samedi 1er mai 2010 - par Lucilio

La tragédie des communs au Zimbabwe

Quand nous voyons une espèce en extinction, une ressource surexploitée, un bois rasé, une rivière polluée, nous devons nous rappeler de Hardin et du fatal destin des biens communs. La propriété privée est la meilleure amie de la nature.

Dimanche dernier, 18 avril, on célébrait au Zimbabwe le 30e anniversaire de l’avènement de la nouvelle république qui donna le pouvoir à la majorité noire du pays. Triste anniversaire en vérité. Il y a 30 ans, le président tanzanien Julius Nyerere déclarait au futur dirigeant du pays, Robert Mugabe : « Vous héritez d’un joyau. Préservez-le ! » Depuis, le joyau a perdu de son lustre. Et l’euphorie a tourné au cauchemar à partir de 1997, quand Mugabe céda, sur une affaire de pensions, devant des manifestations violentes de « vétérans » de la guerre d’indépendance et quand, après avoir perdu un referendum en 2000, Mugabe se tourna définitivement vers le populisme autoritaire et laissa ces « vétérans » envahir les fermes dirigées par des Blancs. Plus de 4.000 exploitants blancs quittèrent leurs terres dans la précipitation et la violence. S’ensuit, dans ce pays jadis grenier de l’Afrique, la chute du secteur agricole qui emporta toute l’économie. Vint rapidement l’hyperinflation qui atteignit des sommets inimaginables (officiellement, 237.000.000% par an en 2008) et la production tomba au point mort. Finalement, l’ancien exportateur alimentaire devint dépendant de l’aide internationale pour se nourrir.
 
Les deux images suivantes, fournies par Google Earth (via Center for Global Development et Ogle Earth) montre le contraste entre les terres communales et les parcelles privées exploitées commercialement par les Blancs aux alentours de 2000, avant et après la « redistribution » des terres. Il s’agit là d’une lumineuse illustration d’un phénomène classique expliquant en partie l’effondrement de l’agriculture du Zimbabwe : la « tragédie des communs » qui fait que les agriculteurs travaillant sur des terres communales ne sont pas incités à les maintenir en bon état et, avec le temps, laissent l’érosion les transformer en désert.
 
Avant la « redistribution » des terres (terres communales à gauche, propriétés privées à droite) :
 
 
Après la « redistribution » des terres (terres communales à gauche, propriétés privées à droite) :
 
 
« Ce qui est à tout le monde n’est à personne, » L’adage dit juste. On ne sait pas si Garrett Hardin le connaissait, mais il arriva à la même conclusion, sous un forme plus élaborée, dans son fameux article « The Tragedy of the Commons » paru le 13 décembre 1968 dans la revue Science.
 
L’idée qu’expose Hardin avait déjà été, dans une certaine mesure, approchée par Aristote et Saint Thomas d’Aquin. Et découverte à l’ère moderne par les économistes Armen Alchian et William Allen ainsi que par Ludwig von Mises. Mais ce fut Hardin qui vit son nom associé au tragique processus des biens mis en commun. Hardin illustre son propos avec « un pré ouvert à tous ». Tous les éleveurs voudront tirer profit de celui-ci. Mais tandis que tous emportent la totalité du produit de leur exploitation du pré, les coûts dérivés de cette exploitation ne sont pas assignés à ceux qui utilisent le pré, mais divisés entre tous ceux qui ont accès au pré communal dans un très clair processus de privatisation des bénéfices et de socialisation des pertes. Dans ces conditions, le désir de surexploiter la ressource n’est pas freiné par le coût induit par un usage excessif. Comme en plus, chacun tient le même raisonnement, tous se précipitent pour être les premiers à retirer le maximum possible, avant que la surexploitation n’épuise complètement la ressource et que personne ne puisse plus rien en retirer.
 
Il est impossible de minimiser l’importance des dégâts provoqués par cette catastrophique manière de gérer les biens. En Angleterre, la privatisation des terres communales, connue sous le nom d’enclosures, permit une énorme augmentation de la productivité des terres ; une révolution agraire qui précéda l’industrielle et rendit cette dernière possible. Et cela parce que la propriété privée, contrairement à la propriété communale, incitait à prendre soin de la ressource et faisait en sorte que celle-ci prenne de la valeur avec le temps.
 
