samedi 19 octobre 2013 - par Krokodilo

Le mystère du monter à la corde

Aucun de mes enfants n'a appris à monter à la corde, alors que c'était de mon temps un classique du gymnase. Pourquoi cette mystérieuse disparition d'un apprentissage très utile ? A l'heure où l'on discute d'une refonte des programmes scolaires, il nous a semblé utile d'enquêter.

Sans être un fanatique de gymnastique, force est de reconnaître que dans de nombreuses circonstances savoir monter et descendre le long d'une corde peut s'avérer bien plus utile que, par exemple, faire la roue ou le poirier - comme l'illustrera ce dialogue avec un adulte coincé en hauteur :
- On a appelé les pompiers. Est-ce que vous avez une corde ?
- Oui.
- Fixez-la solidement et vous pourrez descendre, il n'y a que quatre mètres.
- Mais je ne sais pas faire les nœuds...
Bon, c'est un mauvais exemple – les nœuds n'étant pas non plus enseignés à l'école. Admettons que la corde est déjà mystérieusement en place, genre corde de fakir :
- C'est bon, descendez le long de la corde !
- Je ne sais pas ! dit la malheureuse victime d'une voix paniquée.
- Mais je sais faire le poirier ! ajoute-t-elle soudain, pleine d'espoir.
- Quoi ?
- Et aussi la roue !
Bref, la vérité oblige à dire que la plupart des gens ne feront jamais la roue ou le poirier de toute leur vie d'adulte : avez-vous souvent vu dans la rue des gens faisant la roue ? Non. Pas plus que le type qui attend sa femme parce qu'il a oublié ses clefs ne poireaute en poirier : assis en lotus, à la rigueur, s'il est assez souple, mais en poirier devant l'entrée de l'immeuble la tête en bas - non, jamais.

Alors pourquoi quelque chose d'aussi utile a-t-il été supprimé du programme scolaire ? Une intense recherche de quelques minutes sur la Toile n'ayant pas apporté de réponse, nous allons essayer d'y arriver par le raisonnement, technique également enseignée à l'école... Quoique selon d'autres sources toute logique ait disparu des programmes scolaires.

- Commençons par des raisons techniques :
L'UE a-t-elle imposé des normes ? Épaisseur de la corde, résistance (que celui qui n'a jamais douté de la solidité de sa fixation au plafond du gymnase me jette le premier tapis de sol), d'où découlerait un manque d'inspecteurs des cordes ? Problème de qualité-produit, contrefaçon chinoises de cordes, manque de cordes françaises ? On s'interroge.

- Des raisons religieuses et communautaires : manque de cordes halal ou cachères ? Indécence du geste, refus de voir des garçons concupiscents reluquer le cul montant de nos jeunes filles ? En outre, il existait jadis deux variétés de corde : lisse ou à nœuds, lesquels facilitaient l'apprentissage puisqu'on pouvait y caler ses pieds pour faire une pause, comme un grimpeur ou alpiniste sur un replat. Mais ces nœuds sur une corde n'évoquaient-ils pas de trop près un gland phallique, une bonne dizaine de glands, même ? Sans oublier la descente et cette tige qui glisse entre les cuisses. Qui peut savoir : il n'y a pas de limites à l'imagination libidineuse des fanatiques.

- Raisons sociétales : à l'heure d'Internet, les choses vraiment importantes se trouvent en vidéo et s'apprennent en ligne : jouer au poker, le kama-sutra, et donc aussi le monter à la corde.

- Ou alors, dans un monde violent et globalisé où l'on se battra même pour de l'eau, peut-être d'autres compétences ont-elles été jugées utiles : l'escalade et la « natation longue » (pour le déluge ou le tsunami ?), la « boxe française, la lutte » ?

- Peut-être est-ce dû à une autre maladie de civilisation, la société de consommation, l'abondance, car la lecture des activités possibles en EPS (éducation physique et sportive) donne le tournis : ça va du cirque au « multibond » (ne me demandez pas ce que c'est, j'en suis resté au banal triple-saut), en passant par la course d'orientation et la « performance acrobatique ».
La seule constante des programmes scolaires, c'est l'ambition !

- Faut-il chercher du côté de l'américanisation de l'UE ? Crainte de la judiciarisation des activités physiques, comme l'indique cette affaire où l'établissement et le professeur ont été cette fois-là dégagés de toute responsabilité.

Ou des raisons inavouables  : crainte du Ministère de l'intérieur que des professeurs ne se suicident par pendaison dans le gymnase de l'établissement... comme parfois les forces de l'ordre avec leur arme de service. Passons sur cet usage indélicat du matériel de l'Etat - tout le monde n'a pas chez soi la machine du sieur Guillotin.

