jeudi 11 mars 2010 - par benevole

Le livre numérique du futur conjugué au présent

Quand on parle de livre numérique aujourd’hui, chacun a quelque chose à dire.

Mais le plus souvent, on parle de choses différentes. Les uns ont à l’esprit les innombrables e-books de vingt ou cinquante pages, souvent pareillement obsolètes qui vous promettent de faire fortune sur Internet ou de rester en forme, offerts avec droit de revente en prime pour le prix d’un chef d’oeuvre de la littérature de 350 pages.

D’autres ont a l’esprit les livres numérisés et le danger qu’ils représentent pour les droits d’auteurs et les maisons d’édition traditionnelles.

Rares sont les personnes qui vous parleront du livre numérique comme d’un nouveau média.

Plusieurs articles et débats ont déjà évoqué la concurrence entre le livre numérique et son grand frère de papier, l’avènement de l’un étant, selon certains avis, susceptible de provoquer la mort de l’autre.
 
D’autres articles ont renforcé cette crainte en raison de l’initiative de Google de numériser le patrimoine littéraire mondial.
 
Ces débats, dont je ne nie pas la pertinence, éclipsent malheureusement ce que devrait être et sera demain le livre numérique : un nouveau média fondamentalement différent du livre numérisé.
 
Ce média ne signera pas plus la mort du livre en papier que ne l’ont fait avant lui le cinéma et la télévision et, en regard de ce qu’il propose, les reproductions numériques d’ouvrages en papier apparaîtront bien pâles.
 
C’est qu’il est possible, pour l’auteur d’un livre numérique, d’emmener son lecteur sur les traces de sa pensée à travers le texte, le son et l’image grâce aux liens qui jalonnent son récit.
 
Le livre numérique cumule alors les avantages du livre, du mp3 et de la télévision et constitue dès lors un moyen d’expression totalement nouveau.
 
Le tout premier livre d’une nouvelle maison d’édition, par ailleurs à la recherche d’auteurs, présente 306 minutes de vidéos à l’appui de son propos et au total une centaine de liens vers des pages du Web permettant de vérifier ou approfondir ses informations ou son raisonnement. 
 
La technologie du numérique offre encore aux auteurs d’autres possibilités dont l’interactivité avec le lecteur par la modification de la trame en fonction de ses choix, comme la personnalisation du livre qui consiste à donner aux personnages les prénoms demandés par l’acheteur, comme des enquêtes virtuelles dont les indices seraient disséminés en temps réel sur des sites Web complices. La maison d’édition « Penser autrement.com », sœur de la précédente, a beaucoup d’idées novatrices pour les ouvrages de fiction.
 
De ce point de vue, l’avantage du livre numérique sur le livre traditionnel, qu’il soit numérisé ou en papier, est incontestable. Mais il existe d’autres avantages, notamment écologiques et économiques.
 
Un livre numérique est accessible en ligne et ne nécessite donc aucun déplacement ni aucun espace de rangement. Il n’implique pas la destruction de forêts pour fabriquer du papier, ni de solvants pour l’encre d’imprimerie, ni d’essence ou de diesel pour acheminer les livres dans des librairies.
Sa diffusion est mondiale. Si le livre est écrit en français, il peut être acheté par n’importe quel francophone quel que soit son pays d’adoption alors que la diffusion des livres en papier est presque toujours limitée géographiquement.
 
L’économie des frais d’impression et de diffusion, et de la part du libraire, permet à l’éditeur et à l’auteur de se partager le prix de vente hors TVA et inverse le rapport entre les droits d’auteur et la rémunération de l’éditeur dont le risque financier est désormais réduit voire inexistant sur le long terme. Un auteur qui gagne entre 5 et 15% sur le livre traditionnel peut gagner jusqu’à 75% sur le prix du livre numérique
Tout cela doit bénéficier au consommateur. Le premier livre de « Penser librement.com », « La monnaie du partage » se vend à 1,82 €. Le prix moyen devrait se situer entre deux et trois euros et n’atteindre cinq euros qu’en de rares circonstances. En cette période de crise ou de réduction permanente du pouvoir d’achat, ce n’est pas négligeable. C’est également réaliste puisqu’on peut trouver de nos jours, en location ou même à l’achat, des films en DVD au prix de trois euros.
 