Quand un malentendu couplé à un manque de coordination au sein des dirigeants communistes est-allemands laissa le champ libre à la population pour renverser le Mur de Berlin et ouvrir le Rideau de Fer, apparut aux yeux des Occidentaux la réalité de l’économie socialiste et de ses conséquences sur l’environnement. Un choc impossible à dissimuler. Aucun des pires scénarios catastrophiques imaginés par les écologistes et supposés dépeindre la dégradation du milieu dans le monde libre ne pouvaient suffire à décrire les dégâts causés à la nature dans les pays socialistes. Et c’est de la même manière que le verger et le grenier qu’était le Zimbabwe il y a 30 ans est devenu le désert actuel.
 
Et c’est en faisant exactement le contraire qu’au Zimbabwe toujours – alors que dans le même s’effondrait l’agriculture – furent sauvés de l’extinction les éléphants. Jusqu’à l’avènement de la république du Zimbabwe, ces animaux souffraient également des tragiques conséquences des biens communs : ils étaient libres et n’appartenaient à aucun propriétaire privé. L’État rhodésien veillait sur eux et la loi les protégeait. C’est-à-dire que n’importe quel lord anglais ou tout autre qui disposait d’un bon fusil et de l’argent pour soudoyer les gardes pouvait se consacrer à leur extermination, sans trop de soucis. Car s’il existe un stimulant économique – que ce soit le prix de l’ivoire ou celui de la peau de tigre –, ce qui doit arriver arrive. Toujours. C’est ainsi que durant la première moitié du 20e siècle, la population des éléphants chuta de manière alarmante. De manière très significative, depuis que les éléphants ont été « privatisés » – échappant de cette manière à la tragédie des communs –, c’est exactement le contraire qui se produit. Concrètement, le nombre d’éléphants ne dépassait pas les 30.000, il y a 30 ans ; aujourd’hui, plus de 60.000 pachydermes vivent dans la zone.
 
Maintenant, sur chacun de ces plus de 60.000 éléphants existe un droit de propriété appartenant aux communautés indigènes locales sur le territoire desquelles se trouvent les troupeaux. Cela signifie que celui qui désire, par exemple, prendre en photo les mastodontes doit s’acquitter des droits d’image correspondants aux propriétaires légaux. Mais cela signifie surtout que les mêmes incitants qui poussaient naguère les indigènes à coopérer avec les braconniers sont les mêmes qui les amènent, dans la nouvelle situation, à les pourchasser sans merci.
 
Les éléphants d’Inde, les taureaux de combat, les huîtres et les chevaux arabes ne disparaîtront jamais. Leur futur est assuré car n’importe quel être rationnel qui possèderait des droits de propriété sur eux se préoccupera, dans son propre intérêt, de garantir la survie de l’espèce. Et il le fera en utilisant le mécanisme des prix. Parce que dans une économie de marché, à la différence de ce qui se passe dans les systèmes socialistes ou dans les monopoles au sein du capitalisme, la fonction des prix est d’informer la société sur le coût des biens qu’elle consomme et sur leur rareté ou leur abondance.
 
Dans une économie de marché, les prix relatifs expriment toujours la vérité sur la disponibilité des ressources que la communauté veut utiliser. C’est pour cette raison que les chevaux de course sont chers et les poulets bon marché. Il en est ainsi car le prix d’un cheval de course ou d’un poulet inclut toujours le coût que représentera pour les entrepreneurs le fait d’acquérir un poulain ou un poussin pour poursuivre le cycle d’exploitation. Sur le marché, tout a un prix et un coût. Pour cette raison, il semble froid et déshumanisé. Quand on ne comprend pas son fonctionnement, on pourrait le croire sans cœur. Or il en a bien un, mais invisible. C’est pourquoi, quand nous voyons une espèce en extinction, une ressource surexploitée, un bois rasé, une rivière polluée, nous devons nous rappeler de Hardin et du fatal destin des biens communs. La propriété privée est la meilleure amie de la nature. 
 


24 réactions


  • foufouille foufouille 1er mai 2010 10:12

    "

    Dans une économie de marché, les prix relatifs expriment toujours la vérité sur la disponibilité des ressources que la communauté veut utiliser. C’est pour cette raison que les chevaux de course sont chers et les poulets bon marché. Il en est ainsi car le prix d’un cheval de course ou d’un poulet inclut toujours le coût que représentera pour les entrepreneurs le fait d’acquérir un poulain ou un poussin pour poursuivre le cycle d’exploitation. Sur le marché, tout a un prix et un coût. Pour cette raison, il semble froid et déshumanisé. Quand on ne comprend pas son fonctionnement, on pourrait le croire sans cœur. Or il en a bien un, mais invisible. C’est pourquoi, quand nous voyons une espèce en extinction, une ressource surexploitée, un bois rasé, une rivière polluée, nous devons nous rappeler de Hardin et du fatal destin des biens communs. La propriété privée est la meilleure amie de la nature. 
     "
    trop fort !
    la speculation inconnu ?

