La Méditerranée dans l’oeil d’un cyclone ?
La Méditerranée dans l’œil d’un cyclone ? La Méditerranée. « Mare Nostrum », notre Mer pour les romains de l’antiquité, ou « La Grande Verte » du temps des pharaons ou encore plus simplement « mer du milieu des terres ». Serait-elle cette mer mythique sur le point de devenir le nouvel œil du cyclone ? D’ajouter à sa longue histoire un nouveau chapitre maudit ? Fort possible dans ce berceau de la Bible, de légendes, de prophètes et de tant de civilisations, théâtre d’une flopée de guerres, d’invasions et de convoitises. Voilà qu’après avoir pourri l’Irak et l’Afghanistan, essayé, par le feu et la mort, de faire basculer la Syrie, après avoir failli prendre pied en Egypte, aujourd’hui « sauvée !? », une fois encore, par une dictature militaire (largement financée par l’Oncle Sam), avoir pointé son nez au Liban, grondé en Palestine et Israël, le fanatisme religieux armé s’est emparé de la Libye. En ennemi mortel de l’Occident qui s’en accommode fort bien pour mieux dominer et se goinfrer.
Menaçant la Tunisie et dérangeant l’Algérie. A travers les sables du Sahara et les quatorze kilomètres du détroit de Gibraltar, sur le point de pouvoir contaminer, peut- être à court terme, le Maroc, il a même bel et bien pris pied en Afrique. Paradoxalement, s’étant infiltré dans cette tourmente, après l’avoir plus ou moins provoquée, selon une tactique diplomatiquement agile et apparemment prudente, les désirs et la soif du profit financier illimité de l’Empire explosent désormais au grand jour. Il ne fait plus de doute en effet que le capitalisme, sauvage et manipulateur, des Etats Unis d’Amérique et de ses complices Anglais surtout, mais aussi Allemands, Français et Arabes de la péninsule arabique, a sa part dans les flambées méditerranéennes et sahéliennes de révoltes clandestines et sanguinaires, sous couvert de la « charia ». Et comme toujours celles-ci se sont répandues, « par le plus grand des hasards », dans des régions et même en eau profonde, dans le sous sol desquelles dorment encore d’énormes richesses, proies préférées du sempiternel nuage de vautours.
Les trésors actuellement convoités ? Au cœur du bassin Oriental de la Méditerranée et, pas loin des côtes libyennes, aux portes du désert. En mer, par 5000 mètres de profondeur (du gaz pour des décennies dit-on) et au Fezzan au sud de Tripoli capitale d’une Libye aujourd’hui chaotique. Sur un territoire partageant ses frontières avec la Tunisie sous laquelle il s’est infiltré, l’Algérie, le Tchad et le Niger. Là, en plein désert par quelques dizaines de mètres sous le sable, sommeille depuis des lustres une énorme nappe de pétrole et de gaz d’excellente qualité, facile et peu onéreux à exploiter. La zone maritime, étant difficile d’accès selon les techniques actuelles, est pour l’instant délaissée par les pays riverains capables d’en tirer profit (de la Syrie, à la Libye) à l’exclusion d’Israël qui ne le peut, se trouvant au delà de ses eaux territoriales. A l’inverse du gaz et du pétrole du Fezzan « flairés » depuis les premiers mois de la deuxième guerre mondiale par la France qui, grâce aux troupes de Leclerc, y avait alors installé un Protectorat après avoir vaincu les soldats de Mussolini. Sous la pression puis la condamnation des Etats Unis et du Royaume Uni (tiens, tiens), Mendès France avait été, en 1956, contraint d’accorder l’Indépendance à ce territoire qui, plusieurs années plus tard, avec la Tripolitaine à l’ouest et la Cyrénaïque à l’est, devait former la Libye.
Les printemps arabes de 2011 enclenchés - en janvier pourtant - par la Tunisie, donnent très vite l’occasion à l’Empire de mettre la main sur cette manne qui lui était refusée jusque là par Khadafi le maître du pays. Selon toute vraisemblance il lui faudra plusieurs mois pour faire « incognito » son marché. Imitant leurs voisins tunisiens, les libyens de Benghazi (la ville contrôle le pétrole de Cyrénaïque) se révoltent à leur tour. Avec l’aval du Grand Sam et de l’ONU, la France de Sarkozy, BHL et Guéant, associée au Royaume Uni de Cameron, reconnaissent officiellement et illico les dirigeants des révolutionnaires. Ils comptent faire coup double. Pétrole et silence du « dictateur » gêneur à plus d’un titre surtout pour l’ex Président tricolore. Prétextant qu’il fallait préserver la population de la vengeance de Mouammar Kadhafi de nombreuses frappes aériennes et des livraisons massives d’armes aux insurgés s’ensuivent au mois de mars.
