vendredi 5 octobre 2007 - par Pierre JC Allard

Le capital déserteur

Il y a des concepts qui sont promus au rang de vertus, sans qu’on y regarde de trop près. Parmi ces concepts, on trouve en bonne place la foi - qui consiste à faire abstraction de sa raison - et le patriotisme, lequel permet d’être fier de ses origines, sans avoir à s’en expliquer. On ferme les yeux sur le fait que croire sans raison est plutôt une sottise et que se penser meilleur parce qu’on est né quelque part frôle dangereusement le racisme.

Généralement, ces vertus équivoques et qui cachent des vices ont surtout le mérite initial de servir les intérêts de ceux qui les érigent en vertu. Leurs autres qualités sont ensuite exaltées par ceux qui s’en croient dotés, en proportion directe des sacrifices qu’ils ont dû consentir pour qu’on les leur reconnaisse. Les martyrs ont la foi et les héros sont patriotes.

Aujourd’hui, le mondialisme est devenu le dernier ajout à la liste de ces vertus équivoques. Le mondialisme, c’est l’ouverture et la générosité, c’est l’avenir. Celui qui n’est pas mondialiste, aujourd’hui, est bien suspect. Pourtant, le mondialisme a de gros défauts, dont le moindre n’est pas de voir le monde tout autrement qu’il n’est. Le mondialisme a deux volets, dont chacun a ses vices.

Le premier volet supprime les entraves au commerce. Dans la vision mondialiste du monde, l’ouverture des frontières permet que chacun fasse concurrence à tous. C’est donc aux services de celui qui dispose des avantages lui permettant d’offrir plus pour moins qu’on fera appel. On fera du blé dans la Beauce et des bananes en Ecuador, ceux qui ont du pétrole nous le vendront et ceux qui ont des idées s’instruiront et géreront le monde dans l’intérêt commun. Chacun sera utilisé au mieux et nous serons tous plus riches.

Inspirant..., mais le monde n’est pas ça. Les ressources ne sont pas équitablement réparties et l’Histoire a donné une longueur d’avance à certains sur les autres. Presque tout, partout, appartient aux mêmes intérêts. Seule impose une limite à la concentration de la richesse, la nécessité de maintenir une demande effective suffisante pour que ce qui est produit soit vendu. C’est une contrainte technique puissante, mais, si ce n’est pas ceux qui travaillent qui consomment, il n’y a plus de limite à leur exploitation. Or, c’est précisément la situation qui est créée quand les frontières s’ouvrent.

Toutes frontières ouvertes, les travailleurs des pays pauvres ne produisent plus pour leurs besoins, mais pour la demande des pays riches. Pas du manioc ou du maïs, mais du café ou du cacao. L’industrie ne s’automatise pas progressivement, comme elle le devrait, mais se concentre sur ce qui est à forte intensité de travail. Pour leurs besoins, les pays pauvres deviennent donc dépendants des pays riches. Or, on leur achète tout au prix que nous voulons - puisque nous sommes leurs seuls clients - et on leur vend aussi tout au prix que nous fixons, car c’est nous qui avons le pouvoir. Ils seront donc éternellement pauvres.

Qui gagne ? Le consommateur des pays développés croit faire une bonne affaire, en achetant bon marché les produits d’ailleurs, mais le travail fait ailleurs signifie moins de travail pour le travailleur des pays riches et le revenu global qui y est distribué tend donc à dépendre de plus en plus d’un assistanat plus ou moins déguisé. Ce revenu global peut être diminué, d’ailleurs, sans mettre à mal la demande effective, de tout ce qui est vendu aux pays pauvres. Vendu avec des marges bien plus intéressantes qu’en pays développés, puisque tout s’y fait par cartels et monopoles, que les contraintes de santé et de sécurité ainsi que les exigences environnementales sont moindres et que la fiscalité s’y règle à l’amiable.

Qui gagne vraiment au mondialisme ? Y gagnent ceux qui tirent parti des frontières qui disparaissent pour se prendre un agio sur tout ce qui s’échange et qui peuvent maintenant, à leur convenance, consommer le travail des mal nantis du tiers-monde sur place ou se le faire livrer à domicile.

