Le naufrage parlementaire de « la République irréprochable »
Le projet de loi a été voté le 3 juin 2008 par l’Assemblée nationale, par 315 voix sur 546 suffrages exprimés. A ce sujet, on peut remarquer que le projet de loi n’avait déjà pas obtenu à l’Assemblée nationale la majorité des 3/5e nécessaires à son adoption lors du congrès prévu normalement le 7 juillet. Il aurait fallu 327 voix "pour" au lieu des 315 obtenues (13 députés UMP s’étaient prononcés contre le texte, 5 s’étaient abstenus). Nous passons du fourre-tout au sac de nœuds constitutionnel !
Comme tout texte modifiant la Constitution, le projet de loi doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Ce ne sera même pas le cas.
Les restrictions du Sénat (Dépêche Reuters du 16 juin 2008) d’Emile Picy :
- "La commission des Lois du Sénat a notamment rejeté la mesure votée par l’Assemblée visant à limiter l’utilisation de la procédure prévue par l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote. Un rejet également décidé par la commission des Affaires étrangères, son président, Josselin de Rohan (UMP), annonçant qu’il ne voterait pas la réforme si le recours au 49-3 devait être limité.
- Les deux commissions ont en outre rejeté le dispositif introduit par l’Assemblée qui, visant tout particulièrement la Turquie, rendait obligatoire un référendum pour l’adhésion à l’Union européenne de tout pays dont la population représente plus de 5 % de la population totale de l’UE.
- Pour compliquer les choses, la majorité de droite de la commission des Lois de la Haute Assemblée, que préside Jean-Jacques Hyest (UMP), a adopté un amendement inscrivant dans la Constitution l’actuel mode de scrutin pour les sénatoriales, alors même que le Parti socialiste fait un casus belli de cette réforme du scrutin sénatorial."
Il est d’ores et déjà clair que la mise au point d’un texte commun aux deux assemblées risque de poser de graves problèmes quant à l’adoption d’un texte éventuellement issu des pourparlers parlementaires. C’est ainsi que même la date du Congrès de Versailles fait l’objet de spéculations. Ce n’est déjà plus le 7 juillet, ce sera éventuellement le 21 juillet. Mais ce n’est pas certain. L’hypothèse d’un renvoi à l’automne n’est plus écartée.
De l’indifférence pour les mesures essentielles à une revalorisation démocratique (non-cumul des mandats, dose de proportionnelle, procédure référendaire honnête...) à l’accumulation de propositions démagogiques et hors de propos (référendum parlementaire, langues régionales dans l’article 2, parité professionnelle homme-femme, mais aussi l’interdiction du déficit (! !!)...), le projet de loi s’enfonce dans les seuls intérêts partisans des organisations politiques et se perd dans le calendrier du mandat présidentiel.
Si, par extraordinaire, les deux assemblées parlementaires arrivent à se mettre d’accord, cette réforme sera totalement dénuée d’intérêts, et il faudra des trésors d’imagination ou de grandes connivences avec les médias pour organiser une communication favorable. Ce qui demeure toujours possible, bien sûr !
Ainsi, d’un « diagnostic partagé » sur la nécessaire démocratisation de nos institutions, nos élus et gouvernants se révèlent tout à fait incapables de proposer une véritable réforme d’adaptation de notre système politique au siècle qui vient...
Nous nous en doutions et nous avions déjà dit lors du débat présidentiel que pour changer la République à défaut de changer de République, il eût fallu un président courageux et responsable qui se serait servi de la procédure référendaire de l’article 11 de la Constitution. Faute d’utiliser cette procédure, il semble d’ores et déjà acquis que la réforme perd, d’étape en étape et même « de jour en jour », de son intérêt et de son efficacité.
Pour dépasser les clivages et intérêts des partis et élus politiques, pour imposer les mesures essentielles plébiscitées par les sondages d’opinion (non-cumul des mandats, dose de proportionnelle, RIC, etc.) susceptibles d’apporter des solutions à la dévalorisation du Parlement et à la crise de la représentativité actuelle, le référendum constitutionnel est aujourd’hui inéluctable.