vendredi 16 décembre 2016 - par François Xavier UPR92

La très discrète publication des aides à la presse au titre de l’année 2015

C’est dans un silence médiatique quasiment total que, cette année, le ministère de la Culture et de la Communication a rendu publiques les aides à la presse écrite au titre de l’année 2015, le 3 octobre dernier.

Traditionnellement, les aides à la presse font les gorges chaudes des journalistes qui examinent avec attention le montant de subsides publiques dont leurs collègues et compétiteurs bénéficient.

Cette année, cependant, seuls La Croix et les sites spécialisés « Offremedia » et « CB News » ont rendu compte de ce petit événement – intervenu assez tard dans l’année, en octobre, contre juin l’année précédente –, et qui permet de mesurer l’extrême dépendance de la presse écrite au bon vouloir du gouvernement.

Si les médias de masse n’en ont pas parlé, c’est parce que le millésime 2015 des aides à la presse présente une différence remarquable avec celui des années précédentes, qui a de quoi faire rougir les journalistes attachés à la transparence et à la vérité.

  • Que s’est-il donc passé ?

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Depuis un décret de 2012, le montant et le détail des aides publiques aux médias de la presse écrite les plus subventionnés sont divulgués, titre par titre, et annuellement. Preuve éclatante de l’appointement de la presse par le pouvoir politique, cette publication est combattue, depuis qu’elle existe, par les médias écrits et par leurs actionnaires.

En 2016, les médias ont eu gain de cause, en obtenant du gouvernement que la majeure partie des aides au titre de l’année écoulée, 2015, soit tout simplement enlevée de la publication du détail des aides, titre par titre.

Ainsi, les subventions sous forme d’un tarif préférentiel octroyé aux journaux pour leurs expéditions par la Poste en contrepartie d’une aide de l’État – dite « aide postale », ne sont plus ventilées journal par journal. Le ministère de la Culture et de la Communication précise que cette décision a été prise pour « apaiser les débats ».

Or, l’aide postale a représenté 130M€ en 2015 (voir la note de présentation), soit 63% des 207M€ d’aides individuelles. Seuls 37% des aides individuelles (les 77M€ restant) sont désormais ventilés titre par titre, contre 100% des aides auparavant (voir l’exemple de 2014).

  • Quelles conséquences ?

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Ce constat emporte plusieurs conséquences :

1°) Il n’est plus possible de savoir réellement le niveau de subvention publique dont bénéficie un titre en particulier.

Pour prendre un exemple, en 2014, le journal Le Monde a bénéficié de 13,1M€ d’aide publique, dont 3,6M€ d’aide postale, soit une proportion très significative de 27% du total.

Rapporté au nombre de publications du Monde vendues sur l’année, l’aide publique représentait 14 centimes d’euro par journal, c’est-à-dire 12% du prix du journal, vendu 1,20 euros. C'est-à-dire que les subventions publiques ont représenté en proportion, en 2014, 12% du chiffre d'affaires du Monde issu de la seule vente des journaux. Beaucoup d’entreprises aimeraient avoir un modèle économique aussi confortable.

En 2015, il n’est plus possible de connaître l’aide postale du journal Le Monde, dont la subvention (hors l’aide postale donc) n’apparaît « plus que » de 5,4M€. Il n’est plus possible d’en déduire non plus quelle proportion du chiffre d’affaires, issu de la vente des journaux, l’aide publique représente.

2°) Certains journaux ont tout simplement disparu du classement du ministère de la Culture et de la Communication en 2015 par rapport à 2014 parce qu’ils ne bénéficiaient que de l’aide postale au titre de 2014.

C’est le cas de Valeurs actuelles (961K€ d’aide postale en 2014) ou du Canard enchaîné (414K€) qui ne sont plus présents dans le classement de 2015. Or, rien ne permet d’affirmer que ces titres ne bénéficieraient plus de l’aide postale attribuée par l’État.

3°) Enfin, la disparition de l’aide postale ventilée titre par titre laisse la porte ouverte à la manipulation et au mensonge.

En effet, une manœuvre pourrait voir le jour dont le principe consisterait à afficher une baisse des aides « publiées » (dites « aides individuelles ») d’une série de grands journaux pour faire croire au rétablissement de leur indépendance financière, alors que, dans le même temps, l’aide postale dont ils bénéficient augmenterait, mais sans que le public ne le sache puisque cette aide n’est désormais plus ventilée titre par titre.

