...


  • Yann (---.---.196.185) 10 août 2006 11:52

    oOoOOooOOOOOH OUI que j’aime battre ma coulpe, qu’il est bon de se hair, de tendre la joue gauche la droite et le cul aussi ? Bandes de Daladieristes..


  • ZEN zen 10 août 2006 12:02

    Arrétez de pleurer ,d’en rajouter à la déprime ambiante, de vous autoflageller sur des symptômes ...Et si on se mettait à analyser les causes ?...


  • Lico Noclaste (---.---.204.229) 10 août 2006 12:05

    « L’Occident du haut de ses Lumières ne cesse pas de partir en croisade depuis des siècles au nom de ses dogmes universalistes... »

    Faux. Ces dogmes universalistes ont à peine plus de 50 ans. Auparavant, les « croisades » étaient le fait de peuples jeunes et dominateurs, ayant de l’énergie à revendre, des rêves plein la tête, une volonté à toute épreuve et le sentiment stimulant de leur supériorité.

    « L’insolidarité organique produite par l’ultra libéralisme... »

    Faux. L’insolidarité est le fruit des brassages de population. On est solidaire des gens qu’on connaît, qu’on aime ou qu’on apprécie simplement. Donc pas de E.T. dont on subit la présence, les moeurs, les habitudes, us et coutumes.


  • (---.---.59.170) 10 août 2006 12:08

    AH AH AH AH !

    Mon pauvre, vous êtes socialiste, et vous venez de découvrir que votre idéologie était morte (depuis 1992 mais bon, il faut du temps pour que l’information remonte des pieds au cerveau), d’ou votre « maladie ». Tout ca est trés comique ! Surtout que le libéralisme en France, on l’attend toujours ! Je rappel que sous Chirac les impôts on augmenté, et le poid de l’Etat dans l’économie aussi ! Plus dur sera la chute.

    Quand au « valeur de l’occident », les votres en fait (je ne suis jamais parti en croisade emerder les autres peuples avec des campagne contre l’homophobie, la circonsizion etc.. Rien a foutre, c’est leur culture), apprenez qu’elle n’ont aucun rapport avec le fait de refuser de se prendre une bombe A Irannienne dans la gueule (elle devrait tomber vers Marseille, donc ce n’est pas si grave, mais tout de même). On s’en fou totalement, des « valeurs », ce n’est pas de la religion, c’est de la Politique. Si une valeurs ne fonctionne pas, et bien on en change, voila tout.


  • Torah borah (---.---.176.46) 10 août 2006 13:04

    @l’auteur

    Le début m’a paru intéressant et puis vous partez dans tous les sens et votre rhétorique et passion vous emportent !

    Le seul point concret ou je suis d’accord avec vous c’est que nous avons une facheuse tendance en Occident à ériger en « valeur universelle » ce qui n’est que le fruit de notre propre évolution.


  • Antoine Diederick (---.---.232.141) 10 août 2006 13:36

    oh la la la la....quelle tristesse, quelle piêtre opinion de nous-mme avez-vous, quel abandon, quelle faiblesse nerveuse hante vos nuits de pleine lune ?

    La déprime vous habite...il y a tant de choses à faire mais votre jugement sur nos sociétés est lamentable, le péril ce ne sont pas les autres, ce sont ceux qui comme vous s’auto-flagellent sans discernement. Quels sanglots vous étreignent donc pour cette sorte de repentir sans fond et peut être sans fin.


  • Serpico Serpico 10 août 2006 13:39

    Comme Torah Borah, je suis d’accord avec le début. Il était prometteur.

    Je ne sais pas pourquoi, vous avez « glissé » dans des considérations « humanistes ».

    Les réactions montrent bien combien l’occidentalo-centrisme ravage les esprits. Le même chantage (haine de soi) est utilisé aussi bien par les sionistes que par les convaincus de la justesse de la « cause » occidentale.

    Les grands esprits se rencontrent.

    Quand on s’indigne, comme au Danemark, que les musulmans aient l’impudence de vouloir nous imposer leurs valeurs, on ne se gène pas pour imposer la « démocratie » en Irak.

    Et ça croit réfléchir.


    • miaou (---.---.171.239) 10 août 2006 14:54

      « Quand on s’indigne, comme au Danemark, que les musulmans aient l’impudence de vouloir nous imposer leurs valeurs, on ne se gène pas pour imposer la »démocratie« en Irak. »

      L’un n’excuse pas l’autre.