  • FRIDA FRIDA 1er mai 2010 10:48

    Après la main invisible, on a là le coeur invisible. Petit à petit on aura l’homme invisible.
    Mais à y regarder de près, il est déjà là l’homme invisible, personne ne trouve le responsable de la crise financière et économique. C’est la faute à Monsieur Invisible, vrp de la démagogie libérale.
    Ah si vous pouviez être transparent, sir lucilio.


  • foufouille foufouille 1er mai 2010 12:23

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EkZkEkZklylfyuyLyK.shtml

    il est beau le lertaryanisme, il est beau


  • kataroff kataroff 1er mai 2010 14:44

    Moi je suis plutot d’accord avec l’auteur.

    Aux deux autres : c’est bien facile de cracher sur le liberalisme, de repondre a un article construit en trois mots moqueurs... Ca sent le slogan-reflexe.


  • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 15:52

    Les terre n’ont jamais été nationalisé, mais on changer de propriétaire par la force,seul problème les nouveau propriétaire n’ont pas les connaissances, ni les moyens de cultiver ses terres car ils ont été maintenu dans l’ignorance et la pauvreté par la dictature.

    Un peu d’histoire


    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 21:49

      « Les terre n’ont jamais été nationalisé... »

      Personne n’a jamais dis cela. Seulement que l’on est passé de terres gérées comme propriétés privées individuelles rentables, on est passé à des terres selon le désastreux modèle communal.


      « ...les nouveau propriétaire n’ont pas les connaissances, ni les moyens de cultiver ses terres... »

      De fait, c’est là un trait classique de la gestion socialiste que de nommer des incompétents pour gérer une entreprise agricole. Un grand classique depuis les famines des années ’30 en URSS ou dans la Chine de Mao. Rien de nouveau sous le soleil.

  • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 1er mai 2010 17:04

    Bel article. Une démonstration claire et étayée.

    Mais pour certains, leur aveuglement est tel, qu’ils pourraient crever, ils continueraient à nier les faits.

    D’ailleurs, beaucoup en crèvent : chômage, misère, mais ceux dont je parle, souvent protégés par leur statuts, préfère s’arquebouter sur leur bêtise ignorante et prétentieuse(*), plutôt que voir la vérité en face.

    (*) bêtise prétentieuse : Car vouloir tout régenter est une chimère, trop de paramètres s’entrecroisent et jamais personne ne pourra les maitriser. Ceux qui veulent « formater » la société humaine, ne font que la pervertir. Alors que l’ensemble des actions individuelles, en multipliant les expériences (et les erreurs), font progresser la société des Hommes.


  • Le péripate Le péripate 1er mai 2010 18:23

    Dans le même ordre d’idées de nombreux espaces publics souffrent d’abandon et de dégradation. Les « privatiser » en autorisant par exemple des initiatives comme des jardins ouvriers changerait en bien des espaces mornes, déserts où le danger rôde.


  • Apple 1er mai 2010 18:28

    Merci Lucilio pour ton article.


  • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 21:21

    J’avais rater ce paragraphe :

    Maintenant, sur chacun de ces plus de 60.000 éléphants existe un droit de propriété appartenant aux communautés indigènes locales sur le territoire desquelles se trouvent les troupeaux. Cela signifie que celui qui désire, par exemple, prendre en photo les mastodontes doit s’acquitter des droits d’image correspondants aux propriétaires légaux. Mais cela signifie surtout que les mêmes incitants qui poussaient naguère les indigènes à coopérer avec les braconniers sont les mêmes qui les amènent, dans la nouvelle situation, à les pourchasser sans merci.

    C’est faux, ces éléphants se trouvent sur un parc national et n’appartiennent a personne si ce n’est au parc national et donc a l’état, c’est donc tout le contraire d’une privatisation.
    En fait il n’y a pas de droit a l’image, mais un renversement de taxes aux communautés locales, qui sert a compenser l’interdiction du commerce d’ivoire.

    Seul moyen de protéger les animaux autrement que de les mettre dans des cages.


    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 21:33

      « C’est faux, ces éléphants se trouvent sur un parc national et n’appartiennent a personne si ce n’est au parc national et donc a l’état, c’est donc tout le contraire d’une privatisation.
      En fait il n’y a pas de droit a l’image, mais un renversement de taxes aux communautés locales, qui sert a compenser l’interdiction du commerce d’ivoire. »


      C’est bien gentil, mais tu nous parles du Mozambique, là, pas du Zimbabwe.

    • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 21:44

      Oui, mais rien ne dit dans le lien que c’est pas pareil au Zimbabwe.
      Enfin, j’attends vos sources...


    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 22:04

      « ...rien ne dit dans le lien que c’est pas pareil au Zimbabwe. »


      Quelle argumentation ridicule.

      La comparaison valide est la suivante : les éléphants d’Inde ne sont pas menacé de disparition simplement parce que tous ont un propriétaire.

      « ...j’attends vos sources... »


    • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 22:28

      Ça fait léger comme source, où trouvent t’il les fonds ? la population est elle impliquer ?

      In Namibia, wildlife populations on private lands have risen by 80 percent since the creation in 1967 of a regime of private wildlife ownership.
      Quant est t’il des autre parc pendant la même période ?

      Privatization of control over use of wildlife has had more success in promoting biodiversity in the southern African region than any other policy measure
      Chiffre ?


    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 22:32

      « Ça fait léger comme source... »


      Léger ou pas, les faits sont là : en Afrique du sud, en Namibie et au Zimbabwe, la nature sauvage est gérée en grande partie de manière privée.

    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 22:42

      « Chiffre ? »

      Quand on n’est pas trop fainéant, on va lire l’article entier plutôt que de poser des questions sur l’abstract : http://www.icer.it/docs/wp2000/Nelson22000.pdf


    • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 22:43

      Et rien ne dit que ce soit plus efficace maintenant que ce passerait t’il si la société décidait d’utiliser autrement ça propriété privé ?
      Y a t’il des loi interdisant la construction sur les terrains des parcs naturels ? ou l’utilisation des animaux a d’autre fin que la sauvegarde ?

       tient a propos des terrains, ces groupes privée n’ont il pas les emplacements les plus favorable ?


    • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 22:51

      « Quand on n’est pas trop fainéant, on va lire l’article entier plutôt que de poser des questions sur l’abstract : http://www.icer.it/docs/wp2000/Nelson22000.pdf »

      on dit résumer

      bon c’est le WWF qui s’en occupe, remarque vu la pauvreté de ces états...


    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 22:58

      « Et rien ne dit que ce soit plus efficace... »


      Quand les éléphants du Zimbabwe vivaient dans des parcs nationaux publics, leur nombre ne cessait de décroître. Depuis qu’ils sont devenus « propriétés » des communautés locales, leur nombre a doublé en 30 ans. Oui, la privatisation a été plutôt efficace.

      Et, encore une fois : en Inde tous les éléphants sont propriétés privées. Jamais ils n’ont été menacés de disparition.

    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 23:05

      « ...bon c’est le WWF qui s’en occupe... »


      Non, des fermiers privés ou des communautés indigènes locales.

    • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 23:25

      « leur nombre a doublé en 30 ans. »
      Ce qui coïncide aussi a peut près avec l’interdiction de l’ivoire.

      « Et, encore une fois : en Inde tous les éléphants sont propriétés privées. Jamais ils n’ont été menacés de disparition. »
      Les animaux domestique ne sont pas en voie de disparition, oui et ? ça n’a rien a voir avec la sauvegarde des milieux naturel.

      « Non, des fermiers privés ou des communautés indigènes locales. »
      communautés indigènes locales, ça revient a une nationalisation par la communautés, pour le reste, en aucun cas les propriétaires n’ont le droit d’utiliser les terrains et animaux comme bon leur semble.



    • Lucilio Lucilio 1er mai 2010 23:40

      « Ce qui coïncide aussi a peut près avec l’interdiction de l’ivoire. »


      Aucun rapport puisque les fermes privées d’éléphants vendent de l’ivoire. L’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Botswana et la Namibie, c’est-à-dire les pays où les éléphants sont privés peuvent vendre de l’ivoire sous contrôle.



      « ...ça n’a rien a voir avec la sauvegarde des milieux naturel. »

      Si, l’exemple de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Botswana et de la Namibie montre que la propriété privée sauve les espèces sauvages et permet leur multiplication, alors que le contraire les mène à la disparition, comme, par exemple, en Tanzanie où le nombre d’éléphants a été réduit de 40% en 3 ans suite aux braconnages.



      « ...communautés indigènes locales, ça revient a une nationalisation par la communautés... »

      Non, c’est une copropriété privée.

  • sonearlia sonearlia 1er mai 2010 22:50

    « Quand on n’est pas trop fainéant, on va lire l’article entier plutôt que de poser des questions sur l’abstract : http://www.icer.it/docs/wp2000/Nelson22000.pdf »

    on dit résumer

    bon c’est le WWF qui s’en occupe, remarque vu la pauvreté de ces états...


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