La nécessaire épuration de la magistrature : de la science-fiction ?
M. Jean-Yves Le Gallou a eu le mérite de rappeler récemment (dans les colonnes de Polémia) que l'épuration du corps judiciaire constituait une véritable priorité nationale, tant la justice française actuelle était corrompue, non par l'argent, mais par une idéologie d'inversion des valeurs digne des plus affreuses descriptions que Platon offre des démocraties décadentes dans le livre VIII de la République. Cela dit, cette épuration n'adviendra probablement que dans un après-demain futurologique plus ou moins éloigné. Voici pourquoi.
Tout d'abord, faisons l'état des lieux.
Comme le rappellent constamment les organes de la dissidence, Polémia et d'autres, la justice actuelle n'a pratiquement plus que deux fonctions : 1) envoyer les victimes d'agressions en prison dès qu'elles ont le mauvais goût de se défendre, ce qui transforme de facto la légitime défense en un véritable crime d’État ; 2) envoyer, de même, derrière les barreaux, ou les ruiner par des amendes, les patriotes qui osent critiquer, en paroles, en actes ou par écrits, le mondialisme immigrationniste et sans-frontiériste qui tient lieu actuellement de géopolitique à la plupart des pays occidentaux.
En dehors de ces deux « fonctions », éminemment perverses, le justice ne fait pratiquement plus rien, si ce n'est dorer la pilule, une fois de temps en temps, comme, par exemple, en immolant un Patrick Balkany pour se donner à bon compte les apparences du chevalier blanc qui aime les pauvres et déteste les riches.
L'inversion des valeurs donne à la délinquance et à la criminalité « ordinaire » (le terme est faible, puisqu'il s'agit en réalité d'ultra-violence) un véritable blanc-seing. La justice apparaît alors, du moins aux yeux des gens qui pensent, comme une sorte de mafia étatique au service de toutes les autres mafias, et à genoux devant elles. On n'est pas loin, je le répète, des descriptions tragi-comiques de Platon au IV siècle av. J.-C. : la démocratie est le régime où tout fonctionne à l'envers.
Mais, cet état des lieux étant dressé, peut-on espérer une prompte épuration du judiciaire avec son cortège impressionnant de révocations ? Il semble malheureusement que cette épuration n'adviendra – si elle advient jamais – que dans un futur assez éloigné.
Car l'impunité qui couvre actuellement la délinquance et le crime n'est pas seulement le produit des forfaitures du corps judiciaire. A la limite, le judiciaire n'est ni plus ni moins responsable que toutes les autres structures de l’État-zombi : école, police, organismes sociaux, politiciens, idéologues, etc. Et l’État-zombi lui-même ne fait en définitive que traduire les aspirations profondes des masses.
Contrairement à une croyance répandue, ce n'est pas l'élite qui pervertit la masse. C'est plutôt l'inverse. Les peuples ont toujours le gouvernement qu'ils méritent. Comme l'écrivait déjà Orwell, un peuple qui élit régulièrement des lâches, des corrompus et des renégats n'est pas victime : il est complice. L’État-zombi n'est qu'une cristallisation des aspirations profondes d'un peuple lui-même zombifié.
C'est alors qu'il convient de faire un second état des lieux, qui concerne non l'état du judiciaire cette fois-ci, mais l'état très général du populaire. Et – malheureusement – le résultat n'est pas beau à voir.
Traçons le portrait de l'homme-masse contemporain, celui qui vit en France en 2019.
Certes, il vit mal, son salaire est peu avantageux. Certes, il sait vaguement, ou pas, que la petite vieille de l'appartement d'à côté s'est fait dépecer et violer par une bande de « jeunes » pour le dérisoire butin d'un billet de 10 euros. Certes, il voit des images de délits, de crimes, et parfois d’attentats sanglants à la télévision. Certes, il entrevoit vaguement, avec beaucoup de peine, qu'il y a de l'impunité et qu'il est un peu le dindon de la farce.
Mais la vérité, la vérité pas bonne à dire, c'est qu'au bout du bout... il n'en a strictement rien à foutre !
Lui-même, cet homme-masse, est border-line, et ne se refuse pas quelques incivilités de temps en temps, mauvais voisin, mauvais père, mauvais fils, mauvais automobiliste, mauvais travailleur qu'il est. Et puis, il apprécie les codes vestimentaires de la « caillera », écoute du rap, parle en wesh-wesh à table, même à 55 ans passés. Les enfants de cet homme-masse sont encore pires. Tant que le frigo est plein (plein de surgelés et de hamburgers dégueulasses, mais qu'importe ?) et qu'on peut regarder Hanouna à la télé, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et puis un petit joint de temps en temps entre deux bières, même en famille pourquoi pas ? ça aide à vivre. Et puis, une petite série télé ultra-violente avec plein de gentils psychopathes qui tuent, pillent, violent et torturent, c'est tellement amusant pour passer la soirée ! Et puis l'instituteur qui a fait des reproches au petit dernier, eh bien, on va lui démonter sa race à ce bouffon ! Et puis, tiens ! on va téléphoner à la tante Philomène, celle qui a quatre-vingt-dix ans et plein de pognon, tout un magot ; si on peut lui taper un peu de fric pour les vacances…
Et pour le reste, le sens du collectif, la politique, on s'en fout, et la justice aussi d'ailleurs... D'autant que l'homme-masse d'aujourd'hui ne sait plus bien la différence entre un juge, un procureur, un avocat, un ministre, un préfet ou un député, incapable qu'il est de situer son pays sur une carte géographique ou même de se rappeler le nom du Premier ministre ! Pour penser le collectif, il faut déjà en maîtriser le vocabulaire. Mais l'homme-masse se fout autant du collectif que de la sémantique !
Bref : entre le crime caractérisé et l'homme-masse, on s'aperçoit que la différence est de degré plus que de nature. La « caillera » n'est que la caricature de l'homme-masse, l'expression la plus achevée de cette ingratitude généralisée dont le philosophe Ortega y Gasset faisait déjà le grand péché mortel des sociétés décadentes du 20° siècle. L'homme-masse est un zombi subalterne, la caillera n'est qu'un syndicat de zombis-chefs.
Il y aura donc une épuration de la magistrature, lorsque la société cessera, dans sa forte majorité, d'être criminophile, criminolâtre et criminocrate. Mais ces choses ne pourront advenir que lorsque les frigos seront vides et qu'on ne pourra plus regarder les pitreries d'Hanouna. Peut-être lorsque telle ou telle catastrophe majeure nous coupera l'eau et électricité, tout en nous redonnant des couilles... Demain ? Non. Après-demain, peut-être...
J'ai moi-même fait un livre où l'épuration du judiciaire est un thème important, mais l'action se passe… en 2193 !