Cela nous change des e-books de 20 pages, bourrés de fautes, vendus à des prix supérieurs à des chefs-d’œuvre de la littérature, à grands renforts de pages de vente et de témoignages favorables, sollicités ou inventés, que l’histoire du livre numérique retiendra dans son tiroir aux arnaques parce qu’ils disaient tous à peu près la même chose.
 
Il faudrait peut-être bannir le terme anglophone de notre vocabulaire et lui préférer sa traduction française moins dévalorisée par la tentation de certains de faire beaucoup d’argent à tout prix en se moquant du lecteur.
 
Le livre numérique, tel que nous l’entendons et le défendons dans cet article, c’est-à-dire multimédia, novateur et à prix raisonnable, devrait connaître un bel avenir et apporter beaucoup à la société du futur.
 
En premier lieu, il permettra à un plus grand nombre d’auteurs de talent de se révéler. Chez un éditeur traditionnel, il est très difficile, si l’on ne jouit pas d’une notoriété déjà bien affirmée ou si l’on n’a pas vécu d’événement hors du commun, de publier un premier livre. 
 
En effet, l’éditeur traditionnel prend un risque financier et il essaie, légitimement, de le réduire autant que possible. La qualité de la plume a souvent moins d’importance que le vécu de l’auteur. C’est ainsi que vous trouverez dans les livres en papier des mémoires de personnages politiques, de détenus, de personnages mêlés à des scandales ou à des événements qui ont défrayé la chronique ou d’adolescents précoces. Ce sont autant d’arguments de vente.
 
Le problème est que de bons auteurs dont le vécu est plus anodin sont souvent laissés sur le carreau, le plus souvent parce qu’ils n’offrent pas la garantie d’un succès en librairies, parfois aussi parce qu’ils ne s’intègrent pas à la pensée unique qu’un éditeur de bon ton a souvent intérêt à ménager.
 
Or, avec le livre numérique et la diminution ou la disparition du risque financier, un auteur inconnu peut tenter sa chance. Le public est ainsi réhabilité dans son rôle naturel de juge et c’est certainement un plus pour la démocratie.
 
Face à la pensée unique, le Web est devenu le seul lieu de résistance, la seule source d’information pluraliste permettant encore au citoyen de penser librement… et de s’exprimer librement.
 
La liberté d’Internet sera peut-être la dernière qui nous restera. Cultivons-la, protégeons-la, utilisons-la au maximum des possibilités qu’elle nous offre. Nous voyons bien, en regardant ce monde et ses tragédies, ses problèmes et ses crises, que la pensée unique n’atteint qu’un seul objectif : se maintenir au pouvoir pour spolier toujours davantage le stupide troupeau bêlant que nous formons et qu’il suffit d’amuser pour qu’il soit content de faire un beau voyage quand on le conduit à l’abattoir.
 
Le livre numérique peut atteindre une force de conviction supérieure à celle d’autres médias. Il allie celle du texte à celle de l’image et du son et il reste à la disposition de son lecteur quand l’émission télévisée, qu’on n’a pas pensé à enregistrer, est passée.
 
La conclusion ? Cessons donc de confondre livre numérisé et livre numérique et accueillons ce dernier, non comme un danger pour le livre papier qui en a vu d’autres, mais comme une chance pour la société.
 
Au final, ce sera au consommateur de déterminer son niveau d’exigence en matière de qualité aussi bien que le prix qu’il est d’accord de payer pour un livre. C’est à lui de voir s’il y a lieu de distinguer l’e-book du livre numérique mais encore fallait-il qu’il sache que ce dernier, au sens où nous l’entendons, existe.
 
