samedi 15 avril 2023 - par jjwaDal

Le début de la seconde ère de la conquête spatiale

La première ère de la conquête spatiale n'est pas achevée, que les débuts de la seconde sont en passe de connaître un développement spectaculaire avec le prochain lancement du « Starship » de la compagnie américaine « SpaceX » qui vient d'obtenir de la FAA sa « licence de vol ».

Cela devrait intervenir au plus tôt lundi 17 avril 2023, ou dans les jours suivants s'agissant d'un vol expérimental où il reste encore un peu de terrain à défricher avant le décollage.

On va passer de l'ère de l'artisanat coûteux, où on fabriquait des engins très chers à usage unique (le « SLS » de la NASA coûtera plus de 3 milliards de $ par vol en terminant au fond de l'océan à chaque fois) via des dépenses publiques conséquentes, à une ère industrielle, où on fabrique des flottes d'appareils entièrement réutilisables.

Un prélude à une situation comparable aux débuts de l'aviation commerciale.

Tel était et est toujours le pari de la compagnie d'Elon Musk qui a déjà débroussaillé ce chemin, il y a 10 ans hautement improbable, des fusées réutilisables. Pour mémoire leur fusée « Falcon 9 » vient de connaître plus de 170 lancements consécutifs sans échec ainsi que plus de 100 atterrisages consécutifs du premier étage sans anicroche. La même fusée est sur une tendance de lancement tous les 4 à 5 jours, une cadence impliquant comme condition sine qua non, la réutilisation, pour le moment limité à la partie la plus coûteuse du lanceur à savoir le premier étage.

Cette nouvelle fusée est une première à bien des égards et son potentiel est très largement inédit. Un petit tour d'horizon peut le montrer.

 

C'est déjà la première fois qu'une entreprise privée sur fonds propres fabrique un lanceur super lourd (classe « Saturn V ») de « A » à « Z ». Les grands projets du passé (lanceur lunaire comme navette spatiale) avaient une multitude de constructeurs et un intégrateur sous directives de la NASA.

C'est le plus gros lanceur jamais conçu avec une masse de près de 5000 tonnes au décollage (une poussée de 7500t), même si ses performances iront bien au delà d'un lanceur classique qui aurait ces caractéristiques.

L'entreprise a dû inventer un nouveau type de moteurs au méthane, très performants et les fabriquer à la chaîne (il y en aura 39 par lanceurs dont 33 pour le premier étage, puis 42 (33+9) dans une étape ultérieure.

C'est aussi la première fois qu'il est raisonnablement envisagé un lanceur entièrement réutilisable ET bon marché, la navette spatiale, malgré ses prouesses n'ayant jamais coché la seconde case, vu son extrême complexité et les technologies employées.

De la taille approximative du lanceur lunaire des années 1960/1970, il diffère essentiellement par la réutilisation et le coût de fabrication (un moteur de navette coûtait plus de 100 millions de $ , un moteur de « Starship » de puissance voisine vise un coût de production cent fois plus faible) et surtout par la perspective (il est conçu pour ) du ravitaillement en vol.

Ce lanceur devrait remplacer à terme le « Falcon 9 » pour les besoins internes de l'entreprise (constellation « Starlink ») et les lancements commerciaux et publics, mais on sait déjà qu'il a un avenir lunaire puisque la NASA l'a choisi pour poser ses futurs astronautes sur le sol lunaire et qu'il a déjà deux vols habités privés, réservés.

La NASA souhaitait étoffer la capacité de leur atterrisseur lunaire (comparé à « Apollo ») en pouvant héberger 4 astronautes et 850kg de charge utile. SpaceX a simplement proposé un volume utile interne du même ordre de grandeur que celui d'un A-380 et une charge utile posée sur sol lunaire de l'ordre de 100 tonnes. En version cargo « aller simple » ce nouveau lanceur pourrait déposer 200 tonnes de charge utile sur sol lunaire. On est très loin des limites d'Apollo, au point de pouvoir envisager d'importer en kit une base lunaire, rendue possible par les capacités d'emport alliées à la fréquence de vol et au coût supposé de lancement (au moins 30 fois inférieur à celui du « SLS » que la NASA a construit sur plus d'une décennie.

La même fusée devrait pouvoir déposer 100 tonnes sur sol martien et y emporter des passagers, dans une version à venir, si on en croit Elon Musk, qui a lancé le projet au départ pour ses « ambitions martiennes ».

Le potentiel d'accélération de la conquête spatiale est énorme avec ce nouveau lanceur (sondes planétaires, télescopes spatiaux géants, etc...) mais si on dézoome de l'actualité immédiate et de son futur prévisible à quelques années, c'est avant tout la première fois que l'espèce humaine disposera d'un outil capable de lui éviter un impact dévastateur d'astéroïde, comme celui censé avoir éliminé la plupart des grandes espèces de dinosaures, il y a 55 millions d'années.

On sait par des modélisations, qu'une série d'impacts sur un potentiel collisionneur pourrait occasionner une déviation de trajectoire suffisante pour esquiver un impact catastrophique.

Jusqu'ici on ne pouvait pas envisager de « mitrailler » avec des charges lourdes (dizaines de tonnes) un géocroiseur capable de nous exterminer.

