lundi 30 novembre 2020 - par Daniel MARTIN

Le canoë de la loi sécurité globale et ses rameurs « godillots » à la dérive !

 

Il existe une loi du 29 juillet 1881 qui a fait l’objet de nombreux amendements de réactualisation depuis sa publication pour répondre aux exigences. Tout au plus, convenait-il de l’amender pour la réactualiser, au vu des nouvelles techniques numériques et des réseaux sociaux. Pourquoi une nouvelle loi inutile aux relents liberticides ?

Pour rappel, loi du 29 Juillet 1881

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est une loi française, votée sous la IIIᵉ République. Elle définit les libertés et responsabilités de la presse française, en imposant un cadre légal à toute publication, ainsi qu'à l'affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070722/2020-11-29/

Les fondements de la liberté de la presse

Principe fondamental des systèmes démocratiques, la liberté de presse est inscrite bien antérieurement à la loi de Juillet 1881, il suffit de se référer à l’ article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 Août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

Ultérieurement, par l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 Décembre 1948  : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

Ou encore l’article 10 de la convention Européenne des droits de l’homme du 4 Novembre 1950 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations ».Et de préciser un peu plus loin « L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

Il convient aussi de rappeler que la loi de 1881 a été modifiée plusieurs fois pour encadrer cette liberté au-delà des règles liées au respect de la personne, la protection des mineurs, la répression de l’injure, la diffamation ou l’atteinte à la vie privée. A lire : https://www.vie-publique.fr/eclairage/19351-liberte-de-la-presse-en-france-quel-cadre-legal

Mais pourquoi une nouvelle loi « sécurité globale » qui restreint de fait la liberté de la presse ?

Quand on sait que les articles 22 et surtout 24 de la nouvelle loi « sécurité globale » ouvrent la porte à des processus liberticides, on peut comprendre les réactions d’hostilité, d’autant que les dispositions visées dans l’article 24 du texte initial, modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, prévoyait de punir d’ «  un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police  ». Ainsi rédigé il empêchait, de fait, toute prise de vue d’un policier ou gendarme en exercice, au prétexte que l’intention de nuire pouvait toujours être plaidée préventivement par ce dernier. C’est ce point précis qui interrogeait sur la volonté de restreindre la liberté d’informer.

Par ailleurs, quand on s’interrogeait s’il sera toutefois possible désormais de diffuser et de montrer des interventions policières sans floutage ? Pour rassurer ceux qui en doutent, le ministre de l'Intérieur a précisé le fameux article 24 de la loi sur la sécurité globale. Diffuser des images d'intervention en direct reste autoriser sauf s'il y a une intention manifeste de nuire aux agents. Et là est la question : comment évaluer si l'intention est malveillante ? Le texte ne le précise pas. Ce sera au juge de le dire. Mais ce qui inquiète, c'est la réaction à chaud des forces de l'ordre, face aux journalistes, lors d'une intervention policière.

Certes, l’amendement de réécriture 1363 intègre plusieurs nouvelles dispositions, dont celle introduite par la commission des Lois de l’Assemblée nationale qui permet la diffusion du «  numéro d’identification individuel  » du fonctionnaire, qui pourra en outre «  toujours être transmis aux autorités administratives et judiciaires  » en cas d’enquête... On pourra donc toujours filmer ou citer ce numéro, ce qui permettrait par exemple d’identifier un agent ne respectant pas la déontologie. Encore faut-il que les policiers le portent de façon visible à distance, ce qu’un certain nombre d’entre eux se refusent à faire en contravention avec la loi…

Si cette loi avait existé, pas d’affaire Bennalla, le producteur qui a ramassé une bonne raclée à l’issue de l’intervention de policiers pour dégager des migrants aurait été arrêté, probablement condamné et les policiers mis en examen et ensuite en détention seraient libres, et tant d’autres affaires plus anciennes qui n’auraient jamais vu le jour.

Plutôt qu’une loi qui a été votée mais non applicable, vu les diverses réactions de parlementaires et du premier ministre, pourquoi pas un simple amendement à la loi de 1881 ?