Un peu plus d’un mois plus tôt, à Tunis avaient débarqué deux hommes choyés, l’un pendant vingt ans à Londres aux frais du Qatar, et l’autre, à Paris pendant dix ans, parrainé par Jack Lang. Ces deux hommes, Rachad Ghannouchi, « frère musulman », islamiste pur et dur, habitué des coups fourrés sous la dictature de son pays, et Moncef Marzouki se retrouvent pratiquement aux commandes de la nation à la faveur d’élections. Rachad est la tête pensante d’Ennhada parti qui contrôle Assemblée Nationale Constituante et gouvernement et Moncef se retrouve catapulté dans le fauteuil du Président de la République.
Tout s’enchaîne assez rapidement. Le processus est lancé. Comme l’avait été Ben Laden autre témoin gênant, plutôt que capturé, Kadhafi est massacré en Libye par les rebelles pratiquement en direct devant les télévisions. En Tunisie, une vidéo témoigne de l’amitié qui lie Rachad Ghannouchi et Abou Lyad, salafiste enragé, militant du wahhabisme saoudien, libéré par la révolution alors il purgeait une longue peine de prison pour terrorisme. Il avait été extradé de Turquie où il avait été arrêté après avoir combattu en Afghanistan aux côtés des talibans. Une fois libre, Abou Lyad prend les rênes d’un groupe de djihadistes baptisé Ansar Charia (Rien que la Charia). Cette cellule passe aussitôt à l’action. Jouissant d’une impunité totale du gouvernement à forte connotation « frères musulmans », elle organise un soulèvement populaire contre l’Ambassade des Etats Unis. Incendies, deux morts parmi les manifestants (jeunes chômeurs ou désœuvrés, enrôlés en majorité pour un casse croûte et 20 dinars soit 9 euros), énergiques protestations de l’ambassadeur, répression des forces de l’ordre et mandat d’arrêt délivré à l’encontre d’Abou Lyad.
En Libye les anciens « révolutionnaires » ne désarment pas. Transformés en milices rivales ils font régner la terreur un peu partout face à un pouvoir devenu lamentablement impuissant et dont les gouvernements successifs se démettent les uns après les autres. Ce climat gêne beaucoup l’Empire. Et pour cause. A l’est du pays, les rebelles sont devenus autonomistes et réclament le rétablissement de la Cyrénaïque indépendante, seule source actuelle du pétrole Libyen dont l’Occident avait une bonne part. Les ports de la région sont bloqués par les partisans de l'autonomie, empêchant toute exportation de brut et provoquant une chute de la production à 250.000 barils par jour, voire moins, contre près de 1,5 million barils jour en temps « normal ». A Benghazi, épicentre de la région, l’ambassadeur américain meurt dans l’incendie criminel d’un bâtiment dans lequel il se trouvait en compagnie d’agents de la CIA.
En Tunisie, deux députés de l’opposition nationaliste et laïque sont assassinés. Les meurtriers seront repérés et…tués avant de pouvoir faire des « confidences ». Simultanément ou presque, un général américain chef du département Afrique au Pentagone, débarque dans la capitale et s’entretient avec les chefs des principaux partis politiques. Abou Lyad, activement recherché est encerclé dans une mosquée de la banlieue de Tunis. Il réussit pourtant à s’enfuir et se réfugie avec son groupe en Libye. Il y a quelques jours à peine, début juin, le Ministre de l’Intérieur de l’époque Ali Larayedh, frère de l’un des dirigeants du parti Ennhada de Ghannouchi, et qui fut par la suite chef du gouvernement, reconnait (publiquement et implicitement !!!) « Avoir reçu l’ordre de laisser le criminel s’échapper évitant ainsi des représailles ». Dans le sud du pays, à la frontière libyenne, la situation est confuse. Manifestations et surtout attaques terroristes dans les montagnes se succèdent pour demander, paradoxalement, l’autonomie de la région pour y installer un « émirat ». C’est là que se trouve, sous terre, la frange richissime des réserves du Fezzan. Armée et garde nationale locales appuyées par des commandos instruits et armés par la France, les « hommes en noir » ainsi baptisés par les citoyens pour la couleur de leur uniforme, cagoule comprise, marquent des points. Ils sont aidés dans leur lutte par un corps des forces spéciales françaises, bientôt rejoint par leurs homologues yankees, puis l’armée algérienne. Les américains installent dans la région une base équipée notamment de drones. Soudain parvient l’information de la capture et la disparition d’Abou Lyad, débusqué par français et américains en Libye. L’information est confirmée par l’avocat du terroriste et démentie par les soldats de son groupe. Depuis le chef terroriste n’a plus donné signe de vie. Aurait-il été manipulé ? La question est posée et le restera longtemps.
