Le calvaire européen
On peut toujours assembler les mots les difficultés commencent quand il faut faire marcher ensemble les choses représentées par ces mots ( Léon Daudet 1867- 1942 )
L’Union européenne continue sa marche somnambulique au bord du gouffre.
La BCE dirigée par Mario Draghi, l’autiste goldman sachsien qui autrefois décerna son certificat de bonne gouvernance à la Grèce, reste sourde à toutes les objurgations, programmée une fois pour toutes pour étrangler les perspectives de croissance de l’Union en quête d’illusoires équilibres budgétaires.
Qu’importe la morale si le malade meurt guéri !
Serait-ce donc ça l’avenir que Bruxelles nous prépare avec autant d’arrogance que d’incompétence ?
Le château brûle, les écuries flambent, les peuples étouffent pris dans l’étau de politiques d’austérité dont l’irréalisme saute aux yeux de tout le monde sauf de ceux que la révélation s’obstine à bouder : tout va très bien, Madame le marquise !
Nombreux sont encore les obstinés qui ne veulent toujours pas admettre que les prémisses de la Construction européenne - donnés comme des postulats – se sont enlisées dans le sable des illusions perdues, que d’apparents syllogismes sont devenus des crimes contre la logique.
L’Union Européenne est certes toujours en principe une puissance économique de premier plan mais elle est empêchée de renouer avec la croissance sur son propre territoire.
Écartelée entre le Nord et le Sud, entre les primo-arrivants mus au sortir de la guerre par le souci légitime d’ exorciser les causes de conflits et les impétrants de la 11e heure plus intéressés par la perspective d’un festin partagé, l’Europe n’est plus aujourd’hui qu’une arène où se disputent, loin de l’idéalisme communautaire, des mercantis. Ce que l’intérêt a rassemblé un jour, un intérêt supérieur peut le défaire un autre jour.
L’Europe est obligée de recourir à des expédients pour faire face au vieillissement de sa population. La grande dépression est encore à venir quand la courbe de paupérisation programmée des anciens ( ceux qui, paraît-il, vivent encore dans un confort inaccessible à leur progéniture et à qui on va imposer des sacrifices au nom de la solidarité intergénérationnelle ) rejoindra celle des jeunes générations et que beaucoup de parents se verront dans l’incapacité matérielle d’encore donner le coup de pouce à leurs enfants sans quoi ces derniers seront voués à végéter dans un moins-disant social généralisé.
L’avenir européen est porteur des lourds nuages noirs de la mondialisation qui ont chassé l’espérance, l’Union devait apporter la prospérité mais elle a surtout contribué - volens nolens - à désindustrialiser des régions entières.
On ne voit plus par quel miracle on pourrait rendre aux peuples européens l’ambition de souscrire à un projet collectif et leur faire retrouver la force d’y croire à nouveau dès lors que les seules valeurs qui ont vraiment droit de cité sont l’individualisme et l’égoïsme de classe.
********
Glissons rapidement sur le sujet qui fâche de la place de l’Europe en géopolitique car hélas !pas un domaine n’échappe à la pusillanimité des politiques : les nations européennes qui dominaient les relations internationales au 19e siècle se sont converties à une mentalité d’épicier dans la philosophie du tiroir-caisse, il est vrai saignées à blanc par deux guerres ravageuses.
Favorisant les palinodies politiques, les ploutocraties détiennent aujourd’hui le pouvoir, elles font parfois mine – marketing oblige - de s’intéresser à certains états d’âme et elles consentent avec magnanimité à les prendre en considération pour autant qu’ils ne s’opposent pas à leur cupidité.
L’Europe est aujourd’hui dramatiquement incapable de transformer les restes de sa puissance et la richesse de son potentiel humain et scientifique en pion majeur sur l’échiquier mondial.
Certains états membres accrochés à leur splendeur passée se complaisent encore dans un rôle de figuration dans des cénacles où leur voix ne compte plus guère : comme l’albatros baudelairien que ses ailes de géant empêchent de marcher, l’Europe est empêtrée dans sa propre force d’inertie, trop grosse et trop lourde pour avancer et ses patauds essais sont incapables de se transformer en élans.
L’Europe est bien sûr pénalisée par sa bouillonnante périphérie mais elle participe trop sottement à cette instabilité pour avoir le droit de se plaindre.
Incapable de parler d’une seule voix, elle est donc inaudible et forcée de subir ce qui, dans le grand mécano mondial, contribue à entraver son développement.