À domicile ? Bien sûr, c’est le deuxième volet du mondialisme. Le volet qui supprime les entraves aux migrations, en présentant l’accueil des immigrants comme un geste de compassion, ce qui est une imposture. La compassion exigerait que les termes d’échange entre pays riches et pauvres soient assainis, que le tiers-monde soit VRAIMENT aidé et que le niveau de vie des habitants du tiers-monde soit élevé. Pas qu’on accueille les pauvres en pays riches, pour y rendre la main-d’oeuvre surabondante et parfaire les conditions de son exploitation.

L’immigration est un pur subterfuge. Prétextant respecter l’esprit de l’ouverture des frontières, elle permet d’opposer aux exigences des travailleurs des pays riches, non seulement la menace des importations, mais la disponibilité sur place des travailleurs immigrants, ceux-ci souvent en situation illégale et donc prêts à accepter des conditions de travail moins avantageuses.

Conditions moins avantageuses qu’on peut cyniquement prétendre devenues incontournables, à cause des exigences de la concurrence avec les biens importés... et qui peuvent être imposées sous la menace de la délocalisation des industries elles-mêmes ! La montagne peut aussi aller à Mahomet. Dans une société qu’on a voulu assimiler à son économie, il est difficile de voir l’entrepreneur qui délocalise autrement que comme le capitaine qui quitte le navire en perdition. Celui qui délocalise est un déserteur.

Une société repose sur une solidarité implicite, laquelle suppose que chacun ait, sinon la générosité, au moins l’intelligence de subordonner la recherche de son plus grand profit immédiat au maintien des conditions minimales de cohésion sociale qui assureront la continuité de ses activités. C’est ce qu’a compris le libéralisme classique, quand il a accepté jadis l’assistanat qui assurait qu’il y aurait assez de richesse redistribuée pour que les produits se vendent et que les roues puissent toujours tourner. Il faut distribuer un revenu : le travailleur EST le consommateur.

De cette acceptation d’une redistribution est né le « néolibéralisme », sans lequel le capitalisme aurait déjà été remplacé par autre chose. Il semble que l’on oublie maintenant cette leçon. Le capitalisme qui importe et surtout délocalise, se conduit comme si l’on pouvait déconstruire la main-d’oeuvre en France et ne payer des salaires qu’au Hunan ou au Tonkin, tout en continuant de vendre en Lorraine ! Ou serait-ce qu’un capitalisme apatride voit son avenir ailleurs et ne se préoccupe plus du tout de la Lorraine ? C’est ça, la désertion.

Cette déconstruction du travail est occultée par des opérations monétaires spéculatives, qui substituent des valeurs factices là où la réalité est en manque. Nous conduisons en regardant le « miroir » - speculum veut dire miroir - et nous allons droit vers l’abîme. Si on veut que le système fonctionne, il faut maintenir le niveau de consommation effective. On ne le fera pas en délocalisant, car la consommation effective, c’est d’abord le travail rémunéré. Il faut cesser de suivre le mouvement politiquement correct vers la mondialisation. IL FAUT FERMER LES FRONTIERES. Les frontières de la France ou de l’Europe, c’est un autre débat, mais fermer une frontière et poser une cloison étanche entre nous et le tiers-monde. L’Occident doit ré-apprendre à se suffire à lui-même.



19 réactions


  • Tzecoatl Tzecoatl 5 octobre 2007 16:45

    Si je trouve que votre modélisation de l’air du temps mondialisant est juste, votre conclusion me semble abusive.

    Puisque vous proposez une analyse de « market-maker », je dériverais vers plutôt vers une stabilisation des flux migratoires, productifs, financiers, sociaux et écologiques (au sens de dumping), grâce à la linéarisation des revenus et donc des pouvoirs d’achats des plus pauvres de tout pays.

    Cette mondialisation doit s’achever afin que la dictature économique du « crève la faim » sur le reste de l’économie puisse être terminée.

    On récupèrera une planète complètement dédiée au capitalisme.


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 5 octobre 2007 18:59

      A Tzecoatl : Merci de ne pas abuser des émoticons qui sont parfois superflus. Bien sur, il y a du non-dit dans mon texte et je tire loin en avant de la cible : nous en sommes éloignés et elle se déplace vite.

      Je suis d’accord pour dériver avec vous vers une stabilisation de TOUS les flux migratoires et je signerais bien un manifeste pour appeler à s’unir tous les eventuels linéarisés du monde.

      Cependant, trois faita me conduisent à penser que l’on devrait se presser un peu et radicaliser l’approche.