Sur le plan politique, en Tunisie toujours, Ghannouchi et Ennhada font le dos rond. Vraisemblablement contraints par l’Empire, ils s’effacent et lâchent le pouvoir à un Gouvernement technocrate dit de transition conduit par…un haut cadre international de Total, membre de l’ancienne équipe au pouvoir tout comme son ministre de l’intérieur. Apaisée la Tunisie vote enfin sa constitution, inscrit des élections générales et présidentielle pour la fin de l’année et reçoit aussitôt une rallonge de 500 millions de dollars de prêt supplémentaires de la part des Etats Unis d’Amérique. Ceux-ci viennent gonfler les centaines de millions de dollars qui lui ont été alloués généreusement par le FMI, la France, l’Union Européenne, la Chine et le Japon, les roitelets de la péninsule arabique étant aux abonnés absents.
Dans la foulée deux réunions importantes qui devaient se tenir à Tunis les 1er et 2 juin, en présence du Roi du Maroc sont remises à « une date ultérieure » (il faut lire purement et définitivement enterrées en langage diplomatique). La première concernait l’Union du Maghreb Uni et la seconde en présence de plusieurs diplomates étrangers et de l’ONU devait débattre de la situation…libyenne. Des divergences sérieuses entre certains participants étant officiellement la cause du renvoi. En clair l’antagonisme entre le Maroc et l’Algérie concernant le Sahara Occidental et ses phosphates dans la première réunion prévue, et de la France et les Etats Unis, Algérie et Angleterre, dans la seconde, au sujet de l’appui a apporté aux libyens.
Une fois encore la France (et le Maroc avec elle) s’est trompée de cible. Et son attitude risque de lui coûter fort cher au Fezzan. Suivant, la pauvre, les conseils de la mouche du coche Bernard Henri Lévy elle a persisté qu’il fallait privilégier l’aide au gouvernement libyen qui venait d’être désigné (avec l’appui des islamistes), certainement illégalement puisque partageant le pouvoir avec le précédent qui ne voulait pas démissionner. Alors que ses adversaires et concurrents dans la chasse à l’or noir avaient décidé d’appuyer et aider, un général dissident, Khalifa Haftar, lancé depuis le 16 mai dans une campagne baptisée "la Dignité" contre les groupes extrémistes, tout en réclamant la dissolution du Congrès National Général (Parlement) avec le soutien de plusieurs brigades et milices et l'adhésion d'une grande partie de la population. Et malgré une ultime démarche de notre cher Laurent Fabius qui s’en est allé à Alger le 8 juin afin d’essayer de gagner à la position française les algériens, en vain, la Cour suprême de Libye a jugé inconstitutionnelle lundi 9 juin l'élection début mai du Premier ministre Ahmed Miitig à la tête d’un second gouvernement du pays, mettant fin à un imbroglio politico-judiciaire dans lequel la France a noyé ses atouts.
Cette décision a satisfait le chef des rebelles autoproclamé président du bureau politique de la Cyrénaïque (région orientale) qui accusait les blocs islamistes au Congrès d’imposer illégalement le cabinet démis. Donc apaisement possible du côté de la reprise de la production normale de pétrole dans la région de Benghazi. Par contre un représentant d’Ansar Charia (pas Abou Lyad) diffuse sur les écrans de télé du pays une menace aigue envers les américains s’ils leur arrivaient de s’introduire en Libye. Ce à quoi les States ont répondu qu’ils venaient de mettre à pied d’œuvre, sur un bateau de débarquement qui mouillait très près des côtes, un millier de marines destinés à « évacuer le personnel de leur ambassade ». Plutôt faut-il croire faire débarquer leurs hommes pour un « nettoyage » en bonne et due forme...au côté de ceux qui s’y trouvent déjà ou qui campent dans le sud de la Tunisie.
Au soir du 9 mai, mon petit doigt qui ne se trompe jamais me souffle à l’oreille qu’une fois encore la France, à cause de sa diplomatie pour le moins élémentaire, sera le dindon de l’Empire en ne recueillant qu’une partie infime des ressources du Fezzan qui par contre gavera amerloques et english, donc anglo-saxons, et algériens. Amen !