Il ne faut pas non plus être Madame Soleil pour suspecter une instrumentalisation de ces conflits à ses frontières par tout ce que l’Europe compte de faux amis.
Il est donc inévitable que les fureurs qui se déchaînent à ses confins débordent sur son propre sol et que de fâcheuses métastases la fragilisent.
Qu’a gagné par exemple l’Europe avec la déstabilisation de l’Ukraine à laquelle elle a contribué sinon un foyer de tensions à ses frontières ?
Habilement mise sur les rails au nom de ses principes par de roués manipulateurs, elle s’est jetée la tête la première dans le guêpier en distribuant des brevets de bonne conduite à des nazillons incontrôlables qui prirent d’assaut le parlement légalement élu de Kiev.
********
Mal conçue et élargie à des pays dont elle est devenu le calvaire, brinquebalée par la crise financière de 2008 et soumise à la tutelle rigide de personnages hors sol qui méprisent le peuple pour se consacrer uniquement à l’adoration bornée du veau d’or, la monnaie unique n’a plus comme légitimité que la paresse de l’habitude et du conservatisme : pour certains pays c’est une véritable bulle qui finira par éclater un jour.
La mythologie de l’Euro a fort bien fonctionné pour imposer une soumission quasi mystique des états à des critères arbitraires surgis de nulle part ou plutôt jetés un jour sur un coin de nappe dans les vapeurs d’éther par des experts aux neurones en délicatesse avec le bon sens : ces pinailleurs avant la lettre se sont sentis investis de la mission d’imposer des règles communes sorties de leur bréviaire néo-libéral pour empoisonner la vie des citoyens européens sans leur donner des perspectives de sortie de crise ( l’Europe est en état d’atonie depuis plus de quarante ans, quasi un demi-siècle, avec de courtes périodes de rémission ).
********
Il y a malheureusement une tendance lourde dans l’opinion qui préfère subir que prendre le taureau par les cornes et qui se manifeste par le carrousel du partage du pouvoir entre les deux visages d’une même forfaiture avec quelques notables exceptions récentes comme en Grèce vite écrasées dans l’œuf.
Même les plus audacieux, les plus forts en gueule se raccrochent, malgré tout et quoi qu’ils en disent, à la trame usagée qu’ils font mine de combattre mais qui finalement les rassure et les relie aux choses raisonnables aux yeux de ceux dont ils revendiquent la confiance.
Tout ce que l’on compte de beaux esprits sur le continent, d’habitués des médias et grands experts surtout dans l’art de se tromper et des félins rétablissements acrobatiques, tout cet aréopage distingué nous prédit bosses et plaies dans l’hypothèse où, dans un moment d’égarement électoral, certains pays se doteraient de dirigeants désireux de renouer avec leurs droits régaliens et surtout celui de battre monnaie.
Le malheur veut que ces revendications de bon sens soient trop souvent concomitantes avec une résurgence de nationalismes nauséeux qui se dissimulent habilement derrière des opérations de séduction qui visent à gommer leur nature antidémocratique profonde.
Seule l’incurie de dirigeants européens et la poussière chassée sous le tapis leur donnent une certaine crédibilité dans l’opinion.
********
Dans l’état actuel de l’Europe, sortie ou maintien de la Grande-Bretagne avec le statut ( un pied dehors et un demi-pied dedans ) qui est le sien et dont d’autres états vont bientôt revendiquer le bénéfice, l’intégration a du plomb dans l’aile, elle a même tendance à refluer dans certains domaines comme on a pu le mesurer ces derniers temps.
Quel que soit le verdict des urnes en Grande-Bretagne les partisans du Brexit ont déjà gagné, ils représentent une masse incontournable qui va brider Downing Street et, par la même occasion Bruxelles.
Quant aux fameux marchés dont la propagande agite les turbulences jusqu’à en favoriser la survenance pour dissuader l’électeur britannique de suivre son inclination profonde à la singularité insulaire, ils réagissent à l’émotion : du bon usage d’un assassinat pour que remonte la bourse !
Néanmoins nul doute que la City qui en vu d’autres s’accommodera d’un résultat qui ne serait pas celui escompté.
Dieu merci pour eux, Brexit ou Brexin, les Anglais sont au moins à l’abri des affres existentielles de l’Euro, la Livre de Sa Majesté a une solidité qui lui vient de son histoire et qui lui permet à l’instar du bouchon de toujours flotter et de ne jamais couler.