
La polémique permanente autour du sujet de la laicité démontre à la fois son importance et son aspect révélateur : Lors de la parution d'un récent article, nous avons vu, comme d'habitude, les profils classiques hurler ou murmurer dans les commentaires, suivant leur caractère (IA inside ?), mais, toujours, expliquant, avec cette nuance de mépris qui ne se rencontre que chez les croyants intégristes (ou les pires collabos), que la religion ne sert à rien et que la laïcité doit être appliquée de manière absolue et sans réflexion. La preuve, quelque part, que les "laïcars" sont des religieux tendance grenouille de bénitier ou plutôt des perroquet de la doxa : J'applique la lettre sans comprendre l'esprit et sans penser aux conséquences.
J'ai déjà développé dans un précédent article que la laïcité devait être prise, dans son instrumentalisation politique actuelle, comme une arme dirigée par un état (en l'occurrence ici l'état français) contre toute structure pouvant s'opposer à lui.
En effet, en France la structure qui était (est ?) capable de mettre en place une opposition à l'état est la religion chrétienne (les guerres de Vendée entre 1793 et 1796 sont une démonstration concrète où la religion sert de carburant et de lien "social" à un mouvement qui s'oppose dans la réalité à l'impôt et à la conscription étatique).
Développons un peu cette idée en prenant une théorie dans la boite à outils dont dispose tout intellectuel.
D'après Ibn Khaldoun, un état pour prélever l'impôt (le « fluide vital » d’un état) doit désarmer sa population.
Spontanément, l'on pense d'abord à des armes physiques (épée, arc, lance dans le passé, armes à feu à l'époque contemporaine).
Il est évident que ce désarmement concerne bien effectivement les armes "physiques" dans un premier temps.
Mais dans notre société (et Khaldoun l'évoque également), on dépasse ce stade physique pour désarmer les populations à un niveau psychique en lui ôtant toute capacité d'acquérir un "asabiya" (l’asabiya toujours d'après Kahldoun est la solidarité/esprit de corps qui existe dans une population. C'est le préalable à toute action collective).
Le premier asabiya, la plus facile à utiliser/manipuler (d’où sa réputation sulfureuse), c'est la religion et la culture. Du point de vue de l'asabiya, les deux sont la même chose : Toute religion induit un environnement culturel (par exemple interdiction du prêt à intérêt, interdiction de certains aliments, etc....) et « en même temps » toute culture induit ou modifie une pratique religieuse (interdiction de l’esclavage, interdiction de porter atteinte aux parties génitales d’enfants, etc…). Les deux sont également liés de manière temporelle : La culture commune est, en général, ce qui reste d'une religion "officielle" après sa sécularisation.
Ces règles communes, quel que soit l'autorité les définissant, forment la base de l'asabiya. La religion et la culture donne donc une légitimité pour s'opposer aux dictats d'un état spoliateur qui souhaiterait redéfinir les règles communes à son avantage (par exemple : augmentation des impôts, rétablissement de l’esclavage, conscription, ....).
La laïcité excessive (car pris avec mesure c’est un principe intéressant, repris par certaines religions....) a donc permis d'extraire la religion/culture matricielle de la société française pour laisser toute la possibilité du Pouvoir à l'état.
Mais, comme le prévoit Khaldoun, pour utiliser un pouvoir violent sur la société ("ultima ratio regum"), comme plus personne ne peut être violent, un état doit aller chercher la violence dans les marges avec des "barbares nomades" qui vont avoir, en pratique, le monopole de la violence "au nom de l'état" dans la société (et dont la culture « étrangère » rend impossible, pendant un temps, d'avoir accès au pouvoir politique sur les "masses populaires").
Cela résonne de manière familière ?
En fait l'importation d’une population étrangère, c'est la possibilité pour un état d'avoir à sa disposition une asabiya permettant la violence (plus ou moins symbolique, plus ou moins économique) contre sa population, si elle est tenté de ne pas obéir à ses ordres.
Factuellement c'est ce que l'on observe.
Une partie de la population a le droit d'être violente (il n'y a qu'à voir le laxisme judiciaire pour elle, opposé à la rigueur draconienne pour les populations qui payent l'impôt)
Une partie de la population a le droit de conserver sa religion et de la maintenir au sein de ses générations. Là encore il suffit de voir l'application de la laïcité très tolérante vis à vis des "bédouins nomades" théorisés par Ibn Khaldoun contre la « laïcité athéiste étatique » appliquée avec beaucoup de rigueur (voire d'exagération) contre les catholiques et les chrétiens.
Quand la population a des envies d'émancipation, quelques nuits d'émeutes font comprendre aux apprentis rebelles qu'ils existent des gardes chiourmes pour prévenir toute tentative d'évasion de l'impôt.
Les deux poids, deux mesures s'expliquent quand la grille de lecture de Khaldoun est appliquée. Surtout son but stratégique apparait. Et quand la stratégie de l'adversaire est découverte, il est possible de mettre en place une stratégie contraire pour gagner....