On n'avait ni la capacité technique de le faire, ni la fréquence prévisible de vol, ni surtout les moyens financiers d'avoir un système opérationnel sous le coude au cas où.

 

Peu de doute à avoir sur le fait que la plupart des gens imagineront que c'est un gaspillage de talent et de ressources pour pas grand chose. Dans les années 1970 on avait dit la même chose à un chercheur passionné par les bactéries extrémophiles des sources chaudes. Il a néanmoins permis de découvrir une enzyme fonctionnant à haute température qui aura permis à Karen Mullis d'inventer la PCR qui a permis à des millions de personnes atteintes du SIDA de le savoir et d'en tirer les enseignements et accessoirement de se soigner pour prévenir les contaminations et une issue fatale.

Il est des choses qu'on ignore ignorer ( l'essentiel probablement) et dont on ne peut nullement juger de l'importance qu'il y aurait à les connaître. L'unique façon de les rencontrer est d'aller là où personne n'est allé auparavant, en un mot de défricher en terre inconnue.

Nous aurons bientôt un nouvel outil pour ça.

 



10 réactions


  • Julian Dalrimple-sikes Géronimo howakhan 15 avril 2023 15:29

    L’inconnu est partout en nous, la mort cette inconnue que nous refusons notamment, tout ceci n’est que fuite impossible de la vie, du vent, du pipeau..bien sur etc


  • anaphore anaphore 16 avril 2023 14:10

    Bon la course spatiale.... des objets qu’on lance dans l’espace avec des sarbacanes à base de propergol et consorts. Si Musk gagne la bataille du ciel avec ses fusées récupérables, il sera imité par NASA & ESA.... Un avantage technologique est toujours copié.

    Après si les américains sont allés sur la lune.... j’en ai rien à foutre ! Même s’il m’arrive d’en douter  smiley


  • raymond 17 avril 2023 17:08

    ça a encore foiré....


  • alinea alinea 19 avril 2023 16:30

    Ce qui est bien, c’est que quand chacun aura sa petite fusée pour aller mettre son caca sur la lune, il y aura moins de monde sur les routes

    merci pour cet espoir

    signé : une cul terreuse amoureuse de la lune.


  • adeline 20 avril 2023 17:07

    Voilà, donc encore un échec....


    • jjwaDal jjwaDal 20 avril 2023 19:14

      @adeline
      Justement pas. C’était un test pour comprendre le décalage entre les calculs des ingénieurs et la réalité et voir en conditions réelles ce qui ne marchait pas. Les exigences minimales étaient de ne pas exploser sur le pas de tir et monter suffisamment haut pour accumuler des données, notamment le passage du « Max Q » (le plus grand stress aérodynamique sur le lanceur). Presque tout est inédit dans ce lanceur et donc ces trois minutes vont énormément apprendre. Il a fallu plusieurs essais pareillement pour que le premier étage du « Falcon 9 » réussisse à atterrir ou que le second étage du Starship réussisse la « manoeuvre Adama » et atterrisse sans exploser en l’air ou au sol.
      Au lancement la fusée de la NASA (du recyclage des technologies des années 1970) coûte à minima 2,5 milliards de $. Le coût de ce vol d’essai est dans les dizaines de millions de $.
      Une hypothèse gratuite est que l’absence de protection acoutisque aqueuse qui a été tentée à causé une onde de choc en retour à l’allumage des moteurs qui a endommagé assez rapidement plusieurs de ceux ci et posé des problèmes au logiciel embarqué pour compenser la poussée. Je miserai cependant pour la nouvelle technique de séparation qui nécessite la mise en rotation de l’ensemble. Avec six moteurs éteints sur 33, il est possible qu’une asymétrie de poussé ait été fatale à l’ensemble. Le lanceur lui même est surmotorisé et peut aisément couper en vol plusieurs moteurs en ayant la poussée nécessaire, mais une asymétrie de poussée est souvent, sinon toujours, fatale à une fusée.


    • hans-de-lunéville 1 21 avril 2023 12:01

      @jjwaDal
      donc on fait un prototype et on vérifie les paramètres, une expérience en grandeur nature quoi ?


    • jjwaDal jjwaDal 28 avril 2023 18:51

      @hans-de-lunéville 1
      Oui. Ils ont plusieurs prototypes de ce modèle à divers stades de production qui doivent apprendre aux ingénieurs ce qu’ils ne peuvent pas savoir avant le vol. Par ex le niveau sonone de la fusée et son environnement vibratoire ne peuvent se simuler précisément ce qui influe sur la taille des tubulures ou la protection du matériel électronique embarquée, comme de la charge utile (ultimement des passagers). Le sol est très peu stable à l’endroit où est le pas de tir et donc ils ont peu creusé optant pour un pas de tir sur « échasses ». Manifestement, l’énorme poussée au décollage fait plus de dégâts qu’ils ne l’avaient envisagés et donc ils vont devoir installer une protection métallique du béton et un amortisseur sonore à base d’eau. Ce sont juste de gros réservoirs d’acier et une poignée de moteurs qui ont volé, pas le modèle final qui sera produit en série.


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