vendredi 21 juin 2013 - par creditgirl

Le fichier positif exposé à la censure

Mardi prochain à l'Assemblée nationale, les députés examineront l'amendement à la loi sur la consommation déposé par le gouvernement pour créer un fichier positif des crédits. S'il est voté, il s'expose à une double censure du Conseil constitutionnel.

A la suite de l’amendement déposé conjointement -mais pas forcément de conserve ni de concert- par Pierre Moscovici et Benoît Hamon le 10 juin, les députés réunis en commission des affaires économiques ont voté l’amendement au projet de loi relatif à la consommation (EFIX1307316L) visant à la création du fichier positif version « allégée », c’est à dire une nouvelle mouture excluant les prêts immobiliers (quid du rachat de crédit immobilier ?) et les revolving non actifs pour faire descendre, du moins au départ, le nombre de français fichés de 25 à 15 millions et ce, afin de ne pas risquer la censure du Conseil d’Etat.

Puisque, selon Benoît Hamon : « un des objectifs, c’est d’augmenter le nombre de personnes qui bénéficient d’un crédit » (ainsi que le nombre de crédits pour celles qui n’en ont pas assez, sans oublier le rachat de crédits pour celles qui en ont trop !), il ne faut pas perdre de temps, cet amendement sera au menu de l’Assemblée nationale et discuté en séance publique mardi prochain 25 juin 2013.

La fin de la valse-hésitation des politiques ?

Nonobstant les réserves de François Hollande, candidat, qui insistait sur des « conditions particulières, protectrices de l’individu » et le fait que Benoît Hamon se soit déclaré « pas très favorable » à ce fichier controversé depuis 25 ans et qui, pour la cinquième fois en dix ans, avait été rejeté par les députés (UMP, PCF et Front de gauche, le PS s’étant abstenu) le 22 novembre dernier, le PS disposant de 292 sièges sur 577 à l’Assemblée nationale, soit la majorité absolue, il est logique de penser que l’amendement sera adopté. Il est difficile, par contre de savoir ce que l’UMP fera puisqu’en avril 2012, juste après le ralliement de Jean-Louis Borloo à Sarkozy, ce dernier s’était engagé en cas de victoire à créer le fichier positif, mais que le 22 novembre 2012, ses députés votaient contre.

Mais quel est le véritable coût du fichier positif ?

C’est une nébuleuse ! Plusieurs évaluations très éloignées les unes des autres ont été avancées. A titre d’exemples :

« Si l’on considère les ordres de coûts cités (40 à 50 Millions d’euros), on se retrouve avec un coût unitaire du niveau de celui de Facebook pour des fonctionnalités très (très) en retrait (même si on essaie d’intégrer quelques fonctionnalités de « science-fiction » que j’ai citées)« .

Nicolas Guillaume / FriendsClear

« Ces arguments ont été repris par la présidente de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), Reine-Claude Mader, qui a évalué à « 800 millions d’euros » le coût d’installation de ce fichier et à « 35 millions d’euros » ses coûts de gestion annuel« .

Selon le Comité de préfiguration

 Le très officiel rapport au Gouvernement et au Parlement du Comité chargé de préfigurer la création du registre national des crédits aux particuliers par Christine Lagarde dans sa loi éponyme indique :

- « La Banque de France estime que les coûts d’investissement devraient s’élever à un montant compris entre 15 et 20 millions d’euros. La fourchette dépend du degré de réutilisation possible des infrastructures existantes du FICP pour le nouveau registre, qu’il est difficile à ce stade d’apprécier plus précisément« .

- « Les coûts de mise en place du registre qui recouvrent d’une part les investissements nécessaires de la part des établissements et d’autre part la reprise du stock de contrats en cours. D’après les estimations fournies par la FBF et l’ASF, ces coûts pourraient être compris entre 525 et 820 millions d’euros »

- « Le coût de fonctionnement annuel du registre, compris comme un coût de gestiondu dispositif sans prise en compte du coût des consultations, qui dépendra de l’utilisation effective du registre par les établissements. D’après les estimations fournies par la FBF et l’ASF, ces coûts pourraient être compris entre 37 et 76 millions d’euros par an« .

