mardi 24 septembre 2013 - par Fabienm

Le management en France : où sont les femmes ?

Bon, il paraît que mes derniers articles (ici, et ici) étaient un poil misogyne. Mouais. C’est bien les femmes ça… incapables de supporter la critique.

Bref, pour me rattraper, je vais faire un article sur un sujet qui me tient à cœur et qui réchauffera peut-être le tien, chère lectrice : l’incompétence manifeste de la plupart des managers en entreprise et le corollaire qui est que l’on voit finalement assez peu de femmes à ces postes-là en proportion (je parle en nombre bien sûr, pas en poids).

Je suis bien parti : rien que mon introduction est une ode à la femme (introduire la femme n’est d’ailleurs pas pour me déplaire, mais je m’égare).

Ma vie, mon entreprise

La vie est trop injuste. Non seulement, les femmes sont sous représentées dans les postes de management (avec une idée reçue bien ancrée dans la tête de nos chers RH (lire : A la découverte du RH), à savoir qu’elles peuvent pas gérer les courses, les mioches, la vaisselle, la pipe du soir et une équipe d’ingénieurs, sous risque de tout mélanger (et de proposer des pipes à leur équipe (mmhhh… tiens, c’est peut-être pas une si mauvaise idée finalement))), mais, en plus, elles ne peuvent que constater la médiocrité des managers mâles en place (comme tout le monde ceci dit).

Enfin, quand elles arrivent finalement à des postes de management à la force du poignet et de la bouche, elles restent globalement moins bien rémunéré d’environ 20% que leur équivalent à couilles (10% par testicule donc, auront compté les plus mathématiciens d’entre vous). Ceci dit, pour ce dernier point, je dirais que c’est un peu leur problème.

Principe de Peter

La première question générale est : pourquoi tant d’incompétents à des postes de management, voire de top management ?

Vous me rétorquerez qu’il est difficile d’établir objectivement la compétence d’un manager, puisqu’il est de facto détesté par le plus grand nombre, et que, donc, la médiane de sa popularité sera bien basse. Mouais…

Si l’on reste objectif (pourquoi pas) et que l’on regarde l’augmentation moyenne des salaires des patrons des grandes entreprises françaises corrélée à l’indice boursier de l’entreprise qu’ils sont censés amener au firmament, on ne pourra que s’interroger sur leur propre définition de cette compétence (réussir à s’augmenter sans que ça ne se voit trop serait-elle leur propre définition ?). Rappelons qu’en quelques dizaines d’années le rapport entre le salaire ouvrier moyen et le salaire patronal est passé de 1 pour 30 à 1 pour 300, et je doute que la compétence patronale fut multipliée par 10 sur la même période à compétence ouvrière équivalente. En tout cas, ça me donne presque envie de devenir patron cette histoire (je commence à comprendre les femmes qui réclament l’égalité (surtout qu’elles ne sont pas les dernières à savoir comment dépenser leur blé)).

Plusieurs explications sont possibles quant à l’apparente inefficacité de nos managers. Une que j’aime bien est ce que l’on appelle « le principe de Peter ».

En 1970, ce petit livre éponyme écrit par Laurence J. Peter et Raymond Hull expliquait comment dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence avec le corollaire qu’avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité. Les deux principes de base, qui expliquent cet état de fait, est qu’un employé compétent à un poste donné est promu à un niveau hiérarchique supérieur, tandis qu’un incompétent à un poste donné n'est jamais rétrogradé à son ancien poste. Ainsi, tout employé compétent sera toujours à un moment ou à un autre promu pour atteindre finalement son niveau d’incompétence où il restera bloqué indéfiniment.

D’autres explications plus franco-françaises

Bien que je sois un fervent admirateur de cette théorie, je dois dire qu’il me semble que la France accumule quelques autres facteurs aggravants. Comment ne pas évoquer, par exemple, cette mode très française de nommer des gens à des postes de management, avant qu’ils aient fait leurs preuves – pour peu qu’ils les fassent jamais –, sur la foi de la réputation de leurs écoles (système de cooptation bien en place dans énormément de secteurs), ou par simple copinage (serais-tu de la même loge que moi ?). On notera, à ce propos, que l’admission des femmes à une école comme Polytechnique n’étant que finalement assez récente, ces réseaux sont majoritairement engorgés par des individus majoritairement masculins.