      1) L’infiltration d’éléments importés dans toutes les grappes (clusters) de production est à transformer les économies occidentales en soeurs siamoises des économies tiermondistes. On arrive au point critique où l’on ne pourra plus vivre sans elles, au moment où, pour des motifs culturels au sens large, il n’est pas certains que perdurera la bonne entente. C’est une vulnérabilité qui me rend mal à l’aise.

      2) Le capitalisme pur et dur agonise. Je ne crois pas qu’il survive à l’effondrement annoncé de l’économie américaine. Effondrement, je m’empresse de l’ajouter, auquel je ne crois pas. Je crois simplement que, très bientôt, le pouvoir financier va prendre prétexte des craquements sinistres dans la structure du crédit pour prendre directement les choses en main. Sous le couvert de mesures d’urgence, présentées dans un langage assez abscons pour ne pas effaroucher les démocrates ni les libertaires, les USA vont se transformer en un bloc monolithique, aussi dirigé que l’a jamais été l’URSS... mais beaucoup plus efficace et plus agressif. Il va falloir en tenir compte.

      3) Les pays d’Afrique, d’Amerique latine et du Moyen Orient qui ne seront pas soumis à des dictatures que l’Occident soutiendra, vont sombrer dans une anarchie qui pourrait être contagieuse. Je vois l’Europe - incluant la Russie si tout va bien - comme une Arche de Noé... C’est dans ce contexte qu’il faut voir ma suggestion de fermer les écoutilles.

      Je vous propose ce texte que j’ai assez largement diffusé au Canada quand on a parlé de fusionner quelques banques... y pensant bien, on ne l’a pas fait. http://nouvellesociete.org/5046.html

      PJCA


    • Tzecoatl Tzecoatl 5 octobre 2007 19:35

      Je constate qu’en Cousinerie, vous avez également du plaisir avec ce que je nomme les branques.


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 5 octobre 2007 23:10

      Tzecoatl : Parce qu’elle se préparent à un branle« bât » général ? smiley


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 5 octobre 2007 23:18

      @ Renève : Tout a fait d’accord. C’est le paiement de l’agio au capital qui est l’invariante. Pour le reste, si vous bloquez les prix, ce sont simplement les stocks qui fluctuent. Entre autres, les « stocks » humains en surplus du tiers-monde qui dérivent vers l’Occident.

      http://nouvellesociete.org/5170.html

      PJCA


  • moebius 5 octobre 2007 23:37

    ...madame soleil dites donc !


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 6 octobre 2007 01:44

      @ Le furtif : Merci, mais je grandirai par la critique.. smiley.

      @ Moebius : Je ne vois rien à ajouter à votre commentaire, sauf peut-être une virgule après soleil...

      PJCA


  • Philippakos Philippakos 6 octobre 2007 06:35

    D’accord en règle générale sur l’analyse, bien que le phénomène que vous décrivez ne date pas de la mondialisation mais de la colonisation. C’est à partir de là qu’on sépare la production de la consommation en donnant donc au commerce un rôle prépondérent. Désaccord avec la conclusion. Fermer les frontières n’a jamais été couronné de succès Tous les pays qui l’ont fait se sont précipités dans la faillite économique (Albanie, plus généralement ex bloc de l’est). Je ne connais pas un seul exemple de fermeture des frontières réussi. A vous d’en analyser les raisons. Je ne suis pas économiste.

    Quant aux délocalisations : ne pas oublier que nous en profitons chaque jour et que c’est une des raisons de l’augmentation de notre pouvoir d’achat. Qui serait prêt à payer un produit chinois (ordinateur, par exemple) trois à quatre fois plus cher parce qu’il serait fabriqué en France (ou au Canada). Le patriotisme a les limites du porte monnaie. Les conséquences en sont dommageables pour les productions des pays riches (encore qu’ils soient loin de la faillite) mais la solution pour rééquilibrer les choses ne viendrait-elle pas d’une remise en question des conditions de travail dans les pays désormais producteurs (Asie du sud-est principalement). Il suffirait que les salaires chinois soient comparables aux salaires européens pour que les délocalisations fondent comme neige au soleil. On est ici dans le rôle social, le rôle syndical, la prise de conscience politique des ouvriers producteurs. Les chinois n’accepteront peut-être pas de travailler éternellement pour 1 euro/heure sans protection sociale. C’est à eux de prendre leur destin en main et cela ne concerne plus une aide internationale quelconque. Mais reprocher à des entreprises la délocalisation est un peu naïf quand on sait qu’une entreprise n’a jamais eu d’autre but que d’engranger du profit, au mépris de toute autre considération humaniste... et qu’elle ne s’en privera jamais, au nom de principes moraux.