Notre ministre ayant annoncé de nouveaux programmes scolaires, en ces temps de crise nous suggérons une mesure d'économie : apprendre seulement à descendre. Mais cela suppose la construction d'un escalier dans chaque gymnase – et la Cour des comptes y verrait probablement une gabegie.

- On pourrait trouver là une application de la transversalité, notion très en vogue dans les Académies : calcul de la force de rupture d'une corde (maths+EPS), représentation des cordes dans la peinture au fil des siècles (arts plastiques+EPS), usage de la corde dans le siège des châteaux forts au Moyen-Âge (histoire+EPS), etc. Ou encore la bicompétence que le ministère souhaite développer chez les enseignants : par exemple prof de français et de monter à la corde.

- Si c'est une question de budget, on pourrait monter à la ficelle, mais les risques augmentent.. Ou alors externaliser et sous-traiter cet apprentissage. Mais le partenariat public-privé s'est toujours avéré très coûteux pour la collectivité ; il est moins cher de monter chez soi que de faire appel aux professionnelles : tu montes, chéri ?

- Dans le cadre du multilinguisme européen, on pourrait créer un Erasmus du monter à la corde  : chacun irait ainsi apprendre le monter à la corde dans un pays étranger, tout en améliorant ses connaissances linguistiques, car savoir dire "corde" dans 27 langues sera l'indispensable viatique de l'honnête européen du XXie siècle.

Finalement, peut-être l’Éducation nationale a-t-elle appliqué les plus récentes découvertes de la pédagogie : ne pas apprendre à l'élève mais le laisser découvrir lui-même. Ainsi que l'avait depuis longtemps anticipé notre Cyrano de Bergerac : "ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! "



21 réactions


  • bakerstreet bakerstreet 19 octobre 2013 09:00

    Tranquillisez vous, ce n’est que partie remise. 


    Le montée de corde apparaitra un peu plus tard !

    Pour certains elle sera savonneuse, éfilochée. 
    Ils s’abimereront les mains dessus, en se lançant à l’aveugle, sans technique.
    On se foutera de leur gueule comme dans le bon vieux temps, en les traitant de « gros sac », quand malgré tous leurs efforts, ils retomberont à terre, après après avoir tenté un mètre....

    Il y en a d’autres qui s’éléveront sans effort, comme par la grace de dieux, excepté que ce sera facile pour eux, sur cette corde à noeuds avec laquelle on peut monter bien plus vite !
    Surtout qu’ils auront pris des cours, fait des prépas de montée à la corde. 
    Alors que d’autres depuis longtemps, seront à terre, avec les pieds pris dedans. 

    Vous me direz : « Ca vaut mieux que de l’avoir autour du cou ! »
    Et voilà comment le peuple se rassure, en se contentant de peu !

    Passons au lancé de poids !

  • ZEN ZEN 19 octobre 2013 10:47

    Bonjour
    Ce papier ne mérite pas la corde, mais tout de même... smiley
    Pour le Certif, l’épreuve du monter à la corde était l’occasion de montrer ses biscotos aux filles du village, qui pour le saut en hauteur savaient aussi se ridiculiser. Pas de jean ni de survêtement à l’époque !


  • volpa volpa 19 octobre 2013 10:48

    Le monter de cordes se pratiques dans les grandes écoles.

    Ce truc doit être laissé aux zélites.


  • volpa volpa 19 octobre 2013 10:49

    Excusez moi du S de trop.


  • jef88 jef88 19 octobre 2013 11:25

    La corde ? pas marrant ! ! !
    n’aurait elle pas été supprimée au moment du passage à la mixité dans les écoles ?
    ben oui je fantasme ! et alors ! ! !


  • alberto alberto 19 octobre 2013 15:03

    Oui, EPS + Maths, mais pas en CE 1, mais à NormalSup : Voir


  • Bruce Baron Bruce Baron 19 octobre 2013 15:18

    Moi j’ai du attendre l’armée pour apprendre ça.


  • Sacotin Sacotin 19 octobre 2013 15:43

    Il y avait la corde, oui, mais aussi la perche. Elle était ma préférée car elle me procurait un grand plaisir sexuel. Hé oui....


  • politzer politzer 19 octobre 2013 16:28

    ne pas oublier Lénine qui dans sa grande indulgence a prévenu du danger :« les capitaliste nous vendrons la corde pour les pendre ! » d où pénurie de cordes organisée par les futures victimes !


    • bakerstreet bakerstreet 19 octobre 2013 19:50
      « Ils venderont la corde pour les pendre »

      Désolé, cette citation, c’était pas de Lénine, mais de ce garnement de Karl Marx, de la bande des Marx Brothers il me semble. 

