samedi 25 novembre 2017 - par Jean Beaumont

Le FN privé de carnet de chèques !

Une analyse circonstanciée de la situation de trésorerie du FN montrait que l’orage guettait. Patatras ! Le Front national (client de la Société Générale depuis une trentaine d'années) se voit convié par sa banque à plier bagage. Au nom du secret bancaire et du respect « à la lettre des réglementations en vigueur », phrase qui est capitale nous le verrons, la Société Générale estime qu'elle n'a pas à justifier de sa décision.

Que doit le parti au juste ? Les cumulus sont nombreux, dans un ciel peu radieux.

- Le fameux emprunt russe (datant de 2014) : 9 millions d’euros, dont le FN n’acquitte pour le moment, d’après les propres paroles du trésorier barbu Saint Just, que les intérêts d’emprunt, selon un processus dit in fine. La somme due (c’est à dire le principal, soit neuf millions) devra être remboursée dans son intégralité en septembre 2019.

- Condamnation antérieure : le 14 novembre 2013, le FN était condamné à rembourser un solde de 6,3 millions d’euros de dettes, majorées de 600 000 euros d’intérêts, à son imprimeur historique Fernand Le Rachinel. On ignore à ce jour si la dette a été intégralement ou partiellement versée. Vu la consistance du montant, il est possible qu’un solde soit toujours en souffrance.

- Emprunts Cotelec et Jeanne : selon plusieurs sources, le FN devrait encore une somme substantielle dont l’encours se poursuit depuis plusieurs années, à Cotelec, et idem pour la micro structure « Jeanne », à hauteur de six millions. Ceci dit le remboursement de la campagne Présidentielle par le contribuable sera de douze millions, ce qui semble couvrir aisément ces deux dettes, tenues en outre par des structures amies. Mais il y a là aussi une ombre portée : le fisc réclame 1,8 million d'euros d'arriérés à Jeanne, au titre d'une TVA non acquittée, ce que conteste Alex Lousteau, son trésorier. Le dossier est en cours.

- Condamnation au Parlement Européen : le Parlement européen soupçonne depuis 2015 les assistants des 23 eurodéputés FN, qui figurent pour nombre d'entre eux à des postes officiels dans l'organigramme du parti, de travailler pour le seul Front national, en étant rémunérés par le budget européen. Des accusations qui ont abouti à l'ouverture d’une information judiciaire mi-décembre 2016, pour les chefs d’abus de confiance et recel, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, et travail dissimulé. Selon Bruxelles, le préjudice financier s'élèverait au total à 7,5 millions d'euros. si la procédure est reconnue comme justifiée, le FN va devoir rembourser dans un délai de deux ans environ, disons trois au maximum avec les recours, au moins cinq millions au Parlement Européen.

Si l’on se résume, il y aurait un endettement actuel pour le Parti à la flamme qui se pourrait se situer entre dix à quinze millions d’euros.

Examinons à présent les recettes. Le parti a dû gérer un imprévisible défi en 2017 : le financement public dont il bénéficiait jusqu’alors a - contre toute attente vu le contexte très favorable - baissé de cinq cent mille euros par an, suite à la prestation surréaliste de sa Présidente lors du débat contre Macron. Le FN a plafonné à 2,99 millions de voix au premier tour des législatives, contre 3,6 millions en 2012. Faisons court : entre les cotisations, les ventes de gris-gris, et le financement public, le FN engrange environ six millions par an. C’est, en quelque sorte, son chiffre d’affaires annuel.

Il se trouve que les règles prudentielles d’endettement sont très précises, pour un particulier comme pour une entreprise. Le maximum tolérable (au delà, c’est l’implosion assurée, et l’impossibilité d’acquitter les mensualités de votre dette) se situe à 40 % de vos revenus. Le lecteur note qu'une gestion patrimoniale dite de « bon père de famille » est qualifiée comme telle si on contient son endettement à 30 %. Appliquons un calcul simple au Parti de la rue des Suisses : 6 millions (les recettes annuelles du FN) multiplié par 40 % (le taux maximum possible, déjà un peu risqué), on comprend qu’un endettement acceptable pour le FN serait de l'ordre de 2, 4 millions, qu'on arrondit généreusement à 2, 5. L'endettement du FN semble se situer plutôt à quatre fois ce montant, voire bien davantage si la procédure du Parlement Européen allait à son terme.