  • Conclusion : la publication des aides à la presse progressivement vidée de son sens et se son intérêt

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Vantant aux Français à longueur d’articles depuis des décennies les vertus du libéralisme, de la concurrence libre et non faussée et de l’effacement de l’État, les médias de la presse écrite ont sorti leurs griffes pour défendre et dissimuler les privilèges et protections que le gouvernement leur accorde, non d’ailleurs sans arrières pensées, sur le dos des Français.

En empêchant d’identifier, en 2015, quel titre a bénéficié de quelle aide postale, qui représente l’écrasante majorité des aides, les médias ont réussi à vider de son sens et de son intérêt, en grande partie tout du moins, la publication annuelle des aides à la presse.

Comme pour les statistiques du chômage, le gouvernement a donc pris le parti de tronquer artificiellement les chiffres officiels des aides à la presse. La manipulation des statistiques officielles jusqu’à, parfois, la suspension de leur publication est un classique de toutes les dictatures qui, faute de pouvoir changer la réalité, s’efforcent de la dissimuler et de la travestir aux yeux du public.

Dans son programme présidentiel, François Asselineau prévoit de rétablir les conditions et les garanties qui permettront aux médias de la presse écrite d’aiguiser à nouveau le sens critique et l’intelligence des Français, au lieu de chercher à les égarer comme c’est le cas aujourd’hui, en se comportant comme de vulgaires organes de propagande.



14 réactions


  • non667 16 décembre 2016 19:05

    après lisbonne 2005 et les lois gayssot tout le monde devrait savoir que l’on n’est pas en démocratie mais en dictature rusée et sournoise et que ceux qui sont élus le sont par des jobards qui croient au père noël !
    solution : voter pour ceux qui sont le plus vilipendés par le front ripoublicain !!


    • non667 16 décembre 2016 19:43

      @non667
       j’ajoute : de même au niveau mondial :le coup des armes de destruction massives montre que les dirigeants des usa sont des menteurs à ne plus croire et vu ce qu’ils ont fait après des ordures !


  • fred.foyn 17 décembre 2016 06:51

    La « PRESSE » est au service du gouvernement..sa lâcheté est légendaire..pour soutenir la mafia-politique...Des « VENDUS » tout simplement !


  • Spartacus Lequidam Spartacus 17 décembre 2016 10:44

    « Vantant à longueur d’articles les vertus du libéralisme »

    Pour info, le journal « l’opinion » qui se réclame ouvertement du libéralisme ne touche aucune aide.
    Les journaux sont étatistes pas libéraux

    • Alren Alren 17 décembre 2016 12:14

      @Spartacus

      Tous les journaux subventionnés sont européistes avec une UE soutenant à fond le capitalisme des banques et des spéculateurs. Donc ils sont pro-capitalistes. d’ailleurs ils appartiennet pour l’esentiel à des milliardaires. (Le Canard Enchaîné faisant exception).

      Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : le sens premier de libéral a été détourné et de même que la direction de l’UE est autoritaire, ces journaux que la soutiennent le sont aussi. Ils ne sont donc pas libéraux en effet.


    • Norbert 17 décembre 2016 13:42

      @Alren

      Oui , on pourrait même dire que le Libéralisme réel se transmute instantanément en Capitalisme monopoliste (à l’instar du communisme réel qui a eu jusqu’à présent quelque tendance à dégénérer en Stalinisme).


    • Jean Pierre 17 décembre 2016 22:14

      @Spartacus

      « L’Opinion est propriété du groupe Bey medias, société par actions simplifiée, dont la composition du capital n’est pas entièrement connue. L’Opinion aurait en effet constitué un capital compris entre 12 et 15 millions d’euros dont environ 30 % serait possédé par Nicolas Beytout. D’après ce dernier il y a : « une quinzaine d’investisseurs, dont aucun n’a de minorité de blocage » . D’après Le Monde Bernard Arnault serait le principal investisseur aux côtés de Nicolas Beytout avec six millions d’euros apportés à titre personnel. Claude Perdriel, propriétaire de L’Obs, a aussi investi « quelques centaines de milliers d’euros et en a informé la direction de son hebdomadaire ». D’après Mediapart la famille Bettencourt a apporté 3,2 millions d’euros et détient 13,4 % du capital par l’intermédiaire de sa holding Thétis, ce qui porterait le capital à 24 millions d’euros »