Un autre système (pas meilleur) est la promotion du meilleur technicien de l’équipe, indépendamment de ses capacités de management, comme si la connaissance du métier allait s’instancier miraculeusement lors de son intronisation en une capacité à diriger ses ex-collègues.

Par rapport au rôle du manager lui-même, on peut noter que la plupart des managers français pensent que leur salut passe uniquement par l’atteinte de leurs objectifs (incentive oblige…), loin donc de l’attente de leurs collaborateurs, plus orientée sur l’environnement de travail et leur développement personnel. La conséquence classique étant une démobilisation générale de ces derniers et une insatisfaction croissante, ainsi qu’une dégradation de l’ambiance de travail. Vous noterez d’ailleurs l’aspect vicieux de ce cercle : plus un manager se fixera uniquement sur ses objectifs, plus les collaborateurs se démotiveront et moins il les atteindra.

Une autre tare franco-française est le système d’évaluation des managers qui est encore trop souvent réalisée uniquement par la hiérarchie dans d’orgiaques séances d’autocongratulation où la distribution de stocks option remplace avantageusement le raisin et les putes (ou les précède), sans prendre en compte les remarques des collaborateurs.

On trouvera enfin dans nos spécialités hexagonales, coincée entre la baguette tradition et le saucisson sec, notre incapacité chronique à « dégrader » un manager ou à s’en débarrasser (un des postulats de base du principe de Peter), souvent du fait que nombre de « secrets » étant passés par leurs mains inexpertes, il devient difficile de les fâcher (on notera ainsi que l’inexpertise des managers va rarement jusqu’à entamer leur capacité à protéger leurs miches).

Mais finalement, qu’est-ce qu’un bon manager ?

On dit d’un vrai manager qu’il doit avoir 3 qualités :

  • Il doit signer les notes de frais sans faire chier
  • Il doit vous laisser tranquille
  • Il doit prendre des décisions (si possible, pas trop connes)

En égrenant les qualités nécessaires, il devient assez vite évident qu’une femme n’est pas qualifiée pour les deux premières : « sans faire chier » n’est pas exactement féminin, pas plus que la capacité à laisser l’homme tranquille. Cependant, on doit reconnaître qu’elles sont particulièrement douées pour choisir leurs paires de pompes. 1 point pour la femme !

Tout ça pour dire qu’on peut dire tout et n’importe quoi sur la fonction de manager (un peu comme sur les femmes… on tient peut-être quelque chose), et que le meilleur indicateur d’un bon manager reste sa capacité à faire fonctionner son équipe, c’est pourquoi j’aime assez l’approche d’évaluation type 360°.

Dans nos entreprises modernes malheureusement, le bon manager (du point de vue de la direction) est souvent celui qui est payé pour ne pas se poser de questions et appliquer à la lettre des directives inhumaines sans faire de vagues (crise oblige, la réduction des ETP (*) sans provoquer de grève est devenu le KPI (*) ultime). Alors que pour son équipe, un bon manager serait le mec qui donne du sens et aide au développement de leur propre carrière (quelle bande de doux rêveurs). Y’a comme un schisme (comme dirait l’autre maso).

La répartition du temps du manager, notamment le temps qu’il accorde à s’occuper de ses collaborateurs (activité trop souvent sous-estimée, voire délaissée) est le meilleur indice pour apprécier sa vision du management.

Mais ce qui est le plus dommageable à nos modes de management reste sans doute les idées reçues, et notamment l’idée selon laquelle la capacité à manager serait innée ou liée à une certaine forme de charisme. Un excellent bouquin de Robert Sutton et Jeffrey Pfeffer (Faits et Foutaises dans le management), professeurs à l’université de Stanford, démontrent à l’aide d’études détaillées de très sérieuses universités (c’est bien les américains ça de faire les choses sérieusement) combien certaines de ces idées sont fausses. En voici quelques-unes : et si les incitations financières avaient des conséquences qui altèrent la performance ? Et si se focaliser sur la stratégie plutôt que sur l’efficacité opérationnelle, c’était mettre à côté de la plaque ? Et si le changement était parfois pire que l’absence de changement ? Et si les « grands leaders » ne jouaient qu’un rôle mineur dans la performance de leur entreprise ?

A noter que le management n’est pas une science occulte ou qui relève de la magie mais bien une discipline extrêmement étudiée, notamment outre-Atlantique, avec une littérature abondante sur le sujet et des revues extrêmement sérieuses comme la Harvard Business Review pour n’en citer qu’une (ceci était un message informatif à destination de ma Direction Générale).