Or, les banques sont tenues, au terme des accords de Bâle I et Bâle II, à des règles prudentielles de gestion de leurs actifs dits « ratio de solvabilité ». Et précisément, elles peuvent être tenues pour solidaires si elles ont prêtés de manière hasardeuse : en gros, l’endetté peut se retourner contre sa banque en arguant que celle-ci a été complice de ses propres errements, en prêtant à tire-larigot. Et, dans le même esprit, si une banque conserve un client gravement surendetté - incapable un jour ou l’autre de faire face à ses créances au mépris de toute prudence donc - elle peut être accusée de gestion imprudente. Ce fut un des arguments (mais pas le seul) de Bernard Tapie dans son bras de fer homérique contre l’Etat et le Crédit Lyonnais. Bien entendu, ces mesures anti-insouciants ne sont pas comiques, mais elles participent aussi de la fiabilité souhaitable du système en son entier.

En conséquence de ce qui vient d'être exposé, il n’y a ici aucune cabale politique ou complot, malgré les accusations solennelles portées par la Présidente du FN qui parle de "fatwa bancaire". Le Parti est entré dans des zones de turbulences comptables telles que sa banque française, comme pour n’importe quelle autre entité, décide de ne plus tenir à bout de bras son client, craignant le risque bien réel de se voir embarqué solidairement dans diverses procédures contentieuses. C’est précisément la signification de ce communiqué de la Société Générale rappelé au début, qui parle d’un « respect à la lettre des réglementations en vigueur ».

Voilà qui augure en tout cas de lendemains difficiles pour un parti déjà rongé par le doute.

 



4 réactions


  • Laulau Laulau 25 novembre 2017 17:02

    « Voilà qui augure en tout cas de lendemains difficiles pour un parti déjà rongé par le doute. »

    Aucun souci pour le FN, il est bien trop utile pendant les présidentielles pour faire élire ou réélire un néo-libéral style Macron.


    • Le421... Refuznik !! Le421 26 novembre 2017 16:13

      @Laulau
      Et ne pas confondre Front National et SARL Le Pen & Fille pour qui, financièrement, ça roule !!
      Et une petite augmentation pour la présidente, une !!


  • Pierre-Yves Martin 25 novembre 2017 19:14

    Ce que l’article ne précise pas, et pour ma part je n’en sais rien, car je m’intéresse assez peu au parti de Mme le Pen, c’est si le compte du FN à la SG était débiteur ou créditeur. Cela changerait beaucoup les choses.

    Ce qu’aurait dû conclure l’article, c’est que la SG n’aurait pas le droit de consentir au FN de nouveaux crédits. Or il ne me semble pas que ce soit de cela qu’il s’agissait.

    N’en déplaise à l’auteur, qui est quelquefois approximatif dans ses conclusions, on a quand même le droit de soupçonner qu’il s’agit d’une discrimination politique, d’autant plus que, si j’ai bien compris, des comptes individuels de personnes liées au FN ont aussi été fermés récemment par des banques.


  • Eschyle 49 Eschyle 49 26 novembre 2017 22:56

    Tant mieux ! Relisez William Bonner et Laurence J. Kotlikoff  : à Fort Knox , les 8.300 tonnes se sont évaporées ( constaté par DSK ) ; la dette des USA est estimée à 350 billions de dollars ; à côté de cela , la Russie a un stock d’or du double des roubles papier en circulation ; moralité : ouvrez deux comptes , l’un en roubles-or , l’autre en yuans-or ; il ne restera ensuite plus qu’à rembourser les emprunts en monnaie de singe .


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