 


8 réactions


  • L'enfoiré L’enfoiré 11 mars 2010 11:38

    Bonjour,
     La semaine dernière, il y avait le salon du livre à Bruxelles.
     Tout tournait autour du numérique.
     Des conférences toutes les heures pour expliquer l’inexplicable. Du monde, même quand ce qu’on y disait, était comme ouvrir une porte ouverte. 
     Numérique sur le net, avec des payement à la clé, en consultation temporaire ou en continu.
     Numérique à l’école, à la bibliothèque,
     Numérique enfin sur les appareils de lecture
     
     Vous avez dit, numérique, comme c’est étrange....
     Encore une fois, mieux vaut aimer lire. Sinon...
     smiley


    • L'enfoiré L’enfoiré 11 mars 2010 11:40

      @L’auteur,
       Pardon, je n’avais pas vu que vous étiez belge.
       Peut-être avez-vous été au salon du livre de Tour et Taxi.
       Dans ce cas, je suppose que nous sommes d’accord ; 


    • L'enfoiré L’enfoiré 11 mars 2010 12:11

      J’ai oublié de vous dire. J’aime beaucoup votre « A propos ». smiley


    • benevole 11 mars 2010 13:27

      Bonjour,

      Merci pour votre lecture...
      Je n’ai encore jamais fréquenté les salons du livre mais ça viendra peut-être un jour.
      A quel « à propos » faites-vous référence ?

      Cordialement


    • L'enfoiré L’enfoiré 11 mars 2010 14:24

      A celui-ci
      C’est vrai chez nous, on dirait « About »  smiley


    • L'enfoiré L’enfoiré 11 mars 2010 14:26

      Le salon du livre, j’y étais le dernier jour, lundi dernier.
      J’aime bien.
      La seule chose qui m’ennuie, c’est que quand vous cherchez quelque chose, il faut alors connaître l’éditeur. L’auteur vient en second lieu.
      Je préfère aller à la Fnac, par exemple. Ainsi tout est classé par auteur.


  • carolucem 12 mars 2010 19:30

    Le livre numérique de deja fait un flop il y a quelques années, et je crains fort qu’il ne fasse pas mieux cette fois.
    Depuis 2 ans je telecharge et lis occasionnellement des livres sur mon ipod/iphone. On trouve gratuitement pas mal de classiques, genre Balzac, Maupassant, Flaubert, etc. Je trouve assez agréable lors d’une pause dejeuner, ou d’une attente impromptue d’avoir toujours un livre en cours sous la main, voire meme une bibliotheque. Il m’est arrivé aussi de lire sur ce support le soir au lit, en texte blanc sur fond noir, c’est pas désagréable du tout.
    Mais a chaque fois que j’en ai parlé autour de moi, je me suis heurté a une vive réaction de rejet. Soit je m’adresse a un lecteur qui fait la moue devant l’objet electronique, et me bassine avec la sensualité et l’odeur des pages de papier. Soit je m’adresse a un ’djeune’ attéré que l’on puisse utiliser ce merveilleux appareil pour seulement lire, alors qu’il existe des milliers de jeu a télécharger...
    Y’a t’il vraiment un public ? J’en doute....


    • benevole 12 mars 2010 22:22

      Merci d’abord pour votre réaction et bravo pour votre goût de la lecture. D’excellents auteurs , qui plus est.

      Le succès du livre numérique (non pas le support, mais l’ouvrage) est tributaire de deux choses : un support acceptant de lire du pdf et de cliquer sur les liens pour conduire le lecteur sur des sites Web et y lire des vidéos et mp3 et des ouvrages exploitant ces possibilités.

      Si vous lisiez devant un jeune « La monnaie du partage » , il vous rirait sans doute au nez comme vous l’évoquez jusqu’au moment où il entendrait votre « livre » parler ou émettre une chanson de Mickaël Jackson. Il s’approcherait alors de vous et s’apercevrait que vous regardez une vidéo. Son jugement changerait sans doute à ce moment.. Peut-être le sujet du livre ne l’intéresserait-il pas (encore que le documentaire de France Télévision sur les enfants tueurs à gages de Medellin n’en laisse pas beaucoup indifférents) mais il comprendrait sans doute que le livre numérique est une forme d’expression multimedia.

      Les jeunes aiment les vidéos, je crois, et là, ils en auraient pour plus de cinq heures.

      Evidemment, le grand public ne connaît pas encore le genre et les liseuses ne permettent pas encore toutes de surfer et télécharger. Mais personnellement, je lis sur mon ordinateur et cela ne me dérange pas.

      Cordialement
      Bénévole


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