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 6 octobre 2007 08:51

      Je ne diffère de vous que sur la pondération de certains facteurs qui me mènent a recommander des actions plus radicales. Plus précisément :

      1. OUI le phénomène commence avec la colonisation ; la mondialisation, du moins au départ, c’est la colonisation avec des procédés plus efficaces.

      2. Fermer les frontières n’est possible que pour un espace autarcique. Le bloc soviétique s’en sortait bien, la Chine aussi. Il faut une masse critique. L’EU a cette masse critique.

      3. On croit profiter des délocalisations, parce qu’on profite du travail bon marché du tiers-monde, mais c’est toute la structure de production de l’Occident et sa main-d’oeuvre qu’on met à mal. C’est là que je suis plus radical et que je crois qu’il fait imposer l’autarcie, même si les consommateurs payent plus cher, parce que globalement ce sont ces consommateurs - portant leur chapeau de travailleurs - qui touchent le surplus payé et ont donc par définition les moyens de payer les prix plus élevés qui en résultent.

      4. « la solution pour rééquilibrer les choses ne viendrait-elle pas d’une remise en question des conditions de travail dans les pays désormais producteurs »

      - Absolument, mais vous demandez au capitalisme international de se faire hara-kiri. N’y comptez pas. Comme vous le dites si bien, c’est aux pays en développement de se prendre en main, mais ils ne le pourront que si on les laisse tranquilles et qu’eux-mêmes décident de produire pour LEURS besoins, et non pour le nôtres.

      5. « Une entreprise n’a jamais eu d’autre but que d’engranger du profit, au mépris de toute autre considération humaniste... et elle ne s’en privera jamais, au nom de principes moraux »

      - Je ne saurais mieux dire. Il faudra une action politique pour les y obliger. Nous prendrons ces mesures politiques quand nous verrons que nous ne pouvons plus survivre comme collectivité économique sans mettre fin à cet individualisme corporatif. A partir de là, il y a deux scénarios... mais c’est une autre histoire.

      PJCA


    • Mohand 6 octobre 2007 08:56

      c’est quoi ce portrait groslard tu te prends pour jesus christ


    • Philippakos Philippakos 7 octobre 2007 09:19

      Merci de votre réponse abondante et argumentée. Deux remarques pourtant (ne pas croire pour autant que je sois un adepte du libéralisme économique, loins s’en faut) : je ne peux pas laisser passer que « le bloc soviétique s’en sortait bien ». Ce fut d’ailleurs son drame principal, bien plus que ses problèmes idéologiques. Ce qui ne veut pas dire que les choses aillent mieux depuis et que le modèle économique que ces pays soutiennent (à savoir occidental) soit un succès pour autant. Les Russes, bien naïfs, pensaient que leur entrée dans une économie de marché résoudraient tous leurs problèmes. Le rêve ne dura pas très longtemps. Je dis cela, non pas à partir d’informations, mais à partir de constats, en voyageant souvent, et depuis longtemps, dans ces pays de l’Est et en ayant des relations étroites avec des amis de différents milieux.

      Quand à la Chine, c’est un exemple type de pays aux frontières ouvertes, tout simplement pour permettre ses exportations et ce n’est, en aucun cas, un exemple d’autarcie. Simplement, comme les EU et l’Europe parfois, elle pratique un certain protectionnisme pour ses importations (souvenez-vous, en France dans les années 80, les quotas imposés sur les importations d’automobiles japonaises).

      Encore une fois, je ne suis pas spécialiste d’économie, mais en observant l’évolution économique mondiale force est de constater qu’on pourrait assez facilement imaginer qu’un pays puisse fonctionner, et même bien, sans véritable production. Uniquement avec du secteur tertiaire, du commerce et des services (dans le cas d’une mondialisation à outrance, bien entendu). Il n’y a qu’à constater comment l’Etat français dissuade aujourd’hui sa jeunesse de miser sur l’agriculture, secteur productif par excellence. Et d’ailleurs, en Occident, nous y tendons à ne plus produire, en important de plus en plus à des prix de plus en plus bas et en nous accomodant d’une balance commerciale largement déficitaire. Cela paraît surprenant tant la force d’un pays était liée, jusqu’à présent, à sa production. Il se pourrait bien qu’elle ne le soit plus forcément aujourd’hui. On disait, il y a encore quelques années, que la puissance d’un pays était fonction de sa puissance militaire. Le constat se révèle faux et archi faux dans le cas des vaincus de 39-45, l’Allemagne et le Japon, faux encore dans le cas soviétique d’avant le démantèlement, avec une forte puissance militaire et une faible puissance économique. Difficile d’établir des règles dans un monde qui change si vite. Toujours remettre en question ses certitudes et ses croyances...