  • politzer politzer 19 octobre 2013 16:30

    où l on constate que l auteur ne sait vraiment pas de quoi il parle car on disait , de mon temps où on en faisait l exercice , : « le grimper de corde » !


  • Corinne Colas Corinne Colas 19 octobre 2013 17:01
    Article qui conforte l’interrogation des parents sur le sujet, du moins ceux qui ont appris petits à grimper sur une corde.

    Savoir monter à la corde, c’est en effet très important
    (et la descendre accessoirement smiley

    Toute personne habitant à l’étage, devrait en avoir une de côté.

    Monter à la corde était obligatoire au primaire. Activité banale remplacée par d’autres au collège et lycée puisque par principe, garçons et filles (désolée pour les machos) savaient tous monter à la corde encore dans les années 70...

    Monter à la corde au primaire a été interdit... car considéré depuis comme dangereux.

    C’est vrai qu’on peut se demander pourquoi cela n’a pas été enseigné au collège alors. 

    Grimper aux arbres (même si petits) est aussi interdit aux enfants en centre aéré désormais. Finies les escalades, les cabanes sauf si encadrement avec baudrier etc.

    Et après, on s’étonne de la dyspraxie, le dernier mal du siècle chez les petits occidentaux ! 

    Le service militaire ayant disparu, c’est une majorité d’individus qui ne saura jamais monter à la corde mais ils ont intégré les normes de sécurité : casque pour le ski, faire du cheval, faire du vélo, équipement pour monter aux arbres sous l’œil averti d’un instructeur, ballades sur sentiers balisés, transat en voilier ok mais en convoi organisé svp.





    • bakerstreet bakerstreet 19 octobre 2013 19:52

      Corrine


      Vous avez mis le doigt sur l’essentiel. 
      Depuis que les gamins ne vont plus en bande, et qu’ils apprennent le solfège et le violon plutot que les osselets, ainsi qu’à monter aux arbres, quelque chose de pourri s’est introduit dans l’enfance. 
      Elle disparait, comme le sable des plages.

  • amipb amipb 19 octobre 2013 17:05

    Monter à la corde n’est pas forcément utile dans la vie de tous les jours. L’écriture cursive, par contre...

    http://www.lefigaro.fr/international/2012/11/28/01003-20121128ARTFIG00462-en-californie-l-ecriture-cursive-appartient-au-passe.php


    • Corinne Colas Corinne Colas 19 octobre 2013 18:37

      Tous les jours non... mais une seule fois, cela peut vous sauver la vie oui ! 


      Le mieux, c’est de savoir faire les deux : être à l’aise sur le plan psychomoteur, ça aide pour l’écriture cursive. Les sensations physiques manquent dans les apprentissages fondamentaux aujourd’hui. On demande de plus en plus tôt à l’enfant de rester sage, celui qui bouge est considéré comme perturbateur. A défaut de pouvoir le faire quand c’est le moment, lorsqu’ils sont grands...ils deviennent agités.

  • Krokodilo Krokodilo 19 octobre 2013 17:43

    Pour moi c’était au collège. J’ignorais que les primaires allaient au gymnase à une certaine époque. 


    • Corinne Colas Corinne Colas 19 octobre 2013 18:21

      Hé bien, on avait de la chance alors car on n’allait pas non plus au gymnase, on avait une belle et grande salle avec miroir au mur et au plancher bien ciré directement intégrée à l’école (je dis bien primaire) qui servait à tout y compris les cours de danse en tutu. 





  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 19 octobre 2013 17:55

    Y a plus de cordes ,les élèves ont fumé le chanvre .


  • REFLEX 19 octobre 2013 19:44

    à l’auteur,
    votre article nous rajeunit, et nous ouvre un monde quelque peu oublié , celui des années de collège.
    A l’époque, c’était entre autres, pour nous, un grimper de corde chronométré, de deux fois trois mètres, car il n’y avait pas de hauteur de six mètres.
    Voilà qui nous éloigne de nos préoccupations quotidiennes, mais ça ne fait pas de mal de faire ce comparatif permettant de constater que certaines matières ne sont plus enseignées, alors qu’elles étaient bien utiles pour la construction du caractère ... et des capacités physiques.
    bonne soirée


  • Constant danslayreur 20 octobre 2013 13:27

    Billet rafraichissant merci.
    Collégien, l’angoisse existentielle de ma vie, était que mes bras n’arrivent pas à soulever mon corps le jour j, jamais réussi à le faire au collège... par contre plus tard à l’armée je l’ai fait très facilement.

    Moralité, un sergent-instructeur de l’armée est bien meilleur... pédagogue smiley qu’un prof d’EPS  


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