On peut également comprendre, à travers la pensée d'Ibn Khaldoun, la fascination (et la glorification) des élites "progressistes" (à travers leurs discours, leurs films, etc....) pour la violence des marginaux originaires d'outre méditerranée. Consciemment ou non, ces "élites" savent qu'ils sont encore « élites » grâce à ces "prétoriens du pauvre".
Ces "élites progressistes" savent aussi que quand leur population "de souche" comprendra et prendra des mesures contre ce système, leur pouvoir disparaitra. D'où leurs multiples tentatives pour brouiller le débat en plaçant le sujet sur la religion alors que le problème est sur l'utilisation politique de la religion.
La laïcité a donc permis de désarmer une partie de la population en lui ôtant la possibilité d'un "commun" (asabiya) à l'échelle de la Nation.
Mais une deuxième organisation pouvait être capable de s'opposer à l'état. il s'agissait de toutes les structures mises en place par la société civile pour s'auto-organiser (guilde/syndicat, confrérie/association, etc...). Plus réduites que l'asabiya religieux mais tout aussi efficace pour s'opposer à la politique d'un état.
Pour casser tous mouvements capables de s'opposer à l'état (voir dans certains cas de prendre son contrôle au détriment de l’élite ploutocratique), l'état profond a mis en place une stratégie de "désarmement des capacités cognitives".
En effet ce qui peut motiver des gens à adhérer en masse à une organisation "civile" (association, syndicat, etc.…), c'est, au préalable, la capacité à appréhender les conséquences lointaines de certains choix. Une fois que les masses ont compris l'enjeu, dissimulé en général par leur Etat, elles peuvent se motiver, se rassembler, s'organiser, se structurer et rapidement s'opposer de manière efficace par le nombre à une politique "de" et "pour" l'élite.
Donc pour éviter que les gens soient motivés pour aller le soir dans des meetings politiques/syndicaux ou pour travailler à leur autonomie, une stratégie de séduction des masses (très bien vue par Huxley dans « le meilleur des mondes ») a pris place. En ajoutant l'effort de corruption des dirigeants de ces structures "civiles" (moqué déjâ par Coluche lien ), le désarmement des collectifs était dès lors inéluctable.
Globalement l'échange a été de proposer aux peuples leurs « pensées critiques » et toute "activité émancipatrice" (toutes les activités qui mettent en contact avec la réalité) contre du confort et du plaisir (notamment sexuel, dans "le meilleur des mondes" : tout le monde doit pouvoir coucher avec tout le monde .... sans aucune conséquence. Cette dernière stratégie touche d'ailleurs actuellement ses limites).
Naturellement la recherche de confort et de plaisir n'est pas un problème mais quand ce n'est pas équilibré par d'autres facteurs, cela devient un piège : Le sybaritisme.
Rien de nouveau sous le soleil, Juvénal parlait déjà du "pain et des jeux".
Au-delà de cet aspect de tranquillisant social (bien pratique pour qu'une très petite minorité puisse gouverner), la laïcité jointe à l'abandon du développement cognitif tend à un effet pervers.
En effet, sans transcendance et/ou sans la recherche d'un effort (plus ou moins spirituel), le matérialisme s'impose.
Or c'est bien là un problème récurrent dans les sociétés qui deviennent matérialistes sans être équilibrées par un idéal transcendant (qui n'est pas forcément religieux, la Chine a ainsi utilisé le confucianisme, relativement a-religieux) : Le nihilisme devient la norme. En effet si rien n'a de sens pourquoi vivre cette vie ? Pourquoi faire des efforts ? Ce qui rend dans les faits, impossible de se défendre contre la menace suprême, le désarmement ultime : l'abandon de la volonté de lutter.
Ceci peut d'ailleurs se percevoir sur un plan pratique et très concret, avec la baisse du taux de natalité, marqueur très net de l'absence de ressort psychologique de l'humain moderne face à l'Univers et à l'Histoire.
Point important : le taux de natalité de la population immigrée rejoint très vite le taux de la population de souche (preuve de l'efficacité de l'aspect culturel),
lien.
Corollaire : Très logiquement une personne refusant d'intégrer, pour lui et sa famille, le nihilisme ambiant en vivant en France sera tenté de se rapprocher de sa religion/culture, de ne pas obéir à une laicité instrumentalisée et de ne pas s'intégrer dans la culture mainstream (ceci explique donc cela ...).
Notons également que, comme pour le cas de la violence, l'on essaye de faire venir des cerveaux étrangers (des "marges") pour compenser l'affaiblissement du niveau en France (Médecins du Maghreb, Ingénieurs des pays de l'est, etc ....). Là encore, le but est d'avoir des personnes capables mais qui ne peuvent pas prétendre au pouvoir politique. Là aussi cette stratégie trouve ses limites. (le Maghreb a été vidé de ses médecins et les ingénieurs étrangers visent maintenant d'autres pays...plus à l'est que l'Europe)
Au final, la solution technocratique française de faire venir une population pour compenser la baisse de la population n'est donc pas une solution. Cela ressemble plus à une pyramide de Ponzi démographique qui permet de gagner du temps sans répondre aux vrais problèmes qui ne font que grandir, s'amplifier et entrer en synergie.