  • Internaute Internaute 6 octobre 2007 08:47

    J’approuve totalement votre analyse et j’apprécie à sa juste valeur cette phrase « mais, si ce n’est pas ceux [les travailleurs des pays développés] qui travaillent qui consomment, il n’y a plus de limite à leur exploitation ».

    Je défend pour ma part la théorie des blocs. Les nations appartiennent à des blocs économiques et culturels qui rassemblent des populations plutôt homogènes en terme de population, de système politique, économique et social. On peut libéraliser les échanges au sein d’un bloc mais il faut réguler les échanges entre les blocs et ne pas favoriser les concurrences déloyales comme on le fait actuellement.

    Les entreprises qui veulent être concurrente sur les marchés émergents peuvent aller profiter de la main-d’oeuvre des pays pauvres mais on doit leur interdire d’en profiter pour supprimer des emplois chez nous en ré-important ce qui s’y faisait auparavant.

    A la délocaisation des emplois opposons la localisation des ventes.

    Ceux qui critiquent toute forme de protectionisme en mettant en avant l’URSS ou l’Albanie ne citent que des exemples de pays totalitaires communistes qui n’ont pas leur place dans cette analyse car le contexte n’a rien de comparable.

    Le problème est que le temps passant nous avons déjà perdu une immense part de notre savoir-faire. Par exemple, maintenant qu’il n’y a plus un seul appareil d’optique fabriqué en Europe pensez-vous que des marques comme Rollei ou Leica puissent renaître en Allemagne du jour au lendemain si nous cessons de les importer du Japon ?

    Il faudra accepter une baisse du niveau de vie avant de repartir sur des bases plus saines mais ela en vaut la peine.


  • libremax libremax 6 octobre 2007 15:32

    Les richesses se partagent, de gré ou de force. Votre isolement préconisé oriente pour la seconde solution.

    Je ne connais pas de forteresse qui ait résisté au pillage, mais que des cités ouvertes qui se sont enrichies smiley


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 7 octobre 2007 05:43

      @ Leon : vous avez bien raison. En disant « fermer une frontière et poser une cloison étanche entre nous et le tiers-monde », j’ai cru être clair, mais en relisant l’article je vois que j’ai laissé planer une ambiguïte que je veux corriger : c’est le commerce inégal avec les pays dits « en voie de développement » qui mène à la catastrophe ; au sein de l’EU, l’intégration et la complémentarité sont des avantages. En fait, cet article est une partie d’un diptyque. À compléter avec le suivant : http://nouvellesociete.org/5170.html

      PJCA


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 7 octobre 2007 05:57

      @ Libremax : Je trouve votre phrase bien jolie. La réalité, néanmoins, c’est que nous savons bien qu’avec le temps, ferméees ou ouvertes, elles seront toutes pillées. Pour l’instant, je crois que nous pouvons avoir encore de bonnes années en Occident... et que nous en aurons davantage si nous limitons les contacts qui sont tous devenus des frictions. Le commerce n’est que l’aspect le plus simple, c’est le choc des cultures qui devient chaque jour plus pénible. Aujourd’hui l’Islam, mais bientôt la Chine, l’Inde... Le monde n’est pas près à une intégration. http://nouvellesociete.org/5170.html

      Pierre JC Allard


  • Francis, agnotologue JL 10 octobre 2007 15:36

    Bon article et commentaires, qui enfoncent des portes ouvertes, mais ça fait du bien car c’est du bon sens.

    Les pauvres des pays riches enrichissent les riches des pays pauvres, cependant que les pauvres des pays pauvres restent pauvres de chez pauvre et les riches des pays riches deviennent plus riches que Crésus. Et avec eux la consommation ostentatoire (conspicuous consumption), le gaspillage effréné. On ne le dira jamais trop.

    Personne n’a inventé la mondialisation libérale sinon Satan, celui qui conduit le bal lorsqu’il n’y a pas de pilote dans l’avion.