En clair, selon la Banque de France, son propre investissement serait de 20 millions d’euros auxquels s’ajoutent 30 millions de frais de fonctionnement annuel au bas mot, mais il faut ajouter à ces chiffres entre 315 et 520 millions d’investissements et entre 210 et 310 millions d’euros de frais annuels de fonctionnement pour les établissements financiers.

Benoît Hamon a, quant à lui, estimé à 15 millions d’euros le coût de mise en place du fichier positif pour les contribuables …

Razzy Hammadi, député PS et rapporteur du texte, justifie le coût initial de cette manière : « « Il faut mettre en regard du coût de 15 millions d’euros pour la création du fichier, les 29 millions d’euros qui pourraient être économisés si la collectivité parvenait à traiter les cas les plus graves de surendettement. »

Mais comment seront compensés les quelques 35 millions d’euros supplémentaires par an de coût de fonctionnement dont Benoît Hamon a dit qu’«  il sera assumé par les établissements de crédit, qui paieront une contribution pour chaque consultation effectuée«  ? Il va sans dire que ces derniers répercuteront cette contribution augmentée de leur marge sur le candidat à l’emprunt qui n’aura donc pas intérêt à solliciter trop d’établissements !

Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être d’accord avec la Fédération Bancaire Française qui affirme que ce fichier sera « très lourd pour les particuliers et les banques »eu égard à un coût de « plusieurs centaines de millions d’euros, alors que son efficacité n’est pas prouvée ».

Est-ce que c’est sérieux ?

Irrecevabilité financière du fichier positif

Selon les dispositions de l’article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »

Le principe d’irrecevabilité financière s’applique à des « propositions et amendements formulés par les membres du Parlement »

Les députés feraient bien de s’interroger sur cette importante question dans la conjoncture économique actuelle.

Et la constitutionnalité du fichier positif qu’en feront-ils ?

Si le fichier positif des crédits et rachat de crédits devait être voté par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, il resterait à trancher la question constitutionnelle du principe de proportionnalité. Est-il respecté lorsqu’on fiche 15 millions de français en prétendant en protéger moins de 130.000 par an (220.000 -88.000 qui redéposent un dossier de surendettement), étant encore rappelé que sur ce nombre une part importante a basculé dans le surendettement (passif) à la suite d’un accident de vie et que pour ceux là, le fichier ne serait d’aucune utilité.

Il appartiendra au Conseil constitutionnel de se prononcer. Rappelons que dans sa décision N° 2012-652 DC du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l’identité, les sages de la rue Montpensier ont rappelé que : «  La collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » En l’espèce, ils ont donc considéré « qu’eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions (…) portent atteinte au droit du respect de la vie privée, une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi. »

Le problème est que le Conseil constitutionnel ne peut pas s’auto-saisir.

Il peut être saisi par le président de la République, le Premier ministre, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et par soixante députés ou soixante sénateurs.

Les quatre personnalités étant toutes socialistes, donc à priori favorables au fichier positif, c’est du côté des parlementaires qu’il faut espérer trouver une minorité politique de circonstance qui, soucieuse de l’intérêt des citoyens et des libertés publiques, demandera au Conseil constitutionnel de contrôler à priori la constitutionnalité de la loi créant le fichier positif si l’amendement est voté.

Sinon, il restera, à l’occasion d’un procès, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui permettra de demander au Conseil constitutionnel de vérifier si cette loi ne serait pas inconstitutionnelle en ce qu’elle « porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ».



2 réactions


  • Pierre-Yves Martin 21 juin 2013 19:27

    La présentation par elle-même de l’auteure me semble relever de l’utilisation commerciale-publicitaire d’ Agoravox, laquelle est en principe proscrite.

    Rapproché cette présentation, cet article s’éclaire lui-même d’une teinte... intéressée.


  • soi même 21 juin 2013 19:28

    Je ne crois plus à la censure du Conseil constitutionnel, il y a eu des lois qui aurait dues êtres retoqués, et quand on voit ceux qui sièges, j’ai un gros doutes sur leurs impartialités !


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