Et les femmes dans tout ça ?

Ha ben oui tiens, et les femmes ? Voilà que j’allais encore les oublier (je suis incorrigible).

Une théorie, défendue par Tomas Chamorro-Premuzic, professeur en psychologie de l’Université de Londres, est que le ratio en défaveur des femmes chez les managers et la prédominance de mauvais managers hommes serait dû à un défaut de discernement, et notamment à une confusion entre compétence et confiance. Ainsi, on corrèle fréquemment le charisme ou l’excès de confiance à la capacité de management (ce qui n’est généralement pas prouvé) et ce trait de personnalité est plus souvent constaté chez les hommes que chez les femmes. Plusieurs études montrent, en effet, qu’à peu près partout dans le monde (comme quoi il existe certaines vérités universelles), les hommes se pensent plus intelligents que les femmes (je suis dans la norme, c’est rassurant). Or, l’excès de confiance et l’arrogance, s’ils sont souvent liés au charisme, sont malheureusement néfastes à la bonne gestion d’une équipe. L’humilité et la considération pour les autres, deux qualités essentielles à un bon manager, sont observées, commente ce professeur, beaucoup plus fréquemment chez les femmes. A l’inverse, on observe plus souvent l’utilisation de techniques comme la manipulation et la prise de risque chez les hommes (ça sonne un peu préhistorique dit comme ça, mais j’imagine bien un certain nombre d’applications à ces techniques). Le chercheur en conclut que les qualités pour obtenir le poste dans l’environnement actuel est souvent l’exact opposé des qualités nécessaires pour bien le faire, de même que la plupart des qualités nécessaires à un bon manager sont constatées de manière prédominante chez des gens qui ne se font pas remarquer pour leur apparente capacité à diriger.

Des études montrent clairement que les femmes peuvent adopter des stratégies de leadership beaucoup plus efficacement que la plupart des hommes, notamment dans leur capacité à provoquer fierté et respect chez leur collaborateur (« j’arrive à supporter une femme manager, je suis si fier de moi ! »), dans leur facilité à communiquer leur vision efficacement, et dans la façon dont elles résolvent les problèmes de manière plus collaborative et créative, tandis que l’on constate chez l’homme une plus grande difficulté à se lier avec leurs collaborateurs et à les récompenser à la juste valeur de leur performance (ceci dit récompenser un collaborateur parce qu’il a des bonnes anecdotes à raconter ne me paraît pas complètement con).
Sa conclusion est que le problème n’est pas tant que l’on empêche les femmes de devenir des leaders, mais plutôt l’absence d’obstacle qui empêche les hommes incompétents d’être mis à des postes de managers.
Le résultat est un système pathologique où l’on récompense les hommes pour leur incompétence et où les femmes sont punies de leur compétence au détriment de tous.

Quand la réalité confirme la pratique

Une histoire récente aux USA montre comment le système peut promouvoir les pires candidats. Jusqu’à il y a une semaine, le meilleur candidat au poste de gouverneur de la Réserve Fédéral, d’après Barack Obama était Lawrence Summers, « symbole des pires errements des milieux financiers durant la dizaine d’années qui a précédé la crise : exécuteur du Glass-Steagall Act, saboteur de toute tentative de réglementation des produits dérivés, utilisant en plus des sarcasmes et l’intimidation contre ses adversaires, jouant la banque contre l’administration alors qu’il faisait partie de celle-ci. Sans compter bien entendu qu’il ait dû quitter l’Université de Harvard dont il était le président, non pas comme on le dit aujourd’hui en raison du fait avéré qu’il ait joué et perdu sur les marchés financiers 1,8 milliard de dollars des fonds de l’université, mais chassé par un vote de ses collègues en raison de sa fameuse allocution en 2005, où il ‘‘prouvait’’ que la sous-représentation des femmes dans les carrières scientifiques était due à leur ‘‘plus faible aptitude intellectuelle’’ », d’après Paul Jorion. Ce n’est que grâce à la fronde de la sénatrice Elizabeth Warren, que les prétentions injustifiées de Lawrence Summers ont pu être balayées. Le pire étant sans doute que l’opinion publique ainsi que ses pairs « hommes » s’étaient très bien accommodés de cette candidature.