    Mais la question de la mondialisation a-t-elle encore un sens à l’heure du réchauffement planétaire, de l’épuisement des matières premières et de l’empoisonnement de l’environnement ? La durée de vie moyenne dans les pays riches est encore élevée grâce à ceux qui avaient 50 ans et plus lorsqu’on a commencé à s’empiffrer de pesticides. Je vous laisse imaginer la suite ...

    Mais pardon, je suis hors sujet. Enfin, pas tant que ça : fermer les frontières c’est bien, et pour cela il y aurait bien un slogan : « Non à la croissance subie, oui à la croissance choisie ». Objectif : zéro pollution !

    Mais il faudrait inventer une économie de décroissance. Et ça c’est incompatible avec le libéralisme. Qui aujourd’hui est prêt à ce revirement ? Qui le pourrait ? Libremax « ne connais pas de forteresse qui ait résisté au pillage, … » ?

    Avec le blocus auquel serait soumise notre citadelle il est peu probable qu’il y aurait beaucoup de choses à y piller. En revanche, toutes frontières béantes :

    « La « masse salariale » des pays dits « riches » constitue un immense magot, sans précédent dans l’histoire, dont depuis deux décennies les oligarchies financières et industrielles ont entrepris de s’emparer. Mais il y a encore plus gros : l’ensemble du patrimoine des « petits citoyens ». Epargne, biens immobiliers... Telle est la cible de l’actuelle opération présentée sous couvert de « crise financière » et qui avait été préparée par deux décennies de promotion du surendettement. De quoi financer, entre autres, l’Europe militaire et l’axe des superpuissances jumelles Europe – USA en perspective. »

    http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=article&id=5368


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 11 octobre 2007 04:46

      @ JL Il semble qu’on aura bien du mal à se trouver un terrain de désaccord smiley. J’aime bien votre expression « ... les pauvres des pays riches (qui) enrichissent les riches des pays pauvres. » Vous avez le sens du slogan... Vous faites de la politique ?

      Oui, Veblen est bien d’actualité. « Inventer une économie de décroissance... » Pas facile, mais je pense que ce texte pourrait vous intéresser : http://nouvellesociete.org/712C.html

      PJCA


    • Francis, agnotologue JL 11 octobre 2007 18:53

      A PJCA, j’ai apprécié ce texte que je vois comme la reprise de flambeau de l’œuvre de Veblen et Baudrillard. Je le relirai. En attendant, votre chapitre sur la SV (simplicité volontaire) m’a évoqué Jean Genet et aussi David H. Thoreau..

      Concernant je cite, « l’usure bien physique qu’on peut accélérer, en fabriquant plutôt mal que bien, vient donc s’ajouter, au profit du producteur la désuétude, qui est non seulement pour une bonne part subjective » je ferais un lien aussi, avec l’amiante : peu importe que la profession construise mal, puisque c’est la profession qui re-construira. Dupond réparera moyennant rémunération, les malfaçons de Durand et réciproquement.

      Sur le paragraphe « Les joueurs d’une même table s’échangent civilement les jetons que leur fournit le Grand Croupier ­, le système monétaire international ­, » j’entendais ce matin à la radio que les capitaux asiatiques et leurs investissements en Occident étaient vus comme une menace pour notre économie ! Ceci confirme votre analyse.

      Bien vu aussi la nature de la fausse concurrence et sa dénonciation : « Ce qui est vraiment crucial pour chaque joueur, c’est ce qui l’est pour eux tous. Pour la table « Automobile », par exemple, la position concurrentielle de chacun à un moment donné est anecdotique ; l’important c’est que le transport par voitures particulières ne soit pas délaissé au profit du transport en commun et que le jeu continue. Les vrais concurrents, ce sont les joueurs de la table à côté. Ceux du rail qui voudraient qu’on passe au transport en commun. ... ». Ceci explique sans doute cette déréglementation effrénée, sorte de nivellement par le bas des obligations et taxations du capital !

      Bien vue encore, la dissociation ravailleur/ consommateur : « ce dont le système a le plus besoin c’est de notre consommation » (Baudrillard) et vous dites : « La création de demande effective devient une simple formalité de distribution de billets de banque ».

      Enfin on ne peut lire le passage relatif aux gains de productivité : « Tous les gains de productivité semblent finalement avoir surtout servi à réduire le nombre de travailleurs sur lesquels repose le poids de produire » sans évoquer la loi sur les 35 heures des socialistes français.


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