      Ce journal fait clairement partie de ces nombreux médias entièrement financés par la classe possédante pour propager la propagande conforme à ses intérêt et qui accepte de perdre de l’argent pour cela. Ce journal travaille à perte et sans le soutien de ses riches actionnaires il n’existerais pas. Son libéralisme est le même que le votre, c’est à dire entièrement dévoyé au service de la classe riche. Pour ne pas que ses objectifs apparaissent de façon trop évidente pour ce qu’ils sont, c’est à dire être au service de l’argent, ce journal cache honteusement ses actionnaires. Et ses journalistes en laisse se disent « indépendants ». 

       Il est possible de se passer de subventions quand on est soutenu par quelques-unes des plus grandes fortunes Françaises. Mais il faut s’appeler Spartacus pour y voir un signe d’indépendance. 


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      • VICTOR Ayoli VICTOR 18 décembre 2016 09:31

        @Jean Pierre
        Excellent précision concernant cette feuille uniquement dévolue à la propagande ultralibérale.


      • VICTOR Ayoli VICTOR 18 décembre 2016 09:43

        @Spartacus

        L’Opinion a surgi en 2013 avec 184 000 euros d’aides de l’Etat.

        L’Opinion est ce quotidien lancé par M. Nicolas Beytout, avec des concours financiers dont la transparence n’est pas absolue, mais au service d’une ligne rédactionnelle qui, elle, ne laisse planer aucun mystère puisque c’est celle du Medef. La diffusion payée du journal de M. Beytout est confidentielle (de mille à trois mille exemplaires par jour en kiosques), mais sa seule survie permet à son créateur de naviguer d’une antenne à l’autre et d’être très généreusement cité dans la plupart des revues de presse. Ce qui, là encore, n’est pas donné à tout le monde.


      • Francis, agnotologue JL 18 décembre 2016 09:55

        @Spartacus
         

         ’’Les journaux sont étatistes pas libéraux’’
         
         Cette blague ! 

         Au mieux vous pourriez dire : Les journaux sont étatistes et l’Etat est libéral !
         
          smiley

      • Captain Marlo Fifi Brind_acier 18 décembre 2016 21:08

        @JL
        « Socialiser les pertes et privatiser les profits »


    • baleti baleti 17 décembre 2016 13:52
      • Que s’est-il donc passé ?

      des dessous de table .

    • berry 17 décembre 2016 16:23

      L’état réserve ses aides à la presse amie.
      Valeurs actuelles, Minute et Rivarol ne touchent rien ; au contraire, l’état et les associations subventionnées leur font des procès et ils doivent payer des amendes.
       
      A la suite d’un décret publié en 2015, les aides à la presse ne concerne pas les titres ayant fait l’objet de condamnations pour racisme, antisémitisme, incitation à la haine raciale ou à la violence au cours des cinq dernières années.
       
      Avec une ribambelle de lois liberticides, une justice à sa botte et des motifs de condamnation aussi flous et inconsistants, l’état a beau jeu de couper les aides à ses opposants les plus déterminés.
      En plus de ça, il fait pression pour leur retirer toutes leurs recettes publicitaires.


    • eric 17 décembre 2016 21:31

      Et ce n’est pas tout ! Comme les titres sont inféodés à l’État, ils reproduisent fondamentalement en tendance les discours de l’État. Ils se vendent donc mal ( voir les comparaisons internationales). Leurs sujets préférés sont en effet le socialisme et le sociétalisme. Les agents de l’état s’ennuient et ont du temps libre et la sécurité de l’emploi, trois bonnes raison de lire et d’être passionné par son nombril..
      Ils payent donc mal des journalistes recruté à des niveau médiocres. Mais l’État, dans sa grande bonté, diminue les impôts des journalistes.
      Il faut ajouter l’argent perdu par les entreprises dépendantes des contrats publics et quasi forcées d’investir dans de la presse d’opinion pour sécuriser les commandes.

      Les sommes d’argent public consacrées à la survie de médias socialisant et sans grande qualités sont donc très très supérieures à ce que dit l’article.


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