L’article 39 sexies de la loi du 29 Juillet 1881 ( modifié par la loi n° 2009-971 du 3 Août 2009 - article 21) indiquait : « Le fait de révéler, par quelque moyen d'expression que ce soit, l'identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la défense ou d'agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat, est puni d'une amende de 15 000 euros ».

Il est évident que les nouvelles techniques liées au numérique ont quelque peu modifié les moyens dont disposaient les journalistes en 1881, voire même en 2009 pour photographier et filmer une manifestation et ses violences diverses. Mais est-ce que cela nécessitait une loi avec des articles aux relents liberticides ? Cette loi inconditionnellement approuvée dès le départ par la députée RN Marine Le Pen et ses ami(e)s, mais là rien d’étonnant.

On peut comprendre que lors des interventions, les policiers qui sont en surcharge de travail, des plus jeunes peu expérimentés, avec parfois des ordres confus des autorités soient « à cran », devant en plus, parfois, faire face à des violences extrêmes de la part de certains manifestants et d’autres. Mais cela n’autorise pas les dérapages inacceptables avec des violences et propos racistes, tels que ceux qui ont pu être révélés à l’issue d’une intervention très controversée pour déloger des migrants. Si la justice qui est saisie dans cette affaire confirmait les faits, il convient que les autorités de tutelle avec les forces de sécurité fassent le « ménage » et excluent les individus, dont l’attitude délictuelle ne contribue qu’à donner une image détestable de la police et creuse le fossé entre les forces de l’ordre et la population.

Pour la réactualiser au vu des nouvelles techniques du numérique, dont disposent les journalistes, un simple amendement à la loi de Juillet 1881 suffisait

L’article 39 sexies de la loi du 29 Juillet 1881 ( modifié par la loi n° 2009-971 du 3 Août 2009 - article 21) n’avait vraiment pas besoin d’être modifié ou tout au plus un amendement pouvait être fait par rapport à l’usage des réseaux sociaux, en y indiquant éventuellement une sanction aggravée pour une diffusion inappropriée dans l’intention de nuire aux personnes chargées du maintien de l’ordre public.

Avec cette loi « sécurité globale » c’est une situation pour le moins ubuesque dans laquelle se sont fourvoyés ministres et parlementaires de la majorité, désormais c’est un un canoë gouvernemental dans un cours d’eau fort agitée où des « députés godillots » rament dans tous les sens, chacun souhaitant gagner au plus vite le rivage, mais ne cessent de s’en éloigner… Ridicule et inquiétant à la fois !

Quand on sait que face au « tollé » soulevé contre cette loi, pour calmer le jeu, le gouvernement avait décidé de créer une commission indépendante chargée de réécrire l’article 24, provoquant cette fois une levée de boucliers au Parlement, avant de renoncer le 27 Novembre à ce que cette commission réécrive le texte. Ce rétropédalage participe encore plus à la confusion du débat. Il suffirait que le Conseil Constitutionnel qui ne donne pas de conseils, mais prend seulement des décisions qui s’imposent à tous, auquel le texte de la loi sera soumis après vote final du Parlement, ne la valide pas, ce serait un naufrage assuré du canoë gouvernemental et de ses rameurs « godillots » sur ce dossier...

On peut aussi envisagé qu’après réécriture de la loi elle soit validée par le Conseil Constitutionnel, ce qui signifierait que l’État de droit, c’est-à-dire une justice indépendante, les grands principes de liberté, au premier rang celle des journalistes, d’égalité, d’association, la séparation des pouvoirs, sont respectés, dès lors quelle utilité aurait cette loi ? Et pourquoi tant d’énergie gaspillée pour un « machin » inutile...

Le gouvernement et les députés « godillots » qui doivent revoir leur copie n’avaient t-ils pas à faire face à d’autre urgences ?

Passons sur la crise sanitaire du Covid-19 et sa gestion avec des dispositifs parfois incohérents. Les uns bénéficiant de dérogations, car on considérait qu’il s’agissait de produits de première nécessité, tel les jeux, ou la vente d’alcools ou encore chasser de gros animaux (cerfs, sangliers ) pour soi-disant protéger des plantations d’agriculture à fort usage d’intrants chimiques. Quand d’autres en étaient exclus, aussi surprenant, par exemple, que l’achat d’un slip ou d’une paire de chaussettes qui n’étaient pas considérés comme produits de première nécessité, à moins de les commander en »drive », via une plateforme numérique, tant décriée, mais tant utile en ces circonstances....