Les religieux européens avaient bien vu ce danger dans les siècles passés. Mais malheureusement lorsqu'ils pointaient les dangers d'un tel positionnement religieux/philosophiques. Il était facile pour leurs détracteurs de pointer leur très réel conflit d'intérêt et ainsi d'éviter la réflexion sur les conséquences à long terme d'un refus de toute transcendance.
(un peu comme la NRA, National Rifle Association, association des porteurs d'armes à feu au US lorsqu'elle explique que les armes à feu sont indispensables pour la défense des libertés. Il est facile de mettre en exergue le conflité d'intérêt de la NRA et de gagner le débat médiatique. Mais la réalité continue d'exister ....).
Nous retrouvons dans la France contemporaine ce modèle de censure/déni où les laïcards discréditent systématiquement les chrétiens qui s'interrogent sur les conséquences d'une société athée intégriste : "ce sont des obscurantistes qui veulent le retour au moyen âge et à l’inquisition".
Il est significatif de voir qu'ils tiennent exactement le discours que l'état souhaite voir tenir par une population soumise dans le sens de Khaldoun, sans nuance et sans débat, à propos de la religion. Mais, là encore, la réalité continue d'exister de de s'opposer de plus en plus à eux (à leur grande surprise....).
Cette abêtissement de la population est ancienne : Emmanuel Todd avait déjà noté que la démocratisation de la télévision avait entrainé un arrêt de la hausse éducative des populations. La généralisation du smartphone (pour prendre l'outil le plus abouti pour dévitaliser toute curiosité chez un humain) n'est pas un fait nouveau en sociologie, c'est simplement la prolongation d'une tendance déjà à l'œuvre depuis des décennies.
Ironie de la chose c'est principalement dans le milieux religieux (notamment chrétien) que l'on trouve à la fois le diagnostic et les remèdes à ce genre de "désarmement spirituel". Il faut dire qu'il est classique qu'un excès de religion (surtout dans les monothéismes) aboutisse à une baisse des facultés cognitives et à des pensées nihilistes. Je vous rassure les polythéismes (shinto, hindouisme, etc....) ont aussi leurs propres travers.
Après analyse, il apparait donc que la « laïcité athéiste » n’est pas, contrairement à ce que prétendent ses thuriféraires, une philosophie « dépassant » les religions.
C’est plutôt une philosophie adolescente et immature ( avec une philosophie du type : « Les parents Dieu n'existe pas, je fais ce que je veux ») qui ne veut pas voir les conséquences de son positionnement et ne fait donc pas l’effort d’étudier et de travailler pour avoir le meilleur des systèmes ( à la fois une (des ?) transcendance(s) et la laicité comme principe d’organisation des transcendances).
Il suffit de regarder l’Histoire pour voir des faits appuyant cette thèse.
Prenons un exemple récent (Tout le monde ne connait pas l’exemple classique de l’ « hyper rationaliste athée » Critias dans la Grèce antique).
Dans les années 30, un politique très matérialiste a pris place d'abord aux US puis en Allemagne. Ce n'est pas un hasard, cela suivait des lignes de forces religieuses : Pour les US, le protestantisme dominant est quasiment une religion sécularisée (c'est le laïcisme version anglo saxon où la démonstration de la grâce est visible à travers …. la réussite matérielle, exit donc le spirituel). Quant à l'Allemagne, un épisode de nationalisme hystérique (fondé sur un délire « génético-culturel ») a effacé les valeurs religieuses chrétiennes pendant la "sombre période" du 20eme siècle.
Et cela donne ensuite une politique eugénique (d’abord mise en place aux US puis en Allemagne) et une éradication de manière industrielle d’une partie de sa population (en Allemagne uniquement).
Critias, athée manipulateur, a eu la même démarche (avec les mauvais citoyens d'Athènes...).
Ce n’est pas une aberration historique (même si certains veulent cacher ce fait....), c’est un travers de la laïcité athéiste « pure ».
Avec les derniers débats sur l'euthanasie (en particulier pour les vieux et les malades qui coutent si cher....), nous pouvons voir à nouveau à l'oeuvre la tendance naturelle de la "laicité athéiste" à vouloir gérer les problèmes macros, notamment socio-écologiques, en réduisant la vie (des autres).
L'équilibre pour sortir du piège de Khaldoun sera donc délicat à trouver entre un état totalitaire et une théocratie afin de concevoir le système politique relativement démocratique qu'il est (encore) possible d'avoir en France et/ou en Europe.
L'Europe, dans le passé, a néanmoins réussi cet exploit. Certes les raisons en sont en partie géographique, mais c'est aussi le Génie de l'Europe. Il est actuellement sous le joug du Génie Yankee mais il peut se réveiller. Todd parle du Catholicisme Zombie mais il se trompe (car, à mon avis, il n'a pas approfondi l'histoire des religions). Il s'agit plutôt d'un catholicisme endormi et comme le prévoit Spengler, il est fort probable que nous assistions à son réveil dans l’épisode de seconde religiosité que nous promet l’Histoire comparée.
Dans le prochain article, nous verrons, à partir de ce point, l'évolution de la société que nous pouvons attendre.