Bon si on résume : système verrouillé par les hommes (globalement incompétents car promu sur la base de qualités peu nécessaires à un bon leadership), promotion des bons collaborateurs jusqu’à leur seuil d’incompétence où ils restent bloqués ad vitam eternam (principe de Peter), incapacité global du système à promouvoir les leaders compétents (et particulièrement chez les femmes) associés à une absence de volonté d’évoluer ou plutôt associés à une incapacité systémique.

Je pense qu’on a une bonne image désormais de l’état du management en France. Bienvenue dans le monde de l’entreprise moderne.

Putain la vache, j’ai fait un article sérieux. J’en reviens pas. Je devrais l’envoyer à mon manager.

Merde c’est une femme… (mais sans les qualités sus citées)

Bon je vais réfléchir.

Tiens je pense à un dernier truc qui va dans le sens de filer des postes de management aux femmes. En faisant ça, elles se rendront compte enfin de ce que c’est que d’avoir un vrai boulot.

Elles feront moins les malines comme ça.

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(*) ETP : équivalent temps plein, fabuleuse et poétique façon de parler d’humains. Ainsi, on ne licencie pas des gens, on réduit les ETP (j’imagine que ça fait moins mal)

(*) KPI : key performance indicator (où comment les consultants ont pris le pouvoir de nos cerveaux en les abreuvant de néologismes, d’anglicismes et autres joyeusetés)

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Retrouvez tous les articles inutiles de Jean-Fabien sur http://www.jean-fabien.fr



8 réactions


  • jef88 jef88 24 septembre 2013 12:47

    Savoir ou savoir faire ?
    En France on a tendance à privilégier le « savoir » théorique sanctionné par un beau(?) diplôme.
    l’expérience ? la connaissance du terrain ? le contact ?
    BALAYES ! ! !

    alors comment « classer » les femmes ?
    comme les copains en fonction du diplôme ...... mais pourquoi vont elles dans des filières comme les lettres ?
    c’est que le système les y a poussées ........


    • nemotyrannus nemotyrannus 24 septembre 2013 13:51

      Remarquez , maintenant on les pousse aussi mais dans l’autre voie.


      On fait tout pour les pousser vers les filières scientifiques et les filières autrefois surtout occupées par les garçons.
      Ce n’est pas grave mais c’est la manière qui l’est.
      Parce qu’il fut bien légitimer l’existence de quotas qui n’ont pas forcément lieu d’être à la base et montrer l’exemple à la source .
      C’est à dire en forçant un peu la main au nom de la liberté de choix. Imposer un sexisme pour lutter contre la discrimination entre les sexes.

      Ce n’est pas « vous pouvez aussi faire l’autre voie » c’est « faites l’autre voie pour prouver qu’on a raison ».
      Et ça change tout...Ou rien en fait.

      Sacré progrès... 



    • Fabienm 24 septembre 2013 17:18

      La prédominance du diplôme est à mon sens une calamité bien française...


  • Ruut Ruut 24 septembre 2013 16:17

    Article qui dit tout et son contraire.....
    La carrière des femme dans une entreprise est stoppée voir détruite par la seule chose que l’homme ne peut pas faire, donner la vie et allaiter.

    Ma femme as arrêté sa carrière pour ça.

    Or les enfants c’est le socle de la société.
    Tant que les entreprises n’intégreront pas des maternité sur les lieux de travail aux horaires de travail, il y aura moins de femmes aux postes a responsabilités a horraires non malléables.

    Ce n’est pas pour rien que de tout temps le Femme avait la charge du foyer et des bébés pendant que l’Homme la charge des revenus du ménage.
    L’homme ne pouvant pas se substituer a la femme sur ce point. (contraintes biologiques)

    Combien d’entreprises imposant les 3/8 H24 a leurs employés leur offre une crèche supportant les 3/8 H24 ?


    • Fabienm 24 septembre 2013 17:20

      ha mince, je dis tout et son contraire, ça c’est ballot smiley

      pour les congés parentaux, ce n’est pas complètement faux, à part qu’il faut imposer de prendre ces congés, combien de père ne prennent même pas 15 jours autorisés ?


  • Denzo75018 24 septembre 2013 17:00

    Les Femmes en France, elles nous font des mioches ! Elles peuvent pas tout faire.......Non mais des fois ! LOL


    • Fabienm 24 septembre 2013 17:21

      oui, on a un taux de natalité record. Tous ces futurs petit chômeurs, c’est si attendrissant...


  • chmoll chmoll 24 septembre 2013 17:44

    chez moi y a pas de chef , Madame repasse et moi je les porte
    50/50 quoi


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