    • Serpico (---.---.206.173) 10 août 2006 22:32

      L’un n’excuse certainement pas l’autre mais la question n’est pas là : elle est dans ce que les occidentaux se croient permis de s’ingérer dans les affaires des autres et de leur imposer leurs valeurs mais l’inverse...quelle hérésie !

      Tout cela étant conduit bien sûr au nom de la liberté, de la tolérance, de la générosité etc. etc.


  • (---.---.117.30) 10 août 2006 15:10

    Un article de plus d’autoflagellation vraiment nul.


  • Sam Paris (---.---.225.124) 10 août 2006 18:47

    Vous défendez un monde/système économique qui est mort avec la chute du mur de Berlin et qui n’a jamais démontré la moindre efficacité, qu’elle soit humaine ou économique.

    Je vous rappellerais s’il est encore besoin cet adage : « La démocratie est le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres »

    A part cela votre article est pédant et un soupçon chiant.

    Cordialement.


  • Piotr (---.---.154.249) 10 août 2006 20:45

    Trés bon article,

    Mais aprés le constat, que faire ? Ca semble démesurement complexe. Attendre la chute de l’empire ?

    C’est marrant le nbre de commentaires qui critiquent à coté. L’évidence est là mais il y encore des autistes pour tout ramener à l’opposition simpliste communisme / capitalisme ou à des considérations hors sujet sur la haine de soi


    • Jean-Pierre An Alré (---.---.124.107) 18 août 2006 16:41

      S’il vous plaît, arrêtez d’utiliser le mot « autiste » pour désigner une personne qui n’est pas de votre avis. Ce qui vaut aussi pour « gogol » et « gros » c**.

      Il doit surement être possible de s’exprimer et même d’invectiver sans exclure un groupe humain.

      Jean-Pierre


  • (---.---.251.78) 11 août 2006 03:40

    personne ne vous empêche de vous toucher la nuit, mais de grâce laisser nous en dehors de vos fantasmes, SVP.


  • Philgri (---.---.156.199) 11 août 2006 09:50

    Eh oui. Plus de gauche, plus de droite ! (enfin !)

    Je le répète depuis plus de 20 ans déjà : Le Capitalisme a épousé le communisme.

    Dans cette mondialisation, il n’y a plus de pilote.

    N’employer plus le mot démocratie : la justice est morte, le contre-pouvoir sclérosé.

    Pas besoin d’un si long discourt pour expliquer ce phénomène.

    Quant à l’inhumanité, nous y sommes depuis un certain temps déjà.

    Nous sommes citoyens d’une planète, pas très nette. Et la bêtise n’a pas de frontière.

    Sans réglementation internationale acceptée par les Terriens dans leurs ensembles, l’anarchie et les guerres se développeront de plus en plus.

    Mais de grâce, ne nous collez pas une constitution complexe ! Le modèle européen nous l’avons testé. Échec.

    Arrêtons de prendre de belles résolutions que nous ne pouvons pas tenir.

    Stoppe au bordel qui fait la joie des activistes.

    Philgri.


  • Albert LI (---.---.130.210) 11 août 2006 10:43

    Encore qqun qui ne connais rien au libéralisme et qui ferait bien de se renseigner.

    ici par exemple : http://cvincent.club.fr


  • hans (---.---.220.12) 11 août 2006 12:50

    l’ôteur cite Kundera et nous sert une salade à la Debord... Insipide !


  • Thomas Roussot Roussot thomas 11 août 2006 15:23

    Critiquer un système n’est jamais agréable pour celles et ceux qui en bénéficient, c’est comme gratter une plaie à vif n’est-ce pas... Pour les alternatives et réponses, il y aura d’autres articles, là il s’agissait de pointer des symptômes, la critique est facile et l’art est difficile...


    • Albert LI (---.---.130.210) 11 août 2006 15:45

      Oui ça ne va pas en France.

      Mais pourquoi vous vautrer dans l’antilibéralisme primaire ?

      Le libéralisme sans avoir été jamais appliqué ces 30 dernières années en France serait le responsable de tous nos maux ?


    • Jean-Pierre An Alré (---.---.124.107) 18 août 2006 16:44

      > Le libéralisme sans avoir été jamais appliqué ces 30 dernières années en France serait le responsable de tous nos maux ?

      Pour la même raison qu’il est plus chercher ses clés perdues dans une zone éclairée que dans le noir, même si ce n’est pas là qu’on les a perdues (Coluche je crois)

      Jean-Pierre


  • visiteur Indigène (---.---.180.214) 17 août 2006 17:48

    Critiquer un système n’est jamais agréable pour celles et ceux qui en bénéficient, c’est comme gratter une plaie à vif n’est-ce pas ? Bien dit, bon article n’en déplaise !


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