Par rapport à des situations d’urgence écologique, ne doit- on pas déplorer dans certaines régions françaises et Européennes une agriculture intensive surproductive, grosse consommatrice d’eau, de produits phytosanitaires et de terres arables qui participe au déboisement souvent en périphérie des centres urbains ? Mais, qui ne semble pas émouvoir le moins du monde le canoë gouvernemental et ses rameurs « godillots ». Une agriculture grosse importatrice de Colza ou soja OGM d’Amérique du Nord et du Sud. Sans compter l’accord CETA ou les élevages concentrationnaires qui devraient être supprimés, de même que certaines chasse, à courre notamment, mais tout cela ne semble pas inquiéter la ministre de l’environnement et encore moins son collègue de l’agriculture. Et que dire des problèmes migratoires et démographiques, là cela semble désormais être de l’hébreu pour les « navigateurs » du canoë gouvernemental et ses rameurs « godillots ». De même que tant d’autres problèmes liés à l’environnement, à l’économie ou à des problèmes sociétaux divers...

Pour conclure

Alors que le gouvernement doit faire face à des urgences sanitaires avec la pandémie du Covid-19, ou à certaines urgences climatiques, économiques et sociétales diverses, comment peut-on imaginer qu’il se soit embarqué dans un une telle aventure avec cette loi « sécurité globale » totalement inutile, sauf à vouloir restreindre les les libertés fondamentales des journalistes. Certes il y a le Vendée globe et en embarquant vers des flots agitées sur un canoë fragilisé, le gouvernement avec ses rameurs « godillots » ont-il voulu à leur façon y participer en le singeant ? Mais ils n’avaient pas aperçu les rochers en direction desquels ils se dirigeaient et s’échoueraient inévitablement. N’est-ce pas lamentable ?...



2 réactions


  • tonimarus45 1er décembre 2020 07:05

    @ Daniel Martin---Quand on lit cela ,on comprend aisement ou ce gouvernement veut en venir

    «  »«  »"

    voila de quoi est capable ’L’igpn et la justice......

    Une contre-expertise menée par l’ONG Disclose et le groupe de recherche Forensic Architecture sur les causes de la mort de Zineb Redouane, décédée après avoir été touchée par un tir de grenade lacrymogène, pointe la responsabilité du CRS. Les résultats de l’enquête basée, entre autres, sur une modélisation 3D, ont été publiés ce 30 novembre.

    C’est peut être un tournant dans l’affaire Zineb Redouane, cette femme décédée en 2018 à Marseille 24 heures après avoir été touchée au visage par un tir de grenade lacrymogène lors d’une manifestation des Gilets jaunes : une nouvelle expertise menée par l’ONG Disclose parue le 30 novembre indique que c’est le tireur et son superviseur qui en sont responsables.

    « À l’aide de documents inédits et d’une modélisation 3D des événements, Disclose et Forensic Architecture ont réalisé une contre-expertise des faits. Cette reconstitution permet de démontrer la responsabilité de la police dans la mort de Zineb Redouane, le 2 décembre 2018 », détaille l’enquête.

    L’ONG a également publié une vidéo explicative qui, selon Disclose, démontre les preuves de la responsabilité de la police dans le drame.


    Cette conclusion va à l’encontre des résultats de l’enquête officielle, selon laquelle le CRS a été mis hors de cause, le tir en question ayant été reconnu « réglementaire », rappelle l’ONG.

    Mort de Zineb Redouane

    Zineb Redouane se trouvait à son domicile, dans son appartement au quatrième étage du 12 rue des Feuillants à Marseille, lorsqu’elle a été touchée en plein visage par une grenade lacrymogène. Le projectile a été lancé lors d’une manifestation des Gilets jaunes tenue dans la ville le 1er décembre 2018. Le lendemain, la femme de 80 ans est décédée à l’hôpital.


  • rhea 1481971 1er décembre 2020 17:11

    Si les paysans n’utilisent plus les engrais chimiques plus rien ne pousse.

    Ils ont détruit l’humus en surface du sol. Quand on veut tenir la population

    dans le paradigme nucléaire, il faut tenir la propagande.


Réagir