vendredi 26 mai 2017 - par Michel J. Cuny

Le gentil Médiator : naissance d’un bourreau des coeurs

Ici commence la sulfureuse histoire de furet-Médiator : une sorte de "l’attrape qui pourra" qui a duré environ trente-cinq ans au beau milieu d’un paysage que, grâce à lui, nous allons pouvoir visiter jus-qu’à finir peut-être par y perdre le souffle

L’animal était très beau, façon personnage de conte de fées. Jus-qu’au moment où ce remède à ceci ou à cela – on aurait bientôt fini par ne plus savoir à quoi il pouvait servir – se sera révélé capable de tuer d’une façon fort discrète mais aussi très donjuanesque : par morsure lente mais directe au coeur. Techniquement, cela se décline d’une double façon : hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et valvulopathie cardiaque.

Ainsi donc l’animal a su longtemps jouer les jolis coeurs, ce qui, dans le domaine du médicament, et s’il faut en croire Jean-François Bergmann, vice-président de la Commission d’AMM (c’est-à-dire : d’autorisation de mise sur le marché) semble avoir été la marque de fabrique des produits Servier.

Effectivement, voici ce que ce grand spécialiste de l’évaluation des médicaments a déclaré le 10 février 2011 devant la mission d’information de l’Assemblée Nationale :
« Quand on relit les résumés des caractéristiques du produit, du Médiator et des autres médicaments Servier, on est quand même très impressionné. » 

Et l’impact est sans doute très fort, puisqu’il suffit d’un seul mot pour en faire le résumé :
« C’est magique. »



Se pourrait-il toutefois que cette magie puisse dépasser la simple satisfaction intellectuelle, voire même esthétique ? Ne sommes-nous pas ici dans le domaine de la maladie, et de la science médicale qui y joue constamment sa raison d’être ?

Eh bien, Jean-François Bergmann, décidément très en verve, nous laisse sans illusion et presque sans voix :
« Moi qui fais de l’enseignement de la thérapeutique, donc qui me bats depuis vingt ans pour que les prescripteurs soient raisonnables, qu’ils aient une analyse critique des données, ça me désespère de voir que cette magie arrive à marcher autant au niveau d’un enregistrement, d’une évaluation, que d’une prescription. »

Ainsi, non seulement le médecin, dans la solitude de son cabinet et pour répondre à l’urgence de la solution à apporter au patient qui lui fait face, va-t-il céder aux sirènes des informations que les laboratoires pharmaceutiques veulent bien lui transmettre, mais la trentaine d’experts réunis solennellement pour évaluer ce même produit et l’autoriser à entrer sur le marché risquent soudainement de se prendre pour des midinettes occupées à dérouler le tapis rouge devant l’une des futures stars du lendemain…

Évidemment, il est hors de question qu’il puisse en aller ainsi. La science doit pouvoir nous tenir un autre langage. Or, de ce côté-là, pas d’échappatoire, nous le savons. Le Médiator va être fait comme un rat, et avec lui, toute la meute Servier


Nenni point du tout, insiste le professeur Bergmann, ces gens-là sont beaucoup plus forts que vous ne pensez, et sur notre propre terrain, celui de la Science :
« Très vite, ils ont fait une technique de développement basée sur des études de pharmacologie extrêmement nombreuses. Je crois que tous les laboratoires de pharmacologie des CHU de France ont travaillé sur ces molécules dans les années soixante-dix, sur des modèles de pharmacologie qui plaisent bien aux pharmacologues mais qui ne sont jamais que des modèles […], des trucs un peu scientistes. Et dans les années soixante-dix, tout ça suffisait pour avoir l’autorisation de mise sur le marché. »

Et nous pouvons donc même ajouter, en ce qui concerne le Médiator : pour, plus de trente ans après, n’en être pas encore sorti, de ce marché où il lui convenait de jouer les bourreaux des coeurs…

(Ceci constitue le tout début de l'ouvrage : "Une santé aux mains du grand capital ? - L'alerte du Médiator"...http://unesanteauxmainsdugrandcapital.hautetfort.com/)



1 réactions


  • sahb 26 mai 2017 17:23

    le Médiator interdit à peu près partout, aux U$, au Canada en Angleterre, en Belgique... sous le nom d’Isoméride (des procès dès les années 70) a pu continuer durant 40 ans supplémentaires à tuer les français sous le nom de Médiator !
    il paraîtrait qu’on aurait « le meilleur système